Fables alchimiques 4

Est-il possible d'étendre les bornes prescrites à la durée de la vie?... Si c'est là le premier et le plus ardent objet des recherches des hommes, comme nous l'indique Dom Joseph-Antoine Pernety, alors pour aborder cette recherche, nos premiers philosophes ont dû forcément se demander en premier lieu qu'est-ce donc que la vie?...À cette importante question, il est aisé de répondre que la vie se distingue de la mort par le mouvement, mais pas n'importe quel mouvement. La vie est caractérisée par un mouvement d'édification, d'éveil, d'élévation ; un processus d'évolution de croissance et de sophistication. À l’inverse, la mort qui possède aussi son mouvement, est celui de la désintégration, du sommeil et un processus d'involution vers ce qui est le plus statique, désorganisé et inerte. La vie est lumière, la mort est ténèbres. La vie est régénération permanente et homogénéité, la mort est dégénérescence et hétérogénéité. La Vie assemble, croise et unifie ; la mort désassemble, décroise et désunit. La vie est Foi, espérance, intemporalité et volonté raisonnable ; la mort est désespérance, fatalité causale, temporalité et accablement déraisonnable. La vie est force, conscience et liberté, la mort est faiblesse, inconscience et asservissement.

Je pourrais continuer longtemps ces distinctions entre la vie et la mort, sans parvenir réellement à épuiser le sujet, mais d’ores et déjà, il est facile de comprendre ce qui sépare la Vie de la Mort, l'une porte en elle tout ce qui a trait à l'évolution, alors que l'autre se caractérise par tout ce qui se rapporte à l'involution. Précieuse indication qu'il conviendra de garder en mémoire et qui nous servira lors de la poursuite de notre randonnée au sein du Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste.

Peut-on raisonnablement espérer repousser les limites de la vie sous sa forme biologique?... Oui, mais si modestement que cela paraît en fin de compte dérisoire et insignifiant ; étant entendu que rien ne peut permettre d'éviter l'inéluctable et régulier déclin d'une forme dans la sphère temporelle, ainsi que son échéance fatale programmée le jour même de sa naissance. Concentrer son énergie vitale pour tenter de venir à bout de cette utopie, qui s'érigerait en violation des lois de la Divine Création et de la Nature, serait si déraisonnable, et si stupide que cela ne serait digne d'aucune considération. D'ailleurs, ceux qui dans l'histoire s'y sont essayés ont ouvert rapidement un espace d'insignifiance dans lequel, en y plongeant, ils ont rapidement perdu toute crédibilité pour se retrouver couverts de ridicule. La vie humaine sous sa forme biologique peut certes être sensiblement améliorée sous différents aspects, mais sont amplitude reste solidement corsetée dans les limites très strictes que lui imposent les Lois de la Divine Providence. Dans l'improbable hypothèse où nous pourrions faire en sorte de faire passer la durée de vie biologique de 100 à 1000 ans, ou même à 10.000 ans, cela ne représenterait toujours rien du point de vue cosmique, et même rien en ce qui concerne l'apport que cela aurait pour les individus de l'espèce humaine, car cet aspect de la vie est celui qui à la face de la mort et rien d'autre. Investir son énergie vitale pour étendre les bornes prescrites à la vie biologique, c'est comme vouloir édifier une cathédrale sur des sables mouvants, une imbécillité reposant sur l'ignorance la plus grande.

La vie biologique dans la sphère temporelle, n'est pas la vie, mais une illusion de la mort que nous prenons pour la vie tant que nous ne parvenons pas à sortir de la fameuse caverne de Platon ; illusion qui a pour objet de nous faire prendre conscience de la Vie par comparaison avec son contraire.

Résumé de l'allégorie de la caverne de Platon :

Dans une demeure souterraine, en forme de caverne, des hommes sont enchaînés. Ne nous ressemblent-ils pas ? Ils n'ont jamais vu directement la lumière du jour, dont ils ne connaissent que le faible rayonnement qui parvient à pénétrer jusqu'à eux. Des choses et d'eux-mêmes, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne par un feu allumé derrière eux. Des sons, ils ne connaissent que les échos.

Que l'un d'entre eux soit libéré de force de ses chaînes et soit accompagné vers la sortie, il sera d'abord cruellement ébloui par une lumière qu'il n'a pas l'habitude de supporter. Il souffrira de tous les changements. Il résistera et ne parviendra pas à percevoir ce que l'on veut lui montrer. Alors, Ne voudra-t-il pas revenir à sa situation antérieure ? S'il persiste, il s'accoutumera. Il pourra voir le monde dans sa réalité. Prenant conscience de sa condition antérieure, ce n'est qu'en se faisant violence qu'il retournera auprès de ses semblables. Mais ceux-ci, incapables d'imaginer ce qui lui est arrivé, le recevront très mal et refuseront de le croire : ne le tueront-ils pas ?.

Ainsi, parvenir à étendre le plus qu'il soit possible les bornes de la vie, implique que nos premiers philosophes, au nombre desquels figure en tête de liste Hermès Trismégiste, se soient sérieusement interrogés sur ce qu'était la Vie... La Vie n'est pas la matière organique comme nous venons de le voir sommairement, puisque c'est elle qui lui donne forme et qui l'anime. La Vie est si spécifique que lorsqu'elle a quitté la forme qu'elle anime, il ne reste plus comme issue à cette forme, que sa décomposition, avec restitution à la Nature des éléments qui la composent, et jusqu'à ce jour, personne d'une façon matérialiste et scientifique, n'est parvenu à rendre vie à une forme après que le souffle Vital qui l'animait, l'ait durablement quitté, l'utopie que j'évoquais ci-dessus.

La Vie, si elle n'est pas dans la matérialité des choses finies et temporelles, possède donc une autre complexion qui ne dépend pas de cette matérialité, et qui même la dépasse et de loin par son intemporalité. Pour la percevoir, il faut nécessairement sortir de la caverne de Platon, notre ego personnel, mais aussi de l'ego culturel, social et intellectuel collectif, tout aussi asservissant par ses routines que l'ego individuel. La Vie est par voie de conséquence : Connaissance ; connaissance d'abord limitée aux cinq sens organiques de l'intellect du cavernicole ; mais étendre les bornes de la Vie implique d'élargir notre Connaissance au-delà de la caverne de la sphère organique, pour lui donner un horizon d'une amplitude autrement plus grandiose que celui limité à la forme qu’elle occupe temporairement, limité à l'ignorance et ses certitudes sclérosantes.

Prenons l'exemple de l'illusion de la mort : tant que nous sommes convaincus de sa "réalité", comme suivant le précieux axiome des Tablettes de Thoth : Nous ne devenons que ce que nous pensons, alors nous nous enfermons dans un cycle de convictions et de croyances qui nous fera lui appartenir et donc subir ses lois de causalité. Pour illustrer mon propos de façon plus concrète, l'univers onirique des enfants, comporte pour eux des réalités auxquelles ils s'imaginent astreints, mais qui pour les adultes qui les entourent ne sont que des chimères sans consistances ; ces enfants sont enfermés dans le cercle étroit de leurs convictions qui sont sans rapport avec des réalités objectives d'une plus grande amplitude.

N’oublions pas que la Vie ne peut occuper qu’une forme en rapport de son état de développement. Croire que nous ne sommes que cette forme, c’est se condamner à ne pas pouvoir aspirer à une forme (état) plus grande, c’est pour cette raison que nous ne devenons que ce que nous pensons et en rapport de l'état d'évolution de notre patrimoine karmique.

La Vie est donc cette énergie vitale que nous avons la possibilité de développer pour peu que nous fassions l'effort d'apprendre à le faire, et qu'il nous est possible de gouverner selon la puissance de nos facultés supérieures, si nous savons les faire germer par une utilisation régulière. Et si la vie organique, chacun peut aisément le constater, est inéluctablement mortelle, l'énergie qui l'anime, et en cela aucun scientifique le plus raisonneur soit-il ne pourra me contredire est, elle éternelle, comme l'a si clairement affirmé ce cher Lavoisier par cette magnifique formule : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme !

La maîtrise de l'énergie vitale est donc l'objet qui permet d'étendre les bornes de la Vie, et cette maîtrise ne s'improvise pas, ni ne s'acquiert de façon spontanée, mais se conquiert par l'élargissement de notre champ de conscience qui ne se fait que par l'accession à la Connaissance, celle que nous avons eu le soin d'éprouver par une mise en pratique. Hermès Trismégiste, nous dit Dom Antoine-Joseph Pernety, est l'un des tout premiers philosophes à avoir trouvé le remède aux maux de l'humanité dont le principal d'entre eux est sans conteste celui de la mort ; c'est probablement pour cette raison qu'il est considéré comme un Divin thérapeute et que son emblème, le Caducée, est celui des disciples d'Esculape. Si vous voulez vous convaincre de la véracité de cette affirmation, qu'il vous suffise de lire très très attentivement, le document majeur qui lui est attribué et qui soit parvenu jusqu'à nous, je veux parler du Corpus Hermeticum. Et si ce texte grandiose est facilement accessible à la lecture du plus grand nombre, y compris celui des profanes incultes, il ne délivre réellement les secrets qu'il contient qu'à cette élite d'initiés qui seule est capable d'en pénétrer les mystères.

Car le secret que renferme la découverte du remède aux maux de l'humanité est celui des alchimistes, ces dignes fils d'Hermès, et de leur élixir de longue vie, ce fameux breuvage d'immortalité...

Hélas, pour le plus grand nombre, celui des ignorants incultes et incrédules de notre précédente caverne, tellement aveuglés par l'obscurité de celle-ci et de ses certitudes raisonneuses, ignorantes et sans âme, ce breuvage d'immortalité n'existe pas. Mais si par l'éveil de leur conscience, ils étaient réellement persuadés de son existence, que ne feraient-ils pas pour se le procurer... Ne seraient-ils pas prêts à tous les sacrifices, tous les efforts, toutes les aventures ; prêts à dépenser tout ce qu'ils possèdent, toutes les énergies nécessaires pour, ne serait-ce qu'une seule fois dans leur vie de mortel, tremper leurs lèvres dans ce Saint Graal contenant ce Divin élixir?...

L'initié, dont la Conscience s'est éveillée à la réalité de l'existence de cette source d'immortalité et d'éternelle jeunesse, sait que rien n'a d'importance plus grande que celle qui consiste à partir à sa quête, et que tout ce qui pourrait le dévier de sa route ou le distraire du but de son pèlerinage, n'est que perte de temps et mauvaise utilisation de son énergie vitale.

Car utiliser son énergie vitale, pendant la durée d'une vie, pour finir par dire j'ai accumulé des biens périssables et sans valeurs réelles, et j'ai cultivé des champs pour y faire pousser de médiocres bonheurs insignifiants et éphémères, c'est vraiment perdre son temps comme le fait celui qui persiste à vouloir construire une cathédrale sur des sables mouvants, un comportement terriblement infantile.

Il n'y a donc pas de fatalité, mais seulement à chacun selon ses mérites.

*

* *

Commentaires ------>

Peut-on douter que le désir de trouver un remède à tous les maux qui antigène l’humanité, et d’étendre, s’il était possible, les bornes prescrites à la durée de la vie, n’aie été le premier objet des ardentes recherches des hommes, et n’aie formé les premiers Philosophes ? Sa découverte du flatter infiniment son inventeur, et lui faire rendre de grandes actions de grâces à la Divinité pour une faveur si signalée. Mais il du penser en même temps que Dieu n’ayant pas donné cette connaissance à tous les hommes, il ne voulait pas sans doute qu’elle fût divulguée. Il fallut donc n’en faire participants que quelques amis; aussi Hermès Trismégiste, ou trois fois grand, le premier de tous les Philosophes connus avec distinction, ne le communiqua-t-il qu’à des gens d’élite, à des personnes dont il avait éprouvé la prudence et la discrétion.Commentaires :