Aux chantiers de jeunesse
Les chantiers de jeunesse, créés par le général De La Porte de Theil étaient destinés à remplacer l'armée dissoute par la convention d'armistice. Les premiers appelés furent les jeunes de la classe 40 (nés en 1920) qui vécurent les premiers mois dans des conditions tout à fait précaires, mais fort diverses suivant les régions. Le groupement de Messeix, dans le Puy de Dôme, auquel j'appartenais, comprenait 10 groupes de 120 à 150 hommes dispersés en pleine campagne et distants les uns des autres de 5 à 10 kilomètres.
Les premiers arrivés dans mon groupe durent d'abord creuser des tranchées et' vivre là-dedans, dans l'humidité, en attendant la construction par eux-mêmes de baraques Adrian en bois. Au début de juillet 1941, à mon arrivée, on avait encore à finir de monter une baraque. Nous étions sur un plateau en face du Puy de Sancy, dans les fougères, en bordure des gorges de la Dordogne. Bien entendu nous n'avions aucune arme, mais devions faire du charbon de bois, puis des stères de bois de chauffage destinés aux villes proches, privées de charbon. Le travail dans les gorges très pentues était assez pénible et le rendement très modeste. Tous les jours, au réveil, il y avait de la gymnastique naturelle, (hébertisme) : courir, sauter, ramper, torse nu etc... et de nombreux exercices de marche à pas cadencés. Je me souviens d'une marche d'une journée, tout au début, alors que nous n'avions que peu d'entraînement, de 7 heures du matin à près de minuit, dans la campagne, à travers les gorges, le sac sur le dos, aux pieds de gros souliers cloutés, dont nous revînmes fourbus. Pour faire bonne mesure, à l'arrivée, il fallut encore par équipe, mimer quelques chansons, apprises les jours précédents.