Et voilà que le matin du 10 mai 1940, le réveil fut brutal: invasion de la Hollande, de la Belgique et de la France par les armées de Hitler et les blindés de Gudérian, tandis que les avions bombardaient non seulement le front mais aussi les populations qui fuyaient sur les routes. Les communiqués du quartier général nous parlaient de "repli stratégique", de "défense élastique" ou encore, "nos troupes s'emploient à colmater la brèche". Bref, nous vîmes bientôt arriver les premiers réfugiés, suivis par des soldats en débandade. J'ai un souvenir précis (ce devait être un jeudi) puisque par une belle matinée ensoleillée, je me trouvai à la fenêtre de la chambre de mon oncle à Saint Romain quand j'entendis, venant de derrière le pic, le bruit d'un moteur d'avion puis une forte détonation. C'était un avion allemand suivant la route; en face de moi, à un passage à niveau, à 300 mètres, des gens plongeaient dans le fossé en recevant une rafale de mitrailleuse. L'avion continua son vol en direction de Bonson. Nous apprîmes un peu plus tard qu'il avait aussi mitraillé un groupe de soldats abrités derrière un mur et qu'il y avait plusieurs tués. A peu près dans les mêmes jours, on nous apprit la nomination du Général Weygand à la tête des armées en remplacement de Gamelin, puis de Pétain à la tête de l'état. On sait que celui-ci demanda l'armistice le 17 juin, tandis que le colonel De Gaulle, le 18 juin, de Londres, appelait à la résistance, appel que peu de gens entendirent sur le moment. Après l'armistice, du fait des accords qui furent signés, la France fut divisée en deux par la ligne de démarcation. Nous nous trouvâmes en zone libre et peu à peu les soldats allemands que nous avions d'abord vus sur les routes regagnèrent la zone occupée et ne revinrent envahir la zone libre qu'après le 11 novembre 1942, au moment du débarquement des alliés en Afrique du Nord.
Antonin LAURENT