Le Cantique de Salomon 7

Exégèse du Cantique des cantiques de Salomon dans son aspect ésotérique et alchimique, par Jean Vauquelin des Yveteaux alchimiste normand (1651-1716)

Le Mystère occulte du Cantique des cantiques.

1.8 Si tu l’ignores, ô la plus belle des femmes, suis les traces du troupeau, et mène paître tes chevreaux près de la demeure des bergers.

L’epouse est avertie de reflechir sur elle mesme et d’estre attentive à se connoistre et de paistre les jeunes troupeaus spirituels, fussent ils moins purs et plus salles que les boucs. Le sage ordonne de les faire paistre aupres des agneaus et des brebis, affin qu’ils s’accoutument à leur douceur et se facent dignes d’estre receus avec eus à la droitte du Seigneur. Car il faut se peiner à purger ce qui est impur affin qu’il devienne pur et puisse s’unir à la pureté de l’epoux. Ce qui ne se fait ny par violence ny subitement mais peu à peu et doucement, l’elevation du fixe et la reunion des parties homogenes du volatil ne se faisant que l’une après l’autre, ce qui ne se fait que par un mouvement tres dous et tres lent et avec un long temps...

Concernant ce verset du Cantique des cantiques de Salomon, notre alchimiste normand nous en dévoile toute la subtilité du sens Cachant, révélant par là même, sa compétence dans cette Science Hermétique, et la maîtrise de son langage analogique.

Chaque formulation d'un texte aussi profondément ésotérique que celui qui sert d'étude au présent article, est un trope hiéroglyphique symbolique d'apparence simpliste, mais qu'il convient de décrypter pour en saisir la tonalité subtile qui nous donnera la clé du mystère qu'il renferme.

Si tu l'ignores... N'est plus ici la simple ignorance de l'endroit où doit se rendre l'épouse (je le rappelle pour mémoire, qui n’est dans ce texte rien d'autre que la faculté volitive), mais bien davantage un état d'ignorance dans lequel se trouve plongée l'héroïne de ce conte. Il s'agit, ne l'oublions pas, d'un enseignement grandiose intemporel et universel, réduire son entendement en situant cette histoire à des personnages physiques ayant disparus, et à une période écoulée, est le plus sûr moyen de s'égarer pour cause d'ignorance profonde. Cet enseignement s'adresse à des générations multiples, et des époques tant passées que présentes ou futures. Lorsque que nous en décryptons le sens occulte, nous découvrons qu'il est en parfaite harmonie avec tous les grands enseignements de toutes les grandes traditions, car ce qui s'est approché le plus de la Vérité Absolue, acquiert une part importante d'intemporalité, mais aussi cette part d'universalité que confère la vision homogène de la Divine Création.

Si tu l’ignores, ô la plus belle des femmes, suis les traces du troupeau... J'ai eu l'occasion, en commentant les versets des Tables de la Loi du Sépher de Moïse, dans la Véritable Histoire d'Adam et Eve enfin dévoilée, de dire que l'exercice du libre arbitre, pour une conscience qui s'éveille (qui se différencie de l'universel), passait par un acte rebelle qui se traduisait par la manifestation de la volonté. Cette volonté qui s'exprime sans connaissance, - c'est ici le propre de ce que nous retrouvons chez les enfants -, ne peut que sombrer dans un espace d'insignifiance caractérisé par cet état d'ignorance. Le péché et la chute d'Adam ne sont pas autre chose que cette mise à l'épreuve. Si la plus belle des femmes (trope analogique de la Conscience) est dans cet état d'ignorance, elle n'a pas d'autre alternative, pour espérer en sortir, que de suivre les traces du troupeau... Admirable figure de style, qui est facilement transposable à toutes les époques de l'humanité, tant elle a ce caractère universel qui symbolise le comportement moutonnier de ces cohortes de sans cervelle ayant pour unique référence la normalité conforme à celle du troupeau. Le mouton, ou plus précisément dans le texte en exergue, le chevreau, n'a aucune chance de ne pas s'égarer sans un minimum de connaissances dépassant largement les modestes capacités de la nature cérébrale de cet animal jeune et inexpérimenté. Pour trouver le chemin, la bonne route, la bonne voie, il faut avoir les connaissances d'un berger, et sans ces connaissances, il vaut mieux suivre les traces qui mènent au troupeau, lui-même sous la conduite d'un berger...

Un enfant en bas âge doit suivre ses parents qui sont ses guides ; un élève ou un étudiant doit suivre les enseignements de ses professeurs, et enseignants ; un adulte doit suivre les autorités supérieures qui le gouvernent ; un individu faiblement développé spirituellement, doit suivre les pasteurs d'une religion. L'ignorance à chacune de ces étapes de l'évolution de la Conscience, condamne à ce fameux comportement moutonnier, qui sans être ce à quoi peut prétendre de plus élevé une âme-de-vie, est encore la moins mauvaise des solutions pour espérer traverser sans trop de dégâts une incarnation en état d'ignorance chronique.

Un des passages du Corpus Hermeticum dit : seul le semblable connaît le semblable. Le chevreau suivra les traces du troupeau qui ne sera que la conséquence d'une voie ouverte par le berger. Les connaissances du berger lui donnent une plus grande liberté d'action, alors que celle du troupeau sera limitée à la seule volonté du berger. Un axiome des Tablettes de Thoth énonce : connaître les lois c'est être libre, c'est aussi ce qu'enseigne ce profond verset si énigmatique à la lecture superficielle. Connaître les lois de la Divine Providence, permet d'être berger, l'état d'ignorance condamne à n'être qu’un chevreau soumis aux servitudes des lois de causalité du Destin.

... et mène paître tes chevreaux près de la demeure des bergers.... Remarquons par cette formulation, que la faculté volitive n'est pas dans état d'ignorance complet, mais un peu moins prononcé que les chevreaux de son troupeau, sans pour autant être digne d'être à la hauteur des compétences et des responsabilités d'un véritable berger. Elle n'est plus un animal du troupeau, comme l'espèce humaine en produit avec tant d'abondances, mais les impuretés qui encombrent ses facultés supérieures, ne lui permettent pas de faire preuve de clairvoyance et de discernement au point d'être à son tour capable de diriger correctement son troupeau. Nous avons dans ce passage, la révélation de préceptes de très haute initiation. Si les premiers échelons de l'échelle de Jacob consistent bien à sortir sa Conscience de l'état d'animalité, si caractérisé par les manifestations d'un ego hypertrophié, les échelons supérieurs de l'initiation passent par l'abandon de cet ego aux visions étriquées, hétérogènes et profondément ignorantes, pour se hisser aux fonctions plus altruistes qui consistent à se mettre au service d'un groupe, symbolisé ici par l'expression si parlante de troupeau, afin de lui offrir le partage des acquis de ses propres Connaissances, dans un but libérateur, pour le Mage, et asservissant pour le sorcier.

L'état d'ignorance n'est jamais résolu. Lorsque la Conscience s'éveille, accède à des niveaux de Connaissance, elle se libère des asservissements des états inférieurs, sans pour autant pouvoir prétendre à l'état supraconsciente de l'illumination. Il convient donc de retenir que chaque étape confère un statut et un espace de liberté, mais qu'il faudra quand même suivre les pas d'un troupeau, indication là encore infiniment précieuse et subtile, nous enseignant à être capables de suivre les traces de ceux qui nous ont précédés... Le chevreau suivra les traces du troupeau composé des membres de sa complexion, sans réfléchir ni comprendre rien de plus que ce qui concerne ses intérêts égotiques les plus sensoriels et primaires ; le gardien du troupeau suivra les voies qui mènent à la demeure des bergers (ici nous devons comprendre ce terme par : initiés), qui eux-mêmes suivent les traces de Maîtres et de Guides illustres qui leur ont précédemment tracé la voie à suivre.

Dans l'expression : paître tes chevreaux près de la demeure des bergers, il convient me semble-t-il, comme nous le fait si justement remarquer Jean Vauquelin, de comprendre que ces nourritures que doit absorber ce troupeau, se situant près de la demeure des berges (près du Temple de la plus haute connaissance disponible) sont des nourritures essentiellement spirituelles, propres à purger des impuretés, le troupeau et son gardien qui n'ont pas encore le statut de berger.

Pour les habitués des articles du Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, la pratique du langage analogique et la dialectique entre l'intellect et l'intuitif, devraient leur permettre de découvrir l'immensité des richesses que contient l'enseignement très hermétique de ce subtil verset. Pour les autres mes petits commentaires auront, j'ose l'espérer, un effet éclairant.

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