J'avais remplacé Mademoiselle Bayle comme directeur de l'école à la rentrée d'octobre 1942 et Yvonne n'était plus institutrice à Saint-Didier mais adjointe au pensionnat de Noirétable, ce qui limitait nos rendez-vous aux dimanches avec déplacements à bicyclette. Tout se déroulait à peu près bien quand brusquement, le 19 mars 1943, je reçus une convocation pour me rendre à la Kommandantur à Saint-Étienne en vue d'une visite d'incorporation au S.T.O. (en compagnie de quatre autres jeunes de Saint-Didier).
A tout hasard, pendant que j'étais à Saint-Étienne, je rendis visite au directeur de l'enseignement libre, le Chanoine Ollagnier qui me promit d'intervenir à la Préfecture pour essayer de m'obtenir un sursis en tant que directeur d'école. Il faut dire ici, que certains travailleurs étaient exemptés de S.T.O., comme par exemple les mineurs de fond. Personnellement je ne nourrissais que peu d'espoir et pendant la semaine qui suivit je préparai mon départ. La veille seulement du jour prévu, le 25 mars, un coup de téléphone me prévint que le sursis m'était accordé jusqu'à la fin de l'année scolaire. Je dois donc de n'être pas parti en Allemagne à Monseigneur Ollagnier auquel va toute ma reconnaissance.
J'appris bien plus tard que les camarades qui avaient été appelés en même temps que moi avaient bien pris le train à Saint-Thurin, mais étaient descendus à la gare suivante, L'Hôpital-sous-Rochefort. Les uns prirent le maquis, un autre demeura caché dans son grenier jusqu'à la fin de la guerre, ne sortant que la nuit. C'est d'ailleurs à la suite de tous ces appels au S.T.O. que les maquis se formèrent et grossirent peu à peu.
La fin de l'année 1943 et surtout l'année 1944 jusqu'à la libération en août furent beaucoup plus agitées. Les incidents se multiplièrent : descentes des maquisards dans les mairies ou les fermes pour se procurer des cartes d'alimentation ou de la nourriture, arrestations par la Gestapo ou la Milice. Le massacre d'Oradour-sur-Glane eut lieu le 10 juin 1944. A Saint-Didier, Signoret, Fayoux et Raillère furent arrêtés et déportés dans un camp de concentration; deux y moururent, le troisième, Maurice Raillère en revint très malade et par la suite devint pâtissier à Rive-de-Gier.