Fables alchimiques 6
Dans ce long préambule en introduction à ses Fables Égyptiennes et Grecques, Dom Antoine-JosephPernety s'efforce de sensibiliser le lecteur aux nécessités d'en faire une lecture selon le langage propre à la Science Hermétique, celui de l'analogie. Après avoir expliqué les fondements de cette Science si subtile, comme le symbolise la Table d'Émeraude, il tente dans cet extrait final à son introduction, de faire entendre à son lecteur que les préjugés avec lesquels il aborderait cette Science, ne lui permettraient pas d'aller bien plus loin que ce préambule.
La Philosophie Hermétique est-elle une science, un art ou un être de raison ?... Si je devais répondre à cette question, je dirais qu'elle est les trois sans exception. Elle est la Science la plus universelle qui soit, puisque c'est celle dont la première et unique préoccupation est de se mettre en harmonie avec les lois de la Divine Création. C'est un Art, tant elle réclame de talents, de subtilités, de savoir-faire, de savoir être, et de maîtrise de la part de son officiant. C'est aussi un être pur de raison, celle justement qui se nourrit des énergies que lui procure la Foi que l'intuition transmet à l'intellect, pour élever son discernement vers cette Raison Absolue qui est la cohérence et l'harmonie de l'univers.
J'ai eu l'occasion d'expliquer, lors d'un précédent article dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, que l'Alchimie, cet Art Divin, qui est la science appliquée de la Science Hermétique, est essentiellement basée sur le fait que l'énergie originelle, dont la particularité est d'être constante dans son totum, est aussi protéiforme et se transmute sans cesse en une chose et en une autre, selon des règles préalablement établies. Cette Alchimie est la base même de la science matérialiste qu'est la chimie, qui ne se préoccupe plus tellement de cette ultime Prima Materia, mais des substances qui se manifestent dans la sphère organique, pour tenter de transformer les matières viles, en matières plus ou moins nobles selon les critères que l'esprit scientifique s'en fait, en conformité avec la morale de la civilisation à laquelle il appartient.
La science terrestre a révélé à l'intellect humain qu'il existait un espace quantique, état de la matière qui n'est en réalité composé que d'informations. Cet espace, comme l'a mis en évidence Heinsenberg, est suffisamment subtil pour être influencé par l'observateur, ce qui a le pouvoir d'en modifier les caractéristiques au point de ne plus permettre à cet observateur d'avoir une certitude sur ce qu'il observe au sein de cet espace. Il est tout aussi amusant de constater que le principe de correspondance, dont nous avons vu lors de précédents articles, qu'il s'agissait d'un Principe universel de grande conséquence, a servi à Niels Bohr pour établir son principe de correspondance entre les équations quantiques et les équations classiques. Le principe de correspondance de Bohr stipule qu’à la limite des grands nombres quantiques caractérisant les systèmes atomiques on doit retrouver les formules de la physique classique. Ce principe a permis en particulier de connecter les formules donnant les intensités du rayonnement des atomes quantiques avec les formules classiques. Il a donc guidé les théoriciens vers l’interprétation des équations quantiques en les connectant vers leurs limites classiques. Plus généralement, le principe de correspondance en mécanique quantique donne des règles pour construire des équations quantiques à partir d'équations classiques. Quelle plus belle application de la Science Hermétique, dont il s'agit là, et qui est si subtilement résumée dans la célèbre formule de la Table d'Émeraude : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.
Toute la subtilité de Dom Pernety, réside dans le judicieux parallèle qu'il tente d'établir entre les perceptions d'un intellect raisonneur, et celles d'une Conscience qui s'ouvre sur les mystères insondables de la Divine Création. D'autres avant nous, sont parvenus et ont atteint un niveau de développement spirituel qui les ont rapprochés de l'universel. Pour nous transmettre leurs connaissances, dont certaines ne sont pas encore accessibles à l'intellect d'une mentalité qui se croit pourtant si moderne, ils ont dû tenir compte de nos faiblesses et incapacités à les recevoir dans leur sophistication extrême. Que ferions-nous, si instruit des cycles de la sphère temporelle, nous étions parfaitement au fait que notre civilisation va prochainement disparaître, probablement à la suite de ce que l'histoire a retenue comme un cataclysme ou un «déluge », et que nous ambitionnions de faire en sorte que des parties de nos connaissances redeviennent un jour accessibles aux générations futures, lorsqu'elles auront retrouvé, après un long intermède obscur, l'usage de leurs facultés supérieures? Il ne servirait pas à grand-chose de tout réunir à l'intérieur de mémoires d'ordinateurs, de CD pour lecteur laser, et autres technologies directement dépendantes d'une source d'énergie électrique qui ne sera même plus disponible... Il faudra probablement envisager, avec la sagesse et le discernement que procure une vision juste et lointaine de l'évolution des choses, l'utilisation de hiéroglyphes dont le contenu sera d'abord accessible par le sens le plus parlant, pour espérer parvenir à éveiller chez celui qui le perçoit, le sens signifiant, dans le dessein de permettre par l'activation de ses facultés supérieures, d'accéder à la révélation du sens Cachant dans lequel sera concentrée l'essence de cette connaissance à transmettre.
Le contenu de cette connaissance, n'étant plus accessible directement à l'intellect de ces futurs lecteurs, il faudra donc qu'il leur raconte d'abord une histoire, tout en étant énigmatique, soit pour autant évocatrice et pouvant servir de levain à l'intelligence qui la perçoit. C'est là l'origine des contes et des légendes qui nous sont parvenus et dont pour certains, nous n'avons toujours pas décrypté le véritable sens Cachant, celui qui n'est accessible qu'au langage analogique, et par les structures de pensées de la Science Hermétique. L'exemple des Tables de la Loi du Sépher de Moïse, permet d'illustrer la justesse de mon propos.
L'immense travail de décryptage qu'a effectué Dom Pernety, au travers de ses Fables Égyptiennes et Grecques, ne peut pas se comprendre par une simple lecture superficielle et par un intellect uniquement raisonneur. Ce travail révèle une dimension supérieure, que seule la méditation peut éprouver dans son amplitude grandiose. Le travail de décryptage a été colossal, il a nécessité des Connaissances réelles et une érudition ésotérique incontestables, sans lesquelles il n'aurait pas produit cette qualité de résultats. Croire qu'il peut se transmettre sans qu'il y ait de la part du lecteur, une même harmonisation de l'effort, c'est se condamner à rester uniquement sur le plan du sens Parlant, voilà pourquoi, ce cher Dom Pernety prend tant de soin à mettre son lecteur dans les bonnes conditions, par ce préambule d'une grande générosité.
*
* *
Si l'on se demande si la Philosophie Hermétique est une science, un art, ou un pur être de raison? Le préjugé tient pour ce dernier ; mais le préjugé ne fait pas preuve. Le Lecteur sans prévention se décidera après la lecture réfléchie de ce Traité, comme bon lui semblera. On peut sans honte risquer de se tromper avec tant de savants, qui dans tous les temps ont combattu ce préjugé. N’aurait-on pas plus à rougir de combattre avec mépris la Philosophie Hermétique sans la connaître, que d’en admettre la possibilité si bien fondée sur la raison, et même l’existence sur les preuves rapportées par un si grand nombre d’Auteurs, dont la bonne foi n’est pas suspecte ? Au moins ne peut-on raisonnablement contester que l’idée d’une médecine universelle, et celle de la transmutation des métaux, n’aient été assez flatteuses pour échauffer l’imagination d’un homme, et lui faire enfanter des fables pour expliquer ce qu’il en pensait. Orphée, Homère, et les plus anciens Auteurs parlent d’une médecine qui guérit tous les maux ; ils en font mention d’une manière si positive, qu’ils ne laissent aucun doute sur son existence. Cette idée s’est perpétuée jusqu’à nous : les circonstances des fables se combinent, s’ajustent avec les couleurs, et les opérations dont parlent les Philosophes, s’expliquent même par-là d’une manière plus vraisemblable que dans aucun autre système : qu’exigera-t-on de plus ? Sans doute une démonstration ; c’est aux Philosophes Hermétiques à prendre ce moyen de convaincre les incrédules ; et je ne le suis pas.Commentaires :