A Monsieur et Madame Antonin Laurent
A tous mes amis d’enfance, petits souvenirs anodins, poésie du quotidien
La cérémonie du poêle.
Longtemps après, je me revois dans la salle de classe de l’école primaire libre des garçons dans laquelle je fis tout mon primaire : toutes divisions réunies du CP au CM2, l’unique maître, Monsieur Laurent, nous dispensait son enseignement dans une classe unique : Seuls les élèves du CP en sortaient à des heures programmées pour se rendre auprès de madame Laurent qui leur apprenait la lecture alors qu’ils s’étaient assis à la table de la cuisine. Nous allions à la « casserole »
L’année scolaire étant avancée de deux mois environ, déjà l’automne annonçait l’hiver, le froid s’invitait progressivement aussi dans la salle de classe. C’est alors que le haut poêle rond à sciure reprenait du service. Sa mise en route était parfois déléguée aux grands de la classe, qui officiaient selon un protocole précis, garant de nos conditions de travail, déjà !
Tôt le matin, l’un ou l’autre allait chercher la sciure avec un sceau à gueule étroite, pendant que les autres vidaient les cendres de la veille. Puis l’un d’entre nous insérait par le haut du poêle un rondin de bois autour duquel la sciure coulant de la gueule du sceau, était versée progressivement, jusqu’à ne laisser qu’un faible espace entre le haut du combustible et les cercles de recouvrement. Le rondin retiré, un puits rond moulé se formait, cheminée artificielle de tirage. Le moment était trop important : malgré tout les grands parfois condescendaient à laisser un minot du CP ou CE1 monter sur une chaise pour insérer et tenir le rondin de bois planté dans le poêle. Aller en classe, c’est aussi apprendre sur le tas la hiérarchie du savoir!
Le Poêle à sciure dans la classe. On l'aperçoit en situation réelle.