Livre d'Hénoch 6

Livre d’Hénoc (Enoch, Thoth, Hermès) : Chapitre TROIS

3. Ils voient que chacune des créations de Dieu suit invariablement la voie qui lui est tracée. Ils voient l’été et l’hiver ; ils voient que toute la terre est remplie d’eau, et que les nuages, les vapeurs et la pluie en rafraîchissent la température.

Commentaires :

Je rappelle pour ceux qui ne suivraient pas les études du livre d'Enoch depuis le début, que ceux qui voient, dont il est question dans cet extrait, sont uniquement ceux qui habitent dans les cieux et qui possèdent cette faculté de voir très distinctement ce qui est en haut comme ce qui est en bas. Alors que de notre complexion humaine si nous pouvons voir ce qui est en bas, pas toujours avec la lucidité voulue et souhaitable, nous n'entrevoyons ce qui est en haut qu'à la condition de parvenir à ouvrir notre clairvoyance sur ce que nous révèle le langage hermétique de l'analogie. Le livre d'Enoch nous indique que cette faculté de voir globalement ce qui pour nous est séparé entre le visible et l'invisible, est le propre d'un état différent de celui de la nature humaine. Cette indication ne dévoile pas les facultés extraordinaires de ceux qui habitent dans les cieux, mais bien davantage la limitation (l'atrophie) de nos facultés originelles, lorsque nous sommes enfermés dans l'identification à notre personnage de mammifère humain.

Ils voient que chacune des créations de Dieu suit invariablement la voie qui lui est tracée.... Il pourrait aisément se déduire de cette information, une sorte de fatalisme qui ferait, que chacune des créations de Dieu ne possédant aucun libre arbitre, devrait subir inexorablement la voie de sa condition, sans pouvoir y changer quoi que ce soit. Ce serait là faire une interprétation extrêmement restrictive et peu clairvoyante de ce passage renfermant pourtant une tout autre richesse.

Imaginons malgré tout que le Divin Créateur soit un génial mégalomane absolu, et qu'en fin de compte, tout doit se plier à sa volonté et à son ambition suprêmes. Étant le Créateur des lois et des créatures, la responsabilité des unes et des autres lui incomberait en totalité, tant dans leurs conceptions, que dans les manifestations qui en découleraient. Ayant la faculté de tout vouloir et de tout pouvoir, il est difficile de concevoir qu'Il puisse donner à l'une de ses créations ou créatures, la moindre faculté de pouvoir ne pas se conformer aux exigences de son ambition ultime. Chacune de ses créations étant destinées à une ou des fonctions précises au sein d'un mécanisme grandiose, devrait pouvoir être asservie à cette fonction, sans avoir la moindre préoccupation ou état d'âme qui viendrait perturber son fonctionnement et son efficacité. Dans le cas contraire, cela reviendrait à donner une certaine liberté de décision et d'autonomie à chacune de ses créations, qui rendrait obligatoirement l'ensemble chaotique et ingouvernable. Un peu comme si nous concevions ici-bas une automobile avec des pièces conçues pour fonctionner harmonieusement entre elles, mais dont chacune posséderait la faculté de s'interroger constamment sur le bien-fondé de sa fonction, de sa place de son rôle et de l'utilité de poursuivre une tâche qui lui a été assignée ... Autant dire qu'avant que ce véhicule ne fasse le premier kilomètre, il y a fort à parier qu'il sera retourné à l'état de poussière. Ceci nous amène donc à déduire que si un Dieu mégalomane voulait réellement asservir ses créations et créatures à sa mégalomanie, il n'aurait nul besoin de leur conférer le moindre libre arbitre, et encore moins besoin de les voir se tourmenter avec des états d'âme, ce qui serait contre-productif, et condamnerait à l'échec un mécanisme aussi grandiose et complexe qu'est celui de la Divine Création. Lorsque l'être humain a besoin d'utiliser ses semblables dans une opération complexe, ambitieuse et totalitaire, la première chose qu'il doit commencer à faire c'est de les asservir physiquement et surtout intellectuellement. Exemple certes caricatural, mais ô combien révélateur du phénomène : l'armée. Une armée ne pourrait jamais exister avec des soldats ayant la moindre parcelle de conscience individuelle active, surtout si cette conscience reposait sur un large champ de connaissance ; c'est d'ailleurs pour cette bonne raison qu'il est procédé à la lobotomisation de chacun des membres de cette armée, avec pour règle cardinale inflexible l'obéissance à l'autorité supérieure, et un encouragement à l'absence de réflexion individuelle. Une armée efficace n'a que faire de l'intelligence de ses soldats, seul compte pour elle, la capacité de ses soldats à recevoir "l'intelligence" de ses "supérieurs". Voilà qui relativise grandement la notion d"intelligence" et de "supérieurs". Ce qui est vrai pour l'armée, l'est tout autant pour les administrations, les grandes entreprises, les organisations politiques, religieuses et/ou tribales...

Il découle de ce qui précède, que si Dieu avait à nous soumettre à sa volonté et à son ambition, il n'y aurait aucune raison, autre qu'imbécile, pour qu'Il ait fait ses créations et ses créatures avec une Conscience individuelle, une faculté volitive indépendante, et un champ de libre arbitre évolutif. Dans une telle occurrence, pour rendre cohérent un processus d'une complexité infinie comme l'est celui de l'univers, il devrait sans cesse intervenir pour en permettre le bon fonctionnement et l'harmonie, en remettant constamment dans la bonne voie ceux, qui usant de leur libre arbitre, décideraient d'aller batifoler ailleurs et à autre chose que ce qui correspond aux desseins de la volonté supérieure. L'existence même de la Conscience, de la faculté volitive et de la part de libre arbitre dont dispose chaque créature, démontre qu'elles ne sont pas asservies à la volonté suprême d'un mégalomane absolu qui attendrait beaucoup de chacune d'elle, - ce qui au passage invaliderait le principe de ce Dieu qui se suffit à Lui-même -, mais que les lois de la Divine Création sont là pour permettre tous les champs du possible qui autorise l'exercice et la pratique du libre arbitre, de la faculté volitive et de cette Conscience différenciée de l'Universel. Ce n'est pas la créature qui sert la Création et son Divin Créateur, mais c'est bel et bien la Création et son Divin Créateur qui servent chaque créature et création. Car in fine, le véritable dessein de la Création est de permettre le plein épanouissement de chaque créature en fonction de ses désirs, de ses aspirations et de sa volonté. Ce n'est que dans cette vision grandiose, généreuse et sublime, que peut se concevoir et se justifier la liberté qui est attribuée à chaque création et chaque créature. Alors, cette liberté devient une fonction absolument géniale et révélatrice; Géniale, car elle fait que chaque création soit forcément à la bonne place là où elle se trouve et au moment où elle s'y trouve; Révélatrice, car si nous avons cet espace de liberté, qui est fonction de l'ampleur de notre champ de Conscience, n'étant pas asservie, le Divin Créateur ne l'est pas non plus... Lors de précédents articles dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste j'ai déjà évoqué le principe qui veut que nécessairement les Lois du Divin Créateur s'imposent à l'ensemble de la Création, ainsi qu'à Lui-même. Celui qui asservi, est nécessairement asservi par les contraintes qu'il impose à ceux qui se soumettent à son autorité. S'il ne veille pas sans cesse au respect de ses contraintes, il verra rapidement la perte de son autorité. Alors que celui qui veille à laisser libres tous ceux qui l'entourent, bénéficie en retour d'une même garantie de liberté. Voilà me semble-t-il un important sujet de méditation : si Dieu était autoritaire, dominateur , despotique et absolutiste, il ne serait pas libre et se trouverait contraint dans les mêmes proportions des contraintes qu'il ferait subir...

Un gardien est forcément dans la même prison que le prisonnier qu’il garde.

Compte tenu de ce qui précède, nous devons entendre dans la formulation de la première phrase de ce présent extrait, que chacune des créations suit invariablement la voie qui lui est tracée dans les immenses champs du possible. Que cette voie est celle de la nature de son espèce, comme l'a d'ailleurs si bien signalé Basile Valentin dans le dernier article dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, cette espèce correspond à l'état de développement du patrimoine karmique de la Conscience qui vient l'animer. Ceci est parfaitement conforme aux nécessités qui veulent qu'il ne puisse pas y avoir de liberté sans loi, et que connaître ces lois, c'est être libre ; justement parce que chaque Conscience (création) a la possibilité de les utiliser à son profit, celui de son propre développement, sans que cela ne vienne contrarier le bon fonctionnement de l'ensemble, car c'est là précisément le but de cet ensemble... La justesse d'une pensée offre la possibilité de voir la lumineuse grandeur et perfection de la Divine Création. Comme disait si bien Montesquieu : une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi ; mais elle est loi parce qu'elle est juste.

Accessoirement, il découle du principe que nous délivre le livre d'Enoch, mais pas seulement lui, que si nous suivons une voie, cette voie qui est tracée dans les immenses champs du possible est celle qui correspond à notre état d'évolution, et que ce n'est pas elle qui s'impose à nous, mais nous, qui nous sommes adaptés (identification) au tracé de cette voie... Je rappelle ce que je disais plus haut, nous sommes toujours à la bonne place, là où nous nous trouvons et au moment où nous y sommes. Ce qui ne veut pas dire que nous soyons éternellement condamnés à y rester...

Ils voient l’été et l’hiver ; ils voient que toute la terre est remplie d’eau, et que les nuages, les vapeurs et la pluie en rafraîchissent la température.... La suite de cet extrait nous indique l'étendue du champ de la clairvoyance de ceux qui habitent dans les cieux. Voir les saisons, c'est manifestement ne pas se limiter à regarder la lumière de la création dans sa totale luminosité ; c'est aussi discerner ce qu'elle contient notamment lorsqu'elle produit, par variation d'intensité, les saisons comme l'été et l'hiver, l'une étant la manifestation de ce que l'autre a préparé dans son sein ; l'une étant la manifestation visible de ce que l'autre a fécondé dans l'invisible. L'été étant la lumière glorieuse, mais passant dans une phase d'agonie des feux de la Saint-Jean, alors que l'hiver sera la renaissance de ce Sol Invictus (Soleil invaincu) qu'enfante cette Vierge cosmique, la Nature humide qui féconde en son sein chacune des créations de Dieu.

Nous pourrions aussi tirer comme principal enseignement de cet extrait qu'il n'y a qu'une voie tracée pour ceux qui ne savent pas voir les autres, et dans ce cas cette voie se transforme en une inéluctable fatalité. Ce que j'ai traduit dans une de mes petites Clavicules de la Sapience de la façon suivante :

AN - Les voies du Divin Créateur sont impénétrables et le resteront pour tous ceux qui seront prisonniers de cette certitude, et croyez-moi, il y en a encore beaucoup.

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