La Voix du Silence 4

Devenu indifférent aux objets de perception, l’élève devra chercher le Rajah des sens, producteur de pensée, celui qui éveille l’illusion.

Le mental est le grand destructeur du réel.

Que le disciple détruise le destructeur.

Commentaires :

Ceux qui auront commencé à mettre en pratique l’enseignement que contenait le précédent extrait du livre des préceptes d’or, pourront avec celui qui sert de base à la présente étude, s’exercer à la pratique de l’écoute de la « Voix Muette», la « voix du Silence».

L’exercice que propose la présente citation n’a pas d’autre but que de permettre à «l’élève » l’activation de ses sens supérieurs. Ces sens supérieurs, pour être activés doivent se distinguer des sens ordinaires, nos fameux cinq sens organiques. Pour parvenir à cette distinction, il convient de tenter de neutraliser l’action de ces cinq sens inférieurs, ceux qui nous font accorder de l’importance aux objets matérialistes qui sont perçus par leurs truchements.

Devenir indifférent aux objets de ce mode de perception, va demander de la part de l’élève qu’il soit capable de neutraliser l’activité de ses cinq sens, et il ne peut y parvenir qu’à la condition qu’il en possède d’autres, et que ces autres soient à leur tour activés.

Remarquons que la pratique des enseignements que propose le livre des préceptes d’or, ne faisant pas appel aux sens organiques, est donc essentiellement spirituelle, et par voie de conséquence se manifeste uniquement par l’action de méditer. Ce chemin de la méditation qu’ouvre la Voix du Silence à l’élève qui décide de s’y engager, est d’une autre nature que celui qu’il emprunterait en suivant celui de ses perceptions sensorielles ordinaires. La pratique de la méditation, qui ne consiste pas à rester immobile en concentrant son attention sur son nombril dans l’espoir qu’il révèle les mystères de la création, est un travail spirituel qui demande une détermination, une endurance, une patience et un sens subtil de discernement, donnera des résultats en fonction du niveau vibratoire auquel le pratiquant sera capable d’accéder. Ce niveau vibratoire s’obtient, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans les précédents articles dans le Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, par une élévation de ses Connaissances. La méditation ne consiste pas à laisser tourner son intellect en roue libre, ce qu’il sait d’ailleurs faire spontanément sans qu’il soit besoin de se concentrer pour y parvenir, mais est une pratique qui implique l’activation de sa faculté volitive. La méditation qui ne s’inscrit pas comme l’expression d’une volonté, est à la méditation volontaire ce que la Foi aveugle est à la Foi éclairée, un délire et une folie.

C’est d’ailleurs ce que nous indique le présent extrait lorsqu’il invite à faire preuve de volonté pour surmonter la nature instinctive (le Destin) qui naturellement se laisse gouverner (asservir) par les sens organiques et son cortège de passions, de désirs et d’émotions. Devenir indifférent aux objets de perception nous renvoie donc à ce que j’ai par ailleurs traité, comme la nécessité pour qu’une pensée soit juste en vertus, de ne pas se laisser envahir et dominer par les passions et les émotions. Là encore, nous pouvons constater, malgré un habillage spécifique aux traditions et à la culture orientale, que la trame essentielle de son enseignement ésotérique le plus élevé ne diffère pas de la Grande Tradition hermétique. En haut de la montagne, tous les chemins se rejoignent pour n’en faire qu’un.

Être capable d’activer sa faculté volitive pour devenir indifférent à ce qui relève d’un sens organique, implique naturellement une faculté de discernement qui sera capable de distinguer le tangible de l’intangible, le concret de l’abstrait, le conceptuel du pratique. Il y faut plus que de la vision binoculaire, mais de la clairvoyance, cette faculté supérieure si difficile à activer, et encore plus difficile à maintenir en activité.

L’élève devra chercher le Rajah des sens, producteur de pensée... Ce Rajah (Prince) des sens est forcément celui qui les gouverne, et qui produit (reçoit) les pensées que ses sens induisent par leurs manifestations. Ce Rajah n’est pas autre chose que ce qu’il convient de qualifier d’intellect raisonneur, celui qui partant uniquement de ce qu’il voit et perçoit, construira un espace de manifestations causales, qui, bien qu’ayant une manifestation relative, ne sera qu’une illusion temporaire par rapport aux réalités de l’Absolu et de l’intemporel. Cet intellect raisonneur, par ses constructions d’une implacable logique de cause à effet, s’il n’est pas relayé par la spiritualité (ici sans aucune connotation à caractère religieux), finira par pousser ses raisonnements qui aboutiront invariablement à des paradoxes absurdes.

Pour illustrer mon propos je prendrai l’exemple très académique de la science matérialiste, qui n’admet pas d’effet sans cause, mais qui, confrontée à l’ultime limite de son raisonnement le plus scientifique actuel, - je veux parler de la théorie du Big Bang, toujours d’actualité même si elle commence à être contestée —, et qui veut que par un enchaînement d’une implacable logique causale, l’univers provienne d’un minuscule espace-temps qui contenait tout, et dont l’explosion aurait donné le cosmos dans la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Jusque-là, l’intellect raisonneur tire sa force de son apparente cohérence, mais que vienne la question : qu’elle est la cause de ce point d’espace-temps à l’origine de ce Big Bang?, et l’intellect raisonneur n’a plus d’autre réponse que celle qui consiste à dire : qu’il n’en sait rien, faisant ainsi reposer cette brillante théorie, sur le postulat le plus inacceptable pour lui et qui est, je le rappelle, qu’il n’y a pas d’effet sans cause.

Le mental évoqué dans le livre de la Voix du silence, n’est pas à confondre avec celui de la science hermétique, comme celui que traite le Kybalion. Il s’agit bien ici de l’intellect raisonneur, créateur d’un état de veille constitué d’illusions, et qui est en réalité l’état de somnambulisme que j’ai précédemment évoqué dans les articles du Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, et l'état d'ignorance des profanes incultes. Ce «mental » créateur d’illusions est en même temps celui qui voile le réel, cette dissimulation vaut ici destruction pour celui qui n’est plus capable de percevoir autre chose que ces illusions. Détruire le destructeur, ce qui se fait par la méditation, la réflexion et la Connaissance, est donc bien la première mission que devra accomplir l’élève sur le chemin de sa quête de Vérité.

Apprendre à discerner ce qui relève de l’illusion de la réalité, n’est ici pas autre que ce que propose l’Enseignement des Tables de la Loi du Sépher de Moïse dans ce trope essentiel :

Et-vous-serez Tels-que Lui-les-Dieux connaissant-le-Bien-et-le-Mal.

Mais ne vous faites pas trop d’illusions, entre la théorie et la pratique, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

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