Livre d’Hermès Trismégiste, Tablettes d’Emeraude de Thoth : 1.6
J’ai appris à voyager vers les étoiles jusqu’au point où l’espace et le temps
fusionnent. Et après avoir bu longuement dans la coupe de la sagesse, j’ai appris à plonger dans le coeur des hommes afin d’y découvrir de plus grands mystères. Ma joie fut grande parce que mon âme ne trouvait de repos et de satisfaction que dans cette quête infinie de vérité. J’ai traversé les âges pour découvrir le secret de ceux qui m’entourent et les voir goûter à la coupe de la mort pour ensuite renaître à la vie. Puis j’ai vu le voile de l’obscurité qui a recouvert le royaume de l’Atlantide. Cette grande terre qui fut jadis une étoile éclatante devint une étoile secondaire. Peu à peu, les pensées des Atlantes se tournèrent vers l’obscurité jusqu’au moment où le Gardien, dans son AGWANTI (détachement), prononça la parole qui appelait le pouvoir. En accord avec la Loi, le verbe du maître éclata en fleur.
Faisant suite à l'extrait 1.5 des Tablettes de Thoth qui traitait de l'apprenti-sage et du long travail qu'il est nécessaire d'effectuer pour recevoir l'Enseignement qui mène à la véritable Connaissance, le présent extrait qui nous sert d'étude nous indique l'état d'avancement de l'adepte, celui qui lui permet de se libérer des contraintes de la sphère organique et des limites égotiques des cinq sens. Il peut donc voyager vers les étoiles, car le plus haut degré de l'initiation passe évidemment par l'accession au Macrocosme et la sortie du microcosme.
Ce voyage dans l'espace-temps, ce pèlerinage vers la Jérusalem céleste, qu'une tradition occidentale a symbolisée par les chemins de Compostelle, — dont le nom signifie si justement le champ des étoiles —, a pour but d'atteindre ce point (je pourrais dire ce point dans le cercle) où l'espace et le temps fusionnent. Cette fusion de l'espace et du temps revient à supprimer l'un et donc à faire disparaître l'autre. Ici ce que nous enseigne si admirablement et si poétiquement les Tablettes de Thoth, c'est que la Connaissance (l'initiation) lorsqu'elle s'éprouve, se met en pratique, — sens de l'expression « voyage » —, permet de sortir de la sphère temporelle des cycles de réincarnations pour parvenir à l'ouverture du vortex qui nous emmène dans ce centre du cercle des manifestations qu'est l'Éternel Moment Présent.
L'accession à cet Éternel Moment Présent offre la faculté de boire longuement à la coupe de la sagesse... dans les Tables de la Loi du Sépher de Moïse il est dit qu'Adam dans sa forme glorieuse avait la faculté de lire dans les pensées de Lui-les-Dieux. Il ne viendrait à personne d'imaginer que de pouvoir lire dans les pensées de Lui-les-Dieux ne puisse se faire autrement qu'en parvenant à cet état de l'Éternel Moment Présent ; et qu'il puisse y avoir autre chose que de la Sagesse dans ses pensées. Nous retrouvons dans le septième livre du Corpus Hermeticum un enseignement parfaitement similaire à celui que nous donnent les Tablettes de Thoth, ainsi que celui des Tables de la Loi du Sépher de Moïse :
Corpus Hermeticum livre 7, verset 8 :
Hermès : Il a fait descendre un grand cratère, empli des forces de l’esprit et envoyé un messager pour annoncer au cœur des hommes : immergez-vous dans ce cratère, vous, âmes qui le pouvez ; vous qui espérez avec foi et confiance vous élever vers celui qui a fait descendre ce vase ; vous qui savez à quelle fin vous avez été créées.
En buvant longuement à la coupe de la sagesse, il devient possible de plonger dans le coeur des hommes afin d'y découvrir de plus grands mystères. Un adage dit : Les dieux ayant voulu dissimuler les plus grands mystères de la création, les ont cachés dans le coeur des hommes... Ce coeur dont il est ici question, n'est pas de nature organique, mais c'est le fameux coeur-conscience Tekh de l'ancienne Égypte, qui était le symbole de l'entendement et se traduisait par cette célèbre formule : ô coeur de ma mère, tu es le Ka de mes Kheprou... Et Isha Schwaller de Lubics commentait cette expression, dans son admirable Her Back Disciple par :
Ce coeur-conscience est en effet le témoin permanent de l'expérience vitale dans les existences et transformations d'un homme. Le deuxième héritage, paternel et personnel, pénètre toutes les cellules de l'être et s'en dégage après la mort en gardant la forme du corps.
Si le Divin Créateur est en chacun d'entre nous, par une de ses Pensées qui nous donnent vie, comme nous sommes tous différents, plonger dans le coeur-conscience des hommes, c'est aller à la découverte des Pensées du Divin Créateur qui diffèrent de la nôtre et dont la connaissance permet de nous enrichir et donc de découvrir les mystères les plus grands. Le philosophe Allain disait : aimer c'est aller chercher ses richesses à l'extérieur de soi... Si nous avons la chance de prendre conscience que nous sommes l'expression d'une des Pensées du Divin Créateur, il ne faudrait pas que, par péché d'orgueil, nous commettions à nouveau le péché originel en imaginant d'une façon simpliste : puisque Lui est en nous, nous sommes nécessairement Lui... Dieu est en nous, mais nous ne sommes pas Dieu, mais juste un minuscule reflet de sa Lumière.
Pour plonger dans le coeur des hommes, encore faut-il avoir, en plus de la Connaissance nécessaire, la pratique d'une Vertu si mal partagée ici-bas et qui est la Tolérance. Cette tolérance qui nous fait comprendre que si rien de ce qui existe n'est étranger au Divin Créateur, alors nous devons regarder (prendre conscience) que tout ce qui existe et qui diffère de nous, c'est aussi une oeuvre du Divin Créateur, et donc qu'il convient non pas de discriminer ces différences avec ostracisme et sectarisme, mais partir à leur découverte (cette plongée dans le coeur des hommes) pour tenter de les comprendre comme faisant partie d'un tout forcément cohérent et harmonieux.
Rappelons-nous toujours cet adage qui dit : je n'apprends rien de qui est d'accord avec moi.
La suite de cet extrait nous indique un état de satisfaction qui découle de l'abandon de la lutte stérile qu'entraînent la discrimination et l'intolérance. Il convient de savoir qu'en partant à la découverte de l'autre, des autres, nous allons à la quête infinie de la vérité, celle qui nous mène au plus haut degré d'élévation à laquelle une âme-de-vie puisse prétendre.
Il n'est pas difficile d'imaginer la satisfaction que cela procure, la joie et la sérénité qui en découlent ; enfin, pour ceux qui feront l'effort d'universaliser leurs pensées en pratiquant la Tolérance.
Traverser les âges, nous indique ici cet extrait, est un recouvrement de la Mémoire akashique, celle qui nous restitue dans la plénitude de notre forme glorieuse. Cette Mémoire n'est pas celle de la sphère organique et mortelle, mais bien celle de l'un des cinq sens supérieurs qui caractérisent la Conscience de l'âme-de-vie. En recouvrant cette Mémoire on parvient à découvrir le secret (la raison, l'utilité, la nécessité) de goûter à la coupe de la mort, qui est ici judicieusement placée avant la vie, car le cycle des renaissances dans la sphère organique, est du domaine de la mort ; cette mort qui est un paradoxe si l'on considère notre immortalité originelle, mais qui n'est que l'illusion que procure la plongée dans le fleuve Léthée de l'oubli qu'impose chaque réincarnation dans la sphère organique. Renaître à la vie consiste bien à retrouver sa Mémoire, celle qui nous permet de savoir que nous avons traversé les âges, et que cette traversée a permis la constitution d'un patrimoine karmique (l'éveil de la Conscience différenciée de l'Universel).
Dans ce passage qui parle du voile de l'obscurité qui a recouvert le royaume de l'Atlantide, nous pouvons voir le même phénomène que celui que nous révèlent les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, lorsque Adam commet le péché originel qui va le plonger dans un espace d'insignifiance qu'ouvre l'expression de sa volonté dans l'ignorance. Adam passe ainsi, sous l'effet de l'attracteur cupide, de sa forme glorieuse à un état intellectuel. Il en est de même pour cette Atlantide, descendant de ce qui est le plus lumineux s'enfonce dans les ténèbres des pensées injustes en Vertus, c'est-à-dire de l'ignorance. Il est d'ailleurs largement expliqué dans les Tables de la Loi, que nous ne passons pas du Nadir au Zénith, mais que nous passons du Zénith au Nadir avant que de remonter au Zénith, au travers de la longue traversée du jardin du « Bien » et du « Mal ». Ce qui sera fut ! dit ce merveilleux trope de Moïse.
Cette descente aux enfers de l'ignorance n'est pas éternelle, heureusement pour nous, elle se trouve limitée par l'arrivée du Verbe qui est en accord avec la Loi, celle de la Divine Providence. Et lorsque ce Verbe résonne, alors peut commencer le long cheminement de l'évolution. Ce Verbe vaut pour une civilisation, comme il vaut pour un individu. Une civilisation peut parfaitement être, comme celle dans laquelle nous vivons actuellement, en déclin prononcé, et avoir en son sein un certain nombre d'individus qui perçoivent ce Verbe de la Loi Providentielle. C'est même ce qui est de la responsabilité du Gardien des cycles, permettre, par l'action et l'expression de certains qui se seront délibérément tournés vers la Divine Providence, de répandre le Verbe de pouvoir qui éclatera en fleur...
Une civilisation n’évolue pas par la masse des membres qui la composent, mais par les quelques sages qui parviennent régulièrement à lui faire entendre le Verbe du pouvoir. Ce sont ces sages qui servent de guides aux civilisations.
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