En plus des activités ordinaires de la ferme, labours, foins, moissons, soins des bêtes, mon père s'adonna quelque peu au négoce de pomme de terre, culture prépondérante à cette époque. Au moment de la récolte, en automne, il allait expédier en gare de Saint-Thurin, des wagons de ces tubercules destinés à des acheteurs lointains, Marseille par exemple. Il y eut parfois des déboires lorsque une gelée trop forte survenait avant leur arrivée à destination. Des wagons sont revenus refusés avec des pommes de terre gelées et pourries; double travail et perte seiche. Mais dans l'ensemble, un petit bénéfice permettait à la famille de mettre un peu de beurre dans les épinards.
Une troisième activité annexe s'ajouta à tout cela. Avec un voisin et cousin, Antonin Michel, mon père s'associa pour fonder une entreprise de battage. Ils achetèrent en commun une batteuse et firent la campagne de battage, d'abord dans les hameaux alentour puis jusqu'à Saint-Martin-la Sauveté, Ailleux, Saint-Sixte. Cela durait plusieurs semaines et était extrêmement pénible. Les journées étaient très longues et lorsque le travail était terminé dans une ferme, il fallait encore transporter à l'aide d'un attelage de bœufs ou de vaches, les machines, batteuse et moteur, chez le client suivant et les caler pour le lendemain . Ce qui fait que mon père rentrait tard dans la nuit alors que ma mère, anxieuse, l'attendait sans pouvoir s'endormir.