1939-1941
Quand la guerre éclata le 3 septembre 1939, je venais de terminer fin juin mes études à l'école Gerson à Lyon avec en poche le brevet Supérieur, diplôme réservé à cette époque aux futurs instituteurs des Écoles Normales. C'est l'oncle curé de Saint-Romain-le-Puy qui me trouva ma première place à Sury-le-Comtal. Je commençais donc ma carrière en octobre 1939, logeant à Saint-Romain-le-Puy et me rendant tous les jours à bicyclette à Sury, distant d'un peu lus de cinq kilomètres. A midi, je revenais prendre mon repas à la cure de Saint-Romain, soigné comme un coq en pâte par la bonne, Madame Laurent, n'ayant aucun lien de parenté avec nous.
Cette première année d'enseignant, coïncidant avec la première année de la guerre, fut plutôt agitée. L'école avait trois classes; je fus affecté au cours préparatoire, mais pendant les vacances de Noël, le directeur, déjà âgé, mourut. Celui qui faisait la deuxième classe, le cours élémentaire, un autre Gersonnais nommé Ogier, devint directeur; je pris sa place et on embaucha une fille de Sury pour enseigner au cours préparatoire. Fin mars, Ogier fut mobilisé de sorte qu'à la rentrée de Pâques je me retrouvais directeur de l'école à 19 ans avec deux jeunes filles de Sury comme adjointes. J'héritais de la charge d'avoir à présenter au certificat d'études cinq candidats avec en plus le cours moyen à assurer. Au point de vue scolaire, tout se passa bien, mais quant aux évènements, ce fut autre chose.
Pendant tout l'hiver, nous avions vécu avec aux frontières, ce qu'on appela la "drôle de guerre", c'est à dire qu'il ne se passa rien ou presque, sauf qu'il fit très froid et qu'il neigea beaucoup . Pendant une quinzaine, début janvier je fus obligé de laisser la bicyclette et de prendre le train à cinq heures et demie du matin ( il n'y en avait pas d'autre) pour arriver près de deux heures en avance à l'école.