Le premier point
Du Sang et de l'Eau de l'Ame
1. Tout ce qui est substance et tangible est dans ce monde. Etant donné que l'âme n'est ni une substance ni une entité en ce monde, ni son sang et ni son eau ne sont substance ou entité dans ce monde.
Commentaires :
La puissante élévation de la méditation de Jacob Boehme lui a permis, en tant qu'alchimiste accompli, de recevoir d'admirables lumières de la Divine Providence. Par son extrême profondeur, sa vision est naturellement totalement hermétique et d'une grande rigueur spirituelle.
Comme tout alchimiste digne de ce nom, il ne sépare pas la Nature du surnaturel, se servant de l'une, comme j'ai eu l'occasion de le souligner dans mon premier commentaire sur l'Étoile Flamboyante, pour parvenir à la transmutation de son âme-de-vie, afin qu'elle parvienne à activer ses facultés supérieures, qui sont les seules qui lui donnent accès aux lumières de la Divine Providence.
Tout ce qui est substance est tangible dans ce monde. Par ce premier postulat, Jacob Boehme nous invite à mettre en oeuvre notre faculté de discernement, comme le fait Hermès Trismégiste dans sa Table d'Émeraude lorsqu'il conseille de séparer le subtil de l'épais. La substance de ce monde est donc tangible, elle est aussi mortelle, toutes substances de ce monde sont donc épaisses et mortelles.
Pourtant, il convient de considérer que dans ce monde tout n'est pas que substance et qu'il y a des éléments qui concourent à la vie de ce monde, et sans lesquels il ne pourrait exister, et qui ne sont ni tangibles ni mortels, mais intangibles et immortels.
C'est la nature même de l'âme, comme l'entend si justement Jacob Boehme. Elle n'est ni une substance ni une entité en ce monde. Et, par entité, il convient de considérer qu'il s'agit de ce qui a poids, taille, mesure et durée, et par voie de conséquence un début et une fin.
Pour être bien clair, Jacob Boehme précise que ni le sang ni son eau ne sont substance ou entité de ce monde. Et il convient de se rappeler que lorsqu'un alchimiste parle de l'eau, il entent celle qui ne mouille pas les mains.
Ce premier paragraphe de ce premier point nous confronte directement à ce qui va être l'essentiel de la démarche de Jacob Boeheme, c’est-à-dire la confrontation entre deux états de la création, qui bien que de natures incompatibles, parviennent à s'unir temporairement, ce qui nous renvoie au précédent article concernant le Grand Arcane d'Eliphas Lévi, entre autres ; mais la distinction consciente de chacun de ces états va nous faire entrer dans ce qu'il appelle plus loin le feu magique.
Percevoir la substance tangible de ce monde se fait par le truchement des sens organiques de l'animal humain. Ne percevoir que cette substance, c'est aussi s'enfermer dans la condition de cette animalité sans aucun espoir d'en sortir jamais. L'âme-de-vie devient ici totalement prisonnière de ces substances tangibles qui sont soumises aux implacables lois de causalité du Destin.
Parvenir à discerner l'existence de substances tangibles et celle d'un état intangible qui manifeste ces substances tangibles, c'est nécessairement faire usage de facultés sensorielles d'une nature totalement différente à celles qui permettent de distinguer les substances tangibles. Ces facultés de perceptions extra-sensorielles ne perçoivent plus ni le sang ni l'eau sous leurs aspects sensoriels d'un monde tangible, mais sur le plan des principes.
Vision spirituelle qui transcende la vision naturelle et organique qui s’élève ainsi pour recevoir les lumières de la Divine Providence.
Voilà d'entrée de jeu ce à quoi nous invite la toute-puissance de pensée de Jacob Boehme, la suite sera de même farine, mais chaque fois sur un échelon supérieur.
*
* *