Dom Antoine-Joseph Pernety était un bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, et même s'il fut un défroqué, nous devons considérer que sa formation religieuse a laissé en lui de fortes colorations spirituelles qui se retrouvent dans certaines de ses formulations, mais ne l'empêchèrent pas pour autant d'être un esprit libre et clairvoyant au point d'être un inconditionnel de la Science Hermétique.La Philosophie Hermétique est l'école de la piété et de la religion, ceci confirme s'il en était besoin, la teneur des différents articles du Grand Œuvre d'Hermès faisant état de la nécessaire analogie des contraires qu'il convient de faire entre la Foi et la Raison. La Science Hermétique, qui se veut en osmose avec les lois de la Divine Providence, implique la conviction (Foi) en un Divin Créateur Grand Alchimiste, Grand Architecte de l'Univers, duquel tout provient, sans lequel rien de ce qui existe ne pourrait avoir de manifestation possible, et grâce auquel tout se perpétue au sein d'une éternelle et immuable perfection globale.
Le terme de Religion est par trop attaché à un dogme aliénant avec pour corolaire la crainte d'un "Dieu" ayant des exigences caractérielles et imposant des servitudes à ses "fidèles" qui sont en vérité par leur aveugle soumission plus proches des esclaves. Les fondements même de ce genre de dogme seraient de nature à limiter considérablement le statut divin du "Dieu" qu'il prétend servir. En effet, comment faire cohabiter le libre arbitre et les nécessités du respect scrupuleux d'un dogme rigide, avec les obligations, les interdits et les dépendances qu'il impose à ses "fidèles "? Comment admettre qu'un "Dieu" Créateur, qui par essence se doit d'être parfait, puisse se trouver dans la situation discutable d'attendre quoi que ce soit de ses créatures, au point d'en venir à la colère s'il n'obtient pas ce qu'il veut... La Religion implique aussi l'asservissement à des rituels, des pratiques, des superstitions, et des idolâtries, dont l'esprit et la pureté ce sont depuis longtemps perdus, et qui sont autant de carcans imbéciles, pour ne pas dire de camisoles pour aliénés, dans lesquelles finissent emprisonnés ceux qui se soumettent à une croyance de nature plus ou moins sectaire, mais rarement autre chose qu'aveugle et ignorante.
Toutes les grandes Religions, revendiquent cette expression et en évoque le sens étymologique du mot latin re-ligare (re-joindre ou re-lier), pour se donner un statut d'universalité qui n'est qu'une apparence derrière laquelle se dissimulent invariablement des racines intolérantes, discriminantes et sectaires. Je n'en veux pour preuve que les nombreux cas d'exclusions que renferment les canons de toutes ces grandes Religions, sans compter la nécessaire obligation de se convertir à son dogme et à ses pratiques pour pouvoir s'en réclamer, avec damnation éternelle en cas de changement d'avis, et même pour certaines, risque de peine de mort pour l'imprudent qui souhaite retrouver sa liberté... de penser...
Comment dès lors, percevoir la plus haute idée que l'on doit parvenir à se faire de ce Divin Créateur, s'il faut prendre en considération la possibilité du rejet de l'autre quel qu'il soit ; s'il faut voir dans la personne libre et souhaitant le rester, un infidèle ou un impie ; s'il faut considérer que le "Dieu" de ce dogme religieux puisse avoir des états d'âme, comme la colère, la vengeance, l'humeur guerrière, la soif du sang des incroyants, ou qu'il puisse être capable de considérer une partie de ses créatures comme indigne de sa considération et de son respect, au point qu'il en arrive à considérer qu'elles sont bonnes pour la destruction ? Où serait la perfection de ce "Dieu", qui admettrait par cette volonté de destruction et son intolérance caractérielle, sa nature vicieuse, sa propre incompétence et imperfection?... Et si ce "Dieu" n'est pas capable de telles médiocrités, si proches de la nature humaine dans sa version la moins évoluée, que penser des adeptes de ces Religions qui sombrent dans ces travers qui consistent à donner à leur "Dieu" autant de vices qu'ils en possèdent eux-mêmes?...
La Philosophie Hermétique a ceci de supérieur à toutes les Religions (ou ce qui se prétend comme telle) c'est qu'elle considère que rien de ce qui existe n'est étranger au Divin Créateur ; découlant de ce postulat, elle établit que nous sommes donc tous les enfants égaux en droit d'Amour de ce Divin Créateur, qui, par essence divine est parfait, et ne saurait concevoir la moindre imperfection sans déchoir immédiatement de son statut de Divin, il ne peut donc y avoir aucune de ses créations et de ses créatures qui soient imparfaites. Cette Philosophie Hermétique a en outre l'avantage de ne nécessiter ni conversion ni adhésion, car nous en faisons tous partie de plein droit sans qu'il soit possible d'en exclure qui que ce soit. Comme dit la chanson : nous irons tous au Paradis, même si ce n'est pas forcément tous en même temps, mais qu'est-ce que le temps pour l'éternité ?... Une chimère !
Pourquoi dès lors, serait-il nécessaire de faire preuve de piété pour accéder à la Science Hermétique?
Là encore, je ne peux que renvoyer à des articles précédents dans lesquels j'ai eu à expliquer que si chacun est libre de croire en ce qui lui convient le mieux, (croyance qui n'est respectable qu'à la condition qu'elle ne cherche pas à s'imposer aux autres), cette croyance est en rapport qu'avec un état d'évolution karmique et ne saurait prétendre à devenir pour autant une vérité universelle. Le Divin Créateur sera toujours la plus haute idée que chacun sera capable de se faire de Lui, sans pour autant ne jamais être la bonne. Plus cette idée sera saturée par des pensées de faible élévation, reposant sur un savoir mécaniquement transmis et non éprouvé, sans fondement crédible, et sur peu de véritables Connaissances, plus elle subira les déformations de la Lumière originelle, pour n'être plus qu'une grossière caricature. Plus cette idée sera épurée grâce à des pensées qui s'approchent le plus de l'universel et de l'intemporel, et plus elles révéleront non pas le Divin Créateur, mais la plus haute idée que Lui se fait de nous dans notre capacité à conquérir notre propre divinité, ce qui a pour effet de nous rapprocher de Lui. Ceci permet de mieux comprendre la formulation que Dom Antoine-Joseph Pernety emprunte à Nicolas Flamel ;
Ceux à qui Dieu en accorde la connaissance étaient déjà pieux, ou ils le deviennent.
La Véritable Connaissance Divine ne peut pas être profanée par l'ignorance et l'impiété réduisant ceux qui en sont les victimes à n'être que des inconscients vaniteux de ce qu'ils pensent être, sans considération de tout ce qui les dépasse et qui n'est perceptible qu'avec la pratique de l'humilité. Être les enfants égaux en droit d'Amour du Divin Créateur, n'implique nullement une égalité de traitement ; si cette égalité avait cours, elle serait la négation de la Justice Divine, comme d'ailleurs elle est dans sa pratique humaine la négation de tout esprit de justice, quelle qu'elle soit. Pour que le mouvement, qui est source de vie, soit possible, il faut que l'inégalité soit la règle commune à la Création. Le cycliste est en équilibre instable sur des forces en déséquilibre permanent, c'est pour cela qu'il avance, lorsque l'équilibre est stable et toutes les forces sont égales, le cycliste n'avance plus. La Justice Divine repose donc sur le principe : à chacun selon ses mérites, ce qui rend l'inégalité gérable, et parfaitement juste.
Tous les Philosophes commencent leurs ouvrages par exiger de ceux qui les lisent, avec dessein de pénétrer dans le sanctuaire de la Nature... Comment vouloir accéder à la Science Hermétique, si la Nature n'est pas le juge arbitre de la justesse des règles de cette Science?... Ceci nous renvoie à ce que j'ai expliqué sur le Principe de polarité du Kybalion, et sur les polarités que sont la Foi et la Raison. La Conscience qui devra en faire l'analogie des contraires, devra trouver le juste milieu entre la plus haute idée qu'il convient de se faire de Dieu et la Nature qui doit guider nos pas, pour ne pas nous faire sombrer dans les chimères et les élucubrations de la folie dogmatique.
Un coeur droit et un esprit craignant Dieu... Ici, nous retrouvons la coloration religieuse de Pernety que j'évoquais au début de cet article. À l'inverse d'Eliphas Lévi, ayant lui aussi reçu cette empreinte, il est évoqué la crainte de Dieu, alors qu'Eliphas Lévi affirme fort justement que la crainte est le meilleur moyen de ne pas aller à la rencontre de Dieu ; ce que confirme le Principe d'un gardien du seuil de l'initiation et qui se nomme la Peur. Si Dieu avait vraiment voulu être craint, il n'aurait pas donné le libre arbitre à l'être humain, car le propre du libre arbitre c'est justement d'être rebelle. En accord avec une citation d'Eliphas Lévi, je dirai que Dieu ne peut pas être en désaccord avec lui-même.
...un caractère compatissant, pour secourir les pauvres, une humilité profonde, et un dessein formel de tout faire pour la gloire du Créateur, qui cache ses secrets aux superbes et aux faux sages du monde, pour les manifester aux humbles ... Ces critères sont bien ceux caractérisant la Science et la Philosophie Hermétique, à condition d'en faire une lecture analogique subtile, car les pauvres dont il est ici question n'ont rien à voir avec ceux qui sont victimes de la misère et pauvreté matérielles. Pour le reste, je laisse à votre méditation le soin d'en approfondir le propos, dans le dessein d'une possible mise en application... Mais ceci est une autre histoire.
La Philosophie Hermétique est donc l’école de la piété et de la Religion. Ceux à qui Dieu en accorde la connaissance étaient déjà pieux, ou ils le deviennent (Flamel Hiéroglyp.). Tous les Philosophes commencent leurs ouvrages par exiger de ceux qui les lisent, avec dessein de pénétrer dans le sanctuaire de la Nature, un coeur droit et un esprit craignant Dieu ; un caractère compatissant, pour secourir les pauvres, une humilité profonde, et un dessein formel de tout faire pour la gloire du Créateur, qui cache ses secrets aux superbes et aux faux sages du monde, pour les manifester aux humbles (Matth. c. II.)Commentaires :