Vers Dorés Pythagore 4

Les Vers Dorés de Pythagore, par Fabre d’Olivet.

Rends aux Dieux immortels le culte consacré ;

Garde ensuite ta foi :

Admirable pensée juste en vertus que celle qu’exprime dans cet extrait le génial Fabre d’Olivet. Il met le doigt sur le germe inexpugnable de l’intolérance qui se trouve au coeur même du dogme rigide des religions dites révélées. Un dogme monothéiste, qui au nom de je ne sais quel Dieu, contient la moindre discrimination et la moindre exclusion ou rejet de la partie de l’humanité qui ne pense pas comme elle, est un paradoxe aberrant pour de nombreuses raisons.

La première : ce dogme en considérant qu’un Dieu, unique Créateur de toutes choses, puisse estimer qu’une partie de sa création n’est pas digne de sa considération, admet implicitement que ce Dieu n’est pas parfait puisque manifestement il commet des erreurs et des ratés... Voilà qui nous éloigne considérablement de la Vérité Absolue, de la Justice Absolue, et de la Perfection Absolue. Si c’est là la plus haute idée que ce dogme est capable de se faire du Divin Créateur, alors il n’est pas étonnant qu’il devienne rapidement atrabilaire, vengeur, violent et terriblement sectaire. Ce "Dieu" prenant souvent l'apparence d'un démon.

La deuxième : En s’enfermant dans une rigidité intellectuelle et spirituelle, refusant d’être éclairé par la raison, ce dogme faussement monothéiste rejette et condamne cette autre partie de l’humanité qui refuse de penser selon ses règles dogmatiques. Non seulement elle les rejette, mais pour maintenir sa cohérence et sa survie, elle se doit même de les combattre... L’hérétique, le mécréant, l’infidèle, le goï devient l’ennemi qu’il faut d’abord frapper d’anathèmes, avant de le faire périr par le bûcher ou le glaive, toujours sous la fausse barbe d’un « Dieu » compatissant et d’amour.

La troisième : Pour assurer sa survie et sa pérennité, ce dogme sectaire et intolérant pour croître ne peut le faire que par un prosélytisme agressif. Il admet des disciples des adeptes des croyants, des fidèles, selon des règles rigoureuses, et nécessairement sélectives, et par voie de conséquence, il exclut, il bannit, il excommunie... Ce dogme rigide n’est jamais compatible avec l’une des plus précieuses facultés supérieures, je veux parler du libre arbitre. Rien n’est plus insupportable à un dogme rigide et intolérant, que la critique et la contestation. L’admettre en son sein serait inéluctablement signer sa perte. L’exemple historique de cette réalité, mais il y en a tant d’autres, est celui de la croisade contre les Cathares. Ces Cathares n’étaient pas autre chose que des fervents Chrétiens, mais qui devant la corruption de l’ensemble de la technostructure cléricale romaine de l'époque, ont essayé un retour à ce qu’ils croyaient être la source de la pureté originelle du dogme, celui de l’Évangile selon Saint Jean, le plus mystique et le plus ésotérique des quatre Évangiles. Ils se sont donc, à leur époque, dressés en contradicteurs du comportement lamentablement licencieux et corrompu des élites de la chrétienté, et de l’interprétation du dogme rigide, sclérosé et profondément ignorant de l’Église romaine. La plus haute autorité de cette Église a tenté d’opposer à ces contradicteurs, intelligents, instruits et profondément spirituels, des débatteurs issus de son rang et ayant les plus hautes formations, pensant ainsi pouvoir neutraliser l’impact que ces « parfaits » avaient auprès d’une population qui depuis longtemps subissant les méfaits de la technostructure religieuse corrompue, et qui se tournait vers ces nobles âmes. Malheureusement, malgré les talents réels de ces débatteurs, la pureté de conviction, de comportement, et la plus grande justesse des pensées Cathares, les joutes verbales étaient toujours à l’avantage de ces derniers, au détriment de l’institution religieuse tutélaire. Non seulement la force de cette pensée et celle des critiques qui venaient de ce courant ne furent pas neutralisées, mais elle connûrent même un fort regain d’intérêt et un essor qui s’est trouvé multiplié par, comme on dirait aujourd’hui, la médiatisation du différent. Saint Dominique, le si mal nommé et béatifié, a été l’un de ses plus brillants débatteurs pour la cause officielle. C’est donc à lui et à son ordre (les Dominicains) que l’on confia la responsabilité de combattre l’hérésie Cathare par l’institution de l'ignoble inquisition. La rigidité du dogme, et l’édifice qui s’est construit sur ces bases, ne supportaient aucune contestation en son sein, qui aurait eu les mêmes effets que celui que provoque un tremblement de terre sur une construction qui ne respecterait pas les normes antisismiques. Le seul et unique moyen qui est à la disposition d’un dogme sectaire, c’est l’intolérance, et l’intolérance ne se défend pas par la raison ni l’intelligence, mais uniquement par la violence. Alors il y a eu la croisade contre les albigeois, et les horreurs abominables, véritables crimes contre l’humanité, qu’en son nom, et au nom d’un Dieu d’amour, les partisans de cette Foi aveugle n’ont pas hésité à perpétrer. Aujourd’hui où le volcan de la chrétienté a provisoirement cessé ses éruptions ravageuses, sanglantes et destructrices, n’allez pas croire pour autant que l’intolérance a été définitivement extirpée de son sein. La chose n’est pas possible. Le dragon sommeille, mais fume encore. La sainte inquisition n’a jamais été dissoute, elle a juste été rebaptisée : Congrégation pour la doctrine de la Foi. Et tout en gardant sa puissante structure occulte, elle s’est habillée de fausses tolérances, appliquant ainsi un précepte qui veut que la meilleure invention du diable soit celle qui consiste à faire croire qu’il n’existe pas...

La quatrième : Ce dogme rigide, qui est dans l’obligation d’avoir un activisme constant, a en général une prétention à vouloir être universel. Mais comme son sectarisme le condamne justement à ne pas pouvoir l’être, car ce qui le plus est universel est aussi ce qui le moins exclut, pour parvenir aux fins qui sont les siennes, et contourner les obstacles rédhibitoires qu’engendrent ses règles rigides, il tente d’atteindre l’universel, non pas par la persuasion, mais par la contrainte. En cela, ce dogme est de nature causale et appartient au Destin, celui qui asservit. Alors que la Divine Providence, qui n’a pas besoin du moindre dogme pour assurer sa pérennité, ni la permanence de ses Lois, ne cherche jamais à asservir, bien au contraire, celui qui s’ouvre à elle, reçoit un puissant courant libérateur. Un dogme religieux intolérant, sectaire et rigide, exige une conversion des individus et leur soumission à ses règles. La véritable religion universelle a ceci de supérieur, c’est qu’elle n’impose aucune conversion, chaque créature en fait partie de plein droit. Son Credo se résume dans la formule suivante : nous sommes tous les enfants égaux en droit d’Amour du Divin Créateur.

Ce Divin Créateur, qui par essence est parfait, ne peut pas avoir créé quoi que ce soit d’imparfait. Tout au plus, a-t-il créé des créatures sans cesse perfectibles, mais en excluant toute damnation éternelle, qui serait la négation même de sa Perfection.

La rigidité des religions du livre, livre sur lequel il y aurait encore tant à dire, mais cela nous emmènerait trop loin pour cet article, dans l’extrait en exergue Fabre d’Olivet, en résume admirablement bien les intolérances chroniques, qui font qu’elles ne peuvent s’ouvrir à autre chose qui serait pour elles la possibilité d’admettre des éléments destructeurs en son sein. Elles sont en cela nettement inférieures à la Foi éclairée du Maître Pythagore, qui, dans le vers doré qui sert de sujet à la dissertation de Fabre d’Olivet, et au présent article du Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, manifeste une infinie sagesse et une totale tolérance vis-à-vis de toutes les croyances.

Qu’il soit bien clair qu’il ne s’agit pas ici de jeter l’anathème sur une religion ou sur une autre, mais simplement de juger l’arbre à ses fruits et les dogmes religieux à leur longue histoire. Chacun est libre de croire ce qui lui convient le mieux, pour peu qu’il n’ait pas la vaniteuse prétention de vouloir convertir son prochain par la pratique d’un prosélytisme intolérant, ou pire, par la violence, comme hélas l’actualité nous le démontre encore si souvent.

Pour ma part, je considère que les religions, même celles ayant des dogmes étriqués, rigides et sectaires, ont leur utilité, au moins celle qui consiste à accueillir des esprits de même nature que son dogme, ou celle d’éveiller ces esprits aux limites et à l’intolérance de son dogme. Dans tous les cas elles ont un intérêt à condition que leurs méfaits soient contenus par la domination des émotions qu’elles savent utiliser pour parvenir à leur fin, sans considération des moyens. Ceci nous renvoie à l’admirable sentence de Lao Tseu :

Aussi, le Sage, dans son gouvernement, fait le vide dans le coeur de ses sujets.

Il détruit en eux désir et passion qui peuvent les troubler, mais veille à bien les nourrir.

Les religions sectaires, intolérantes et rigides, sont à la spiritualité universelle ce que la maternelle est à l’université ; un passage obligé, mais dont il faut tôt ou tard sortir.

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Commentaires ------>

Un philosophe chrétien ne pourrait pas, sans se parjurer et sans commettre une affreuse impiété, fléchir en Chine le genou devant Kong-Tzée, ni offrir son encens au Chang-Ty ou au Tien ; il ne pourrait pas rendre aux Indes son hommage à Krishnen, ni se présenter à Bénarès comme un adorateur de Vishnou; il ne pourrait pas même, quoique reconnaissant le même Dieu que les Juifs et les Musulmans, se mêler à leurs cérémonies, ni ce qui est bien plus, adorer ce Dieu avec les Ariens, les Luthériens ou les Calvinistes, s’il est Catholique. Cela tient à l’essence même de son culte. Un philosophe pythagoricien ne reconnaissait point ces barrières redoutables, qui parquent pour ainsi dire les nations, les isolent et les rendent plus qu’ennemies. Les Dieux des peuples étaient à ses yeux les mêmes Dieux, et ses dogmes cosmopolites ne condamnaient personne à la damnation éternelle. Il pouvait, d’un bout à l’autre de la Terre, faire fumer l’encens sur l’autel de la Divinité, sous quelque nom, sous quelque forme qu’elle fût adorée, et lui rendre le culte public établi par la loi.Commentaires :