Le Cantique des cantiques

Exégèse du Cantique des cantiques de Salomon dans son aspect ésotérique et alchimique, par Jean Vauquelin des Yveteaux alchimiste normand (1651-1716)

Mystère occulte du Cantique des cantiques.

Par Jean Vauquelin des Yveteaux alchimiste normand (1651-1716)

1.2 Qu’il me baise des baisers de sa bouche. Tes amours sont plus délicieuses que le vin ;

ce terme qui signifie Baiser, est exprimé au pluriel dans l’hébreu, ce qui indique des baisers reiteréz et sans nombre, affin que cette epouse puisse dire comme il est dit dans le Pseaume 119v ; 131. J’ay ouvert ma bouche et j’ay attiré l’esprit en moy, en sorte que nous ne soions plus qu’un.

Dans le Cantiques des cantiques de Salomon, oeuvre hermétique par excellence, et que tente d'éclairer notre alchimiste normand, des connaissances d'un Art qu'il maîtrise manifestement, il convient de comprendre que le dialogue de l'époux et l'épouse est celui de la Conscience et de sa faculté volitive. Nous retrouvons au début de la Genèse, dans les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, cet époux et cette épouse sous les noms d'Aish et d'Aishah. Et lorsque l'épouse ouvre la bouche pour exprimer sa pensée, la justesse et la pureté de cette pensée attire par affinité vibratoire l'esprit en elle, et elle en reçoit le baiser de l'ange.

Il faut donc quantité d’esprit volatil à proportion de l’épouse fixe, et qu’il donne plus d’un baiser, affin que le corps devienne un avec luy, et soit spiritualisé par ces baisers qui les unissent.

L'épouse fixe, la faculté volitive, est celle qui se trouve dans la partie la plus dense (l'épais) de la manifestation, en involution, et pour que cette faculté volitive devienne volatile (subtile) il faut qu'elle reçoive plus d'un baiser (enseignement de l'esprit) afin qu'il puisse y avoir transmutation dans cette alchimie spirituelle.

Le fixe est donc cette epouse vierge qui demande le baiser pur, qu’elle veut recevoir du volatil tout spiritueus que le ciel luy envoie.

Voilà qui confirme ce qui précède.

Il sont tous deus substances d’unne mesme racine, frere et seur, époux et épouse, enfans de la nature qui les produit, eau crüe et eau cuitte qui tirent leur origine de l’eau.

Précision analogique, rappelons-nous que l'inquisition à cette époque ne permettait pas de sortir de la stricte orthodoxie d'une interprétation sectaire des textes canoniques, et que notre prudent alchimiste, en se gardant de dire qu'Adam et Eve ne sont pas des individus de chair et de sang, se préserve aussi du bûcher réservé aux hérétiques, dont les adeptes d'Hermès faisaient partie...

Mais il n’appartient pas à une epouse souillée de recevoir le baiser de la bouche d’un epoux si pur ; il faut auparavant qu’elle soit nétoiée et purgée de sa main, et disposée à recevoir ce baiser par un estat qui la rende exempte de tache, et que d’ailleurs elle soit vuide de toutte attache qui en soit separée, qu’elle se trouve dans une mortification et aneantissement d’elle mesme, que par la secheresse et privation de toutte autre chose adherente il n’y ait que son unique et ardente appetence qui puisse luy attirer le rafraichissement apres lequel elle soupire, pour se desalterer d’unne eau si spirituelle et celeste.

Recevoir l'esprit demande une purification de la part de la faculté volitive, cette purification ne se conçoit que dans la pratique des vertus, et l'état qui rend exempt de tache est celui de la Connaissance éprouvée. Il convient donc qu'elle soit, l'épouse, dans une mortification égotique et sensorielle, l'anéantissement d'elle-même est ici à comprendre dans les pratiques de renaissance de l'initié que nous retrouvons dans toutes les grandes traditions.

L’object de son desir estant uniquement spirituel, pour union toutte spirituelle, il n’en peut resulter et estre produit dans la nature, non plus à proportion que du baiser de la grace, qu’une lumiere et une onction bienfaisante. Car ce baiser donne esprit et vie, en spiritualisant la matiere dans l’oeuvre naturel, et en divinisant pour ainsi dire l’ame dans l’oeuvre spirituel du salut par l’union de l’ame à Dieu par Jesus Christ, de mesme que le corps élementaire est rendu celeste et spiritueus par le véhicule de la lumiere, cet agent du seigneur par lequel il perfectionne toutte sorte de matiere.

Notre brillant alchimiste nous indique que l'énergie sexuelle, qui imprègne le Cantique des cantiques, peut se lire par le profane inculte comme l'expression d'une certaine lubricité, et par l'initié, comme la remonté de la Kundalîni, pour alimenter la puissance spirituelle de l'épouse. L'importance de la lumière qu'elle recevra étant proportionnelle à son état de pureté et de connaissance, seule condition pour sortir de la sphère des réincarnations, et recevoir l'élixir d'immortalité.

Le terme hebreu qui signifie amour signifie mamelles, par metaphore. Et ce laict de l’epoux que l’epouse desire et dont elle est preste de s’enyvrer, est nommé laict de vierge par les philosophes naturalistes.

Magnifique analyse de notre alchimiste, l'Amour est le lait que distribuent les mamelles de la Providence qui n'impose rien, et se reçoit par adhésion volontaire. Et seul ce lait, expression de l'Amour absolu, celui qui donne sans rien attendre en retour, est la nourriture spirituelle qui est propre à alimenter l'épouse (sens analogique de ce nom déjà explicité).

Il est dit meilleur que le vin, car si le vin a sa douceur, et qu’il réjouisse le coeur de l’homme, ces agrements ne sont pas de durée, ny si avantageus comme celuy que procure le laict de la sagesse, dont elle nourrit et fortifie ses enfans , qui sont ceus des mages. Il est le vehicule de ce beaume precieus et celeste, dont l’odeur enchante et enleve vers luy sa charmante épouse.

Voilà encore qui confirme mes précédentes indications, le lait dont il est ici question est bien celui de la sagesse, celui de la pratique des vertus et de la Connaissance.

C’est ce qui fait que dans la sublimation phisique le corps est volatilisé apres sa purification et sa separation des superfluitéz adustibles.

Cette séparation des surperfluitéz adustibles s’est faitte par la calcination dans la fournaise de l’epreuve dont la chaleur n’epargne que l’incombustible, apres quoy cet incombustible vraie appette l’epoux celeste de sa nature, et en demande les baisers qu’elle savoure comme un laict plus delicieus que le vin.

Malgré le français du 17ème siècle, dans lequel j'ai souhaité conserver les écrits de Jean Vauquelin des Yvetaux, et ce pour des nécessités impérieuses à la bonne compréhension, par l'initié, des subtilités de l'enseignement de ce texte mystique, je ne peux que vous inviter à en poursuivre la lecture, l'analyse et la méditation, sa profondeur et sa richesse sont immenses, et cela concours à l'épuration et la connaissance de l'oeuvrant alchimiste.

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