L'année scolaire est terminée; les locaux de l'école sont occupés par la colonie de Firminy. Le débarquement a eu lieu le 6 juin en Normandie mais les Allemands font face. Ils sont nerveux. Dans le reste du pays c'est l'effervescence car la résistance s'est étoffée dans les maquis, les accrochages se multiplient, les massacres aussi. Personnellement je suis souvent à Grand'Ris aidant mes parents aux travaux des foins. Yvonne doit accoucher avant la fin du mois et en accord avec ses parents décide de rester à Noirétable au lieu d'aller à la maternité de Montbrison, pour être plus près du médecin en cas de besoin. Et le 22 juillet on m'envoie un télégramme (pas de téléphone à Grand'Ris) que je n'aurai que dans l'après-midi, me demandant de rentrer à Noirétable le plus vite possible, la naissance s'annonçant probablement avant la fin de la journée.
Je pars dès que je peux, toujours à bicyclette, mais en route, peu après Saint Julien-la-Vêtre, je suis arrêté par des barrages de maquisards. Il faut montrer patte blanche et justifier mon déplacement. Enfin on me laisse repartir. J'apprendrai peu après qu'un accrochage du maquis et des Allemands a eu lieu à Boën. Il y a eu des blessés. Pour se protéger, les Allemands en ont attaché sur les wagons du train qui poursuit sa voie en direction de Noirétable.On craint d'en voir arriver par la route.Le hasard des maquisards
Pendant ce temps, Yvonne m'attend avec impatience; elle souffre beaucoup, l'accouchement sera long et difficile. Enfin vers six heures du soir, c'est la délivrance et la naissance de Jean-Claude tandis que dans les rues c'est l'agitation provoquée par la présence du maquis, la peur de voir arriver les Allemands et les représailles.
J'ajoute que cette même semaine se déroulent des combats tragiques dans le Vercors et le massacre d'une grande partie de la population coupable d'avoir soutenu les maquisards. Je ne me souviens pas de la date exacte de la libération de la Loire et de Saint-Étienne. Ce doit être en Août, la libération de Paris ayant eu lieu le 25 août. ( à voir: La libération de Saint-Étienne le 19 août)
C'est le soulagement pour tout le monde, sauf pour les collaborateurs pourchassés maintenant par les "comités de libération" qui se sont auto-proclamés dirigeants à la place des anciens maires. C'est le moment des règlements de compte et de la justice souvent expéditive, hélas! tandis que la lutte se poursuivra encore jusqu'au 8 Mai 1945, date de la capitulation de l'Allemagne.
Ce jour fut mémorable à Saint-Didier. Dès l'annonce de l'événement, le sonneur de cloches Henri Gouttefangeas monta au clocher suivi par une bonne trentaine de personnes et l'on se mit à tirer sur les cordes avec l'ardeur et la joie que l'on devine. Mais, catastrophe, voilà que le plancher cède sous le poids de tout ce monde. Et tous se retrouvent à l'étage en dessous, au milieu des poutres, des planches et des gravats. Heureusement il y eut plus de peur que de mal; les plus malchanceux s'en tirèrent avec une entorse.
Si la guerre était finie, les privations et les cartes d'alimentation continuèrent encore plusieurs années, l'abondance ne revenant que lentement, la France étant ruinée et à reconstruire.