La Chrysopée analyse 6

La Tradition de ceux qui nous précédèrent sur le chemin de la Sagesse, nous dit que toutes choses précèdent de Quatre Éléments, et que ces quatre Éléments sont à la base de tout. Ce sont respectivement la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu.

Commentaires :

Raymond Lulle était un alchimiste réputé, et comme tel, il n'ignorait pas que toutes manifestations dans la sphère temporelle proviennent des Quatre Éléments. Ces Éléments avant d'apparaître suivant leurs propriétés dans les différentes déclinaisons de chaque plan de manifestation, ont une origine en tant que cause première, qui les situe comme Principe ou Puissance. Quelle est la forme de ce Principe ou de cette Puissance causale?... Sera-t-elle celle du stade nébuleux, celui évoqué par ce sage Tibétain lors de mon précédent article dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste concernant la Forme ? Ou encore sera-t-elle celle des stades rudimentaires, du Feu, aqueux, éthérique ou solide (qu'il faut entendre par manifestation matérialisée sur le plan terrestre) ?... En vérité, si nous prenons le soin d'y réfléchir un peu, chacune des formes des différents stades est nécessairement liée à chaque stade. Un Élément en Principe causal (en contingence d'être) n'a donc aucune des formes attribuées aux différents stades de manifestations, et pourtant il les contient nécessairement toutes. Ceci nous renvoie là encore à un précédent article dans lequel j'abordais la différence qu'il pouvait y avoir entre l'Éternel Moment Présent ( obligatoirement hors du temps) et ce qui se manifestait dans la sphère temporelle. Dans l'Éternel Moment Présent tout est contenu en mode simultané, alors que dans la sphère temporelle tout se manifeste en mode successif sous forme de ramifications.

Ce petit préliminaire sur l'état causal des Quatre Éléments est dans la continuité du précédent article dont le sujet, complexe et difficile pour un esprit purement intellectuel, était la forme. Le plan Mental où se situe l'état causal de ces Éléments, bien que de pure abstraction, contient lui aussi des formes sans lesquelles rien ne pourrait véritablement exister. Mais comme j'ai eu l'occasion de le signaler, ces formes seront caractérisées par des Nombres, des vibrations et des couleurs, au lieu d'être des contours géométriques, des poids et des volumes.

Raymond Lulle lorsqu'il parle, dans cette synthèse alchimique qu'est la Chrysopée du Seigneur, des Quatre Éléments, le fait sur le plan des Principes celui justement qui englobe toutes les formes de manifestations possibles d'un Élément, y compris celles des caractères intangibles et spirituels de cet Élément. L'essence même de cet Élément, - ce qui le distingue des autres et de l'Universel -, sera la Pensée qui en constitue son énergie vitale propre et ses propriétés potentielles.

La Terre ne sera pas uniquement l'élément matériel tangible que nous connaissons par l'intermédiaire de nos cinq sens organiques, mais aussi le principe de la plus forte des cristallisations de la Lumière Divine. Ce sera l'élément solide et lourd qui représentera la densité de la plus basse vibration, celui qui se trouvera au fond de l'Eau. L'Élément Terre, dans les lames du livre de Thoth (familièrement connues dans le monde profane sous le nom de Tarot) est représenté par le symbole des Deniers. Les Deniers sont en rapport avec le commerce, et ce dernier est l'expression des rapports cupides des échanges. Sur le plan astral, la Terre est la planète où se manifeste l'humanité dans son aspect "chute adamique", celle de la plus basse involution. Elle est l'opposée du Ciel et est son principe passif et féminin dont elle symbolise la fonction maternelle. Sur le plan cosmique, cet Élément nous renvoie au ternaire de la Vierge (fonction maternelle et de fécondité universelle) du Taureau et du Capricorne (signe de naissance du fils de cette Vierge). Le Cosmopolite dans son traité de Nouvelle Lumière Chymique, décrivait la Terre comme suit :

De l'Élément Terre

La Terre est un Élément assez noble en sa qualité et dignité, dans lequel reposent les trois autres et principalement le Feu. C'est un Élément très propre pour cacher et manifester toutes les choses qui lui sont confiées: il est grossier et poreux, pesant si on considère sa petitesse, mais léger eu égard à sa Nature ; c'est aussi le centre du monde et des autres Éléments. Par son centre passe l'essieu du monde de l'un et l'autre pôle. Il est poreux, dis-je, comme une éponge, laquelle de soi ne peut rien produire : mais il reçoit tout ce que les autres Eléments laissent couler et jettent dans lui; il garde ce qu'il faut garder et manifeste ce qu'il faut manifester. De soi-même, comme nous avons dit, il ne produit rien, mais il sert de réceptacle à tous les autres. Tout ce qui se produit demeure en lui; tout se putréfie en lui par le moyen de la chaleur motive et se multiplie aussi en lui par la vertu de la même chaleur qui sépare le pur de l'impur ; ce qui est pesant demeure caché en lui, et la chaleur centrale pousse ce qui est léger jusqu'à la superficie. Il est la matrice et la nourrice de toutes les semences et de tous les mélanges : il ne peut rien faire autre chose que conserver la semence et le composé jusqu'à parfaite maturité. Il est froid et sec, mais l'eau tempère sa sécheresse. Extérieurement, il est visible et fixe ; mais, en son intérieur, il est visible et volatil. Il est vierge dès sa création ; c'est la tête morte qui est restée de la distillation du monde, laquelle, par la Volonté divine, après l'extraction de son humidité doit être quelque jour calcinée; en sorte que d'icelle il s'en puisse créer une nouvelle Terre cristalline.

En langage des oiseaux nous remarquerons la proximité des signifiants entre "l'élément Terre" et l'élémentaire... L'Eau n'est pas uniquement ce que nous connaissons sous la formule chimique H2O, mais sera la manifestation du principe fluide. La pierre deviendra ainsi un torrent de lave lorsque par la fournaise d'un volcan elle jaillira dans sa forme liquide des entrailles de la Terre. Tout comme la terre deviendra un torrent de boue lorsque l'eau assurera sa domination sur cet Élément densifié. Dans les lames du livre de Thoth, l'Eau est symbolisée par le hiéroglyphe de la Coupe (ce qui permet de contenir l'Eau). Cet Élément est le principe même de tout ce qui est émotionnel et passionnel. Ce que nous retrouvons dans le langage populaire par le torrent des passions, le flot des émotions et des désirs, les océans d'amour et de tendresse... Sur le plan cosmique, l'Eau sera caractérisée par la triade du Cancer, des Poissons et du Scorpion. L'Eau est la materia prima, la Prakriti : tout était eau, disent les textes hindous. Dans le Brahmânda, l'Oeuf du monde, est couvé à la surface des Eaux. De même, le souffle ou l'Esprit de Dieu, dans la Genèse, couve à la surface des Eaux. Les Eaux représentent la totalité des possibilités de manifestation, mais dans un état infini indifférencié ; se séparant en Eaux supérieures, qui correspondent aux possibilités informelles, et en Eaux inférieures, qui correspondent aux possibilités formelles. Concernant cet Élément, le Cosmopolite nous indique :

De l'Élément Eau

L'Eau est un Elément très pesant et plein de flegme onctueux, c'est le plus digne en sa qualité, Extérieurement il est volatil, mais fixe en son intérieur ; il est froid et humide ; il est tempéré par l'air; c'est le sperme du monde, dans lequel la semence de toutes choses se conserve : de sorte qu'il est le gardien de toute espèce de semence. Toutefois, il faut savoir qu'autre chose est la semence, autre chose est le sperme. La Terre est le réceptacle du sperme, l'Eau est la matrice de la semence. Tout ce que l'air jette dans l'Eau par le moyen du Feu, l'Eau le jette dans la Terre. Le sperme est toujours en assez grande abondance et n'attend que la semence pour la porter dans sa matrice : ce qu'il fait par le mouvement de l'air, excité de l'imagination du Feu. Et quelquefois le sperme, pour n'avoir pas été assez digéré par la chaleur, manque de semence et entre, à la vérité, dans la matrice, mais il en sort derechef sans produire aucun fruit. Ce que nous expliquerons quelque jour plus amplement dans notre Traité du troisième Principe du Sel.

Toujours selon la proximité des signifiants, "l'élément Eau" est proche de "l'élément Haut", l'océan primordiale que nous retrouvons dans toutes les grandes traditions. Phonétiquement nous retrouvons aussi "l'élément Tau" lettre qui est attribuée dans le lames du livre de Thoth au Zéro, l'infini indifférencié du Tout. L'air est l'Élément qui distingue le lourd du léger, le subtil de l'épais, le fixe (la Terre) du volatil, le Ciel de la Terre. Dans l'Ennéade Héliopolitaine ce qui sort en premier du Noun, l'Océan primordial c'est Shou symbolisant l'Air, mais aussi le souffle de vie qui anime toute chose. Cet Élément est celui qui sépare la Terre (Geb dans la tradition de l'ancienne Égypte) du Ciel (Nout). Le souffle vital cosmique s'identifie au Verbe, il en devient la forme invisible d'un point de vue de la vision organique, mais dont la présence demeure pourtant incontestable ne serait-ce que par constatation négative. L'absence de ce souffle vital est mort. Dans les lames du livre de Thoth, cet Élément est symbolisé par le hiéroglyphe de l'Épée, dont nous retrouvons une représentation très ésotérique dans l'apocalypse de Saint Jean, chapitre 1;16 : Il avait dans sa main droite sept étoiles. De sa bouche sortait une épée aiguë, à deux tranchants. Cette épée à deux tranchants est le symbole du double aspect du Verbe que véhicule l'Air et qui sont le verbe mort et le Verbe vivant. Sur le plan astral, la triade de cet Élément est composée par les Gémeaux, le Verseau et la Balance, ceux qui sauront retrouver dans le tome II de la Véritable Histoire d'Adam et Eve enfin dévoilée, la signification occulte de ces signes du zodiaque sacré, pourront en avoir une idée hautement spirituelle. Le Cosmopolite nous enseigne, concernant cet Élément :

De l'Élément Air

L'Air est un Élément entier, très digne en sa qualité. Extérieurement, il est léger, volatil et invisible ; et, en son intérieur, il est pesant, visible et fixe. Il est chaud et humide; c'est le Feu qui le tempère. Il est plus noble que la Terre et l'Eau. Il est volatil, mais il se peut fixer; et, quand il est fixé, il rend tous les corps pénétrables. Les esprits vitaux des animaux sont créés de sa très pure substance ; la moins pure fut élevée en haut pour constituer la sphère de l'Air. La plus grossière partie qui resta a demeuré dans l'Eau et se circule avec elle, comme le Feu se circule avec la Terre parce qu'ils sont amis. C'est un très digne Élément (comme nous avons dit) qui est le vrai lieu de la semence de toutes choses : et comme il y a une semence imaginée dans l'Homme, de même la Nature s'est formé une semence dans l'Air, laquelle, après un mouvement circulaire, est jetée en son sperme, qui est l'Eau. Cet Élément a une force très propre pour distribuer chaque espèce de semence à ses matrices convenables, par le moyen du sperme et menstrue du monde. Il contient aussi l'esprit vital de toute créature ; lequel esprit vit partout, pénètre tout, et qui donne la semence aux autres Éléments comme l'Homme le communique aux Femmes. C'est l'Air qui nourrit les autres Éléments ; c'est lui qui les imprègne; c'est lui qui les conserve. Et l'expérience journalière nous apprend que non seulement les minéraux, les végétaux et les animaux, mais encore les autres Éléments vivent par le moyen de l'Air. Car nous voyons que toutes les Eaux se putréfient et deviennent bourbeuses si elles ne reçoivent un nouvel Air : le Feu s'éteint aussi, s'il n'a de l'Air. De là vient que les Alchymistes savent distribuer à l'Air leur Feu par degrés; qu'ils mesurent l'Air par leurs registres et qu'ils font leur Feu plus grand ou plus petit suivant le plus ou moins d'Air qu'ils lui donnent. Les pores de la Terre sont aussi conservés par l'Air : et, enfin, toute la machine du monde se maintient par le moyen de l'Air.

Le langage des oiseaux nous renvoie à la proximité du signifiant "l'élémentaire" mais sans passer par le Tau de l'infini indifférencié. Le Feu, qui a déjà fait l'objet de certains articles précédents, est probablement l'Élément primordial celui duquel tout provient, et qui fournit l'énergie aux autres Éléments. Le Feu est l'état vibratoire le plus élevé après la Lumière du Verbe Créateur. L'impulsion de ce Verbe est l'étincelle qui embrasera le Feu de la Création. Dans les lames du livre de Thoth, le Feu est symbolisé par le hiéroglyphe du Bâton, celui qui sera le sceptre du pouvoir du Bateleur, le Nombre sacré Un. Sceptre comparable à celui que reçoit Adam dans sa forme glorieuse dans les Enseignements des Tables de la Loi du Sépher de Moïse. C'est aussi, analogiquement, ce Bâton autour duquel s'enroulent les deux serpents de la Kundalinî du Caducée d'Hermès. Sur le plan cosmique, la triade du Feu est composée par le Lion, le Bélier et le Sagittaire. Concernant cet Élément, le Cosmopolite nous indique :

De l'Élément du Feu

Le Feu est le plus pur et le plus digne Élément de tous, plein d'une onctuosité corrosive. Il est pénétrant, digérant, corrodant et très adhérent. Extérieurement, il est visible, mais invisible en son intérieur, et très fixe. Il est chaud et sec ; c'est la Terre qui le tempère. Nous avons dit, en traitant de l'Élément de l'Eau, qu'en la création du monde la très pure substance du Feu a été premièrement élevée en haut, pour environner le Trône de la divine Majesté, lorsque les Eaux, dont le Ciel a été composé, furent congelées, que de la substance du Feu moins pure que cette première les Anges ont été créés et que les Luminaires et les Étoiles ont été crées de la substance du Feu moins pure que la seconde, mais mêlée avec la très pure substance de l'Air. La substance du Feu encore moins pure que la troisième, a été exaltée en sa sphère pour terminer et soutenir les Cieux. La plus impure et onctueuse partie, que nous appelons Feu de Géhenne, est restée au centre de la Terre où le souverain Créateur, par sa sagesse, l'a renfermée pour continuer l'opération du mouvement. Tous ces Feux sont véritablement divisés, mais ils ne laissent pas d'avoir une naturelle sympathie les uns avec les autres.

La Science Hermétique utilise le langage des dieux qu'est l'analogie, avant de poursuivre dans les explications de cette synthèse alchimique qu'est la Chrysopée du seigneur, je crois qu'il était utile de faire une approche ésotérique sommaire des Éléments qui servent de base à la Création et par voie de conséquence naturelle à l'Alchimie. Il convient de garder à l'esprit les informations doucement distillées tout au long des articles du Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, car au fur et à mesure que nous progressons dans le décryptage du sens cachant des textes hermétiques, il faudra savoir utiliser les outils des acquis de ces connaissances. Les différentes formes de ces Éléments, selon leur plan de manifestation, doivent pouvoir être distinguées par l'oeuvrant de la Science Hermétique. Le profane inculte ramènera tout sur le plan de la plus forte densité, celle de la Terre, ce qui ne lui permettra jamais d'accéder aux subtilités de ce langage analogique, qui ouvre sur des dimensions accessibles uniquement aux facultés supérieures de l'âme-de-vie, comme celle de la Clairvoyance.

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