Citations d'Eliphas Lévi 4

Citation d’Eliphas Lévi livre I : 6

Croire et savoir sont deux termes qui ne peuvent jamais se confondre. Je crois parce que c’est absurde, credo quia absurdum.

Citation d’Eliphas Lévi livre I : 7

Le doute est la force équilibrante de la foi et il en fait tout le mérite.

Commentaires :

Bien que j'ai déjà longuement abordé ce sujet de la Foi et de la Raison, que la citation d'Eliphas Lévi nomme : croire et savoir, je pense qu'il n'est pas inutile d'en prolonger l'étude au travers de cet extrait.

La Foi et la Raison ne peuvent jamais se confondre, car si l'une a le doute pour lui permettre de franchir les frontières qui bornent la connaissance de la Raison, cette dernière se tient fermement enclose dans les limites de ses certitudes qui servent de barreaux à sa prison. Être certain de sa Foi, sans l'ombre d'un doute, c'est en faire une certitude, qui, si elle repose sur la Raison n'a plus rien à voir avec la Foi. Si elle repose sur une Foi sans Raison, c'est alors une Foi aveugle ficelée dans la camisole d’un dogme rigide et forcément intolérant.

La Foi qui n'est pas équilibrée par la force du doute, est celle des ignorants incultes et qui plus est, infiniment vaniteux. En effet, croire en ce que le savoir ou la Raison n'admet pas, ou alors, seulement comme une hypothèse fantasque et poétique, nécessite l'activation de facultés supérieures comme l'intuition et l'imagination ; en faire une certitude sans le secours de la Raison, c'est obligatoirement imaginer que l'on est capable de percevoir sans la moindre distorsion, ni la moindre impureté, les lumières de la Divine Providence, ce qui est essentiellement un manque de discernement et un manque d'Humilité.

Sortir des territoires balisés par le savoir, pour s'aventurer dans l'immensité insondable des espaces de notre ignorance, réclame de la part de l'explorateur la pratique de nombreuses vertus, sans lesquelles son exploration ne le conduira qu'à longer les côtes visibles du savoir, ou à sombrer dans la folie que provoque la perte totale de tous repères. Je crois parce que c'est absurde, dit le célèbre adage, mais ce n'est pas pour autant que parce que c'est absurde cela m'engage à y croire... L'inspiration intuitive, et/ou l'illumination méditative conduisent à découvrir la possible existence d'une Terra incognita que la Raison ignore, ou à l'existence possible de laquelle elle se refuse ; ce n'est pas pour autant que la Foi doit renoncer à la poursuite de son exploration sous prétexte que la Raison considèrerait cette hypothèse révélée comme absurde. Elle doit construire et préparer son expédition vers cette Terra incognita avec tous les moyens que peut lui procurer la raison, en y ajoutant la force équilibrante du doute qui permet de ne jamais s'enfermer et se complaire dans des certitudes sclérosantes et aveuglantes.

La Raison, dont les principes reposent sur les lois de causalité de la sphère du Destin, a la logique pour force équilibrante. Elle fait reposer l'intégralité de son édifice sur les postulats de causes et d'effets dont elle s'efforce de suivre les traces, comme un chasseur pistant son gibier sur son terrain de chasse habituel. Et ce chasseur sera d'autant plus efficace qu'il aura en mémoire tout ce qui concerne la nature et les comportements du gibier qu'il pourchasse. Ce chasseur est sûr de son savoir, de son équipement et de sa supériorité par rapport à l'animal traqué. Il sait aussi, si cet animal est dangereux et puissant, qu'il devra faire preuve de prudence en ne s'exposant pas inutilement par bravade ou irresponsabilité. Lorsque la Raison s'avance, comme nous pouvons le constater, elle ne le fait pas au hasard, sans repère et sans prudence. Les mécanismes qui sont les siens, qui font sa force et assurent sa croissance dans la sphère qui est la sienne, sont efficaces, mais aussi extrêmement rigides. Que le chasseur soit seul sur un territoire inconnu, peuplé d'animaux dont il ignore l'importance de la taille, de la férocité, de ses moeurs, de l'intelligence de comportement, et de l'ampleur de sa population, et de chasseur qu'il était, il se retrouvera rapidement revêtu par l'angoisse d'être une proie possible, et peut être sans moyen de pouvoir s'y soustraire. La Raison tire sa force de ses certitudes, sa logique, ses mécanismes de fonctionnement causaux, mais ils sont efficaces et opérants uniquement sur un territoire balisé, connu, et avec une faune de pensées identifiées et identifiables... En dehors de ces limites, qui somme tout sont très étroites puisqu'elles ne concernent que l'espace dans lequel les sens organiques sont opérationnels, la Raison rapidement déraisonne et affabule, car la Raison sans ses repères, encore plus rapidement que ce qu'il en est pour la Foi, devient aussi délire et folie.

La Raison n'aime rien de moins que la Terra incognita, elle est invariablement hostile à ce qui pour elle est le début de l'étrange et de l'inassimilable, et pour s'en protéger elle dresse à ses frontières des remparts, qu'elle voudrait inviolables, mais qui ne sont que des artefacts qui limitent considérablement ses champs du possible.

La Foi qui connaît les limites, mais aussi les potentialités de la Raison, est seule capable de franchir ces remparts de pacotilles, pour aller se nourrir des différences et des nouveautés qui se trouvent dans ces territoires immenses et vierges de l'ignorance. Pour ne pas être aveugle, et finir par tourner en rond dans sa propre folie, la Foi utilisera les outils de la Raison, sans pour autant s'enfermer dans la rigidité des dogmes qu'elle génère sans cesse. La force du doute sera pour la Foi, le dissolvant universel qui parviendra à dissoudre les rigidités des dogmes de la Raison, comme elle parviendra à la dissolution des dogmes que construirait une Foi sans Raison.

La Foi pour parvenir à tirer profit de ses explorations devra sans cesse se dire que ce qu'elle perçoit n'est pas nécessairement ce qui est, et ce, compte tenu de la façon dont elle le perçoit et qui repose sur des facultés qui ne sont pas au maximum de leurs capacités, ce qui engendre une distorsion entre ce qui est perçu et ce qui correspond à la réalité à percevoir. Pour comprendre ce phénomène de distorsion, qu'il suffise de mettre un certain nombre personnes en face d'un phénomène, ou d'un évènement, et après qu'ils en aient pris conscience, de les interroger pour savoir ce que chacun a réellement perçu de ce qu'il croit avoir vu. Il y aura autant de versions différentes, qu'il y aura de personnes présentes, et ceci rien que dans le cadre de l'espace de la Raison, dont on vient de voir les mécanismes rigides de fonctionnement. Chaque individu apporte à sa propre vision organique soit l'éclairage, soit les parasites que contiennent son niveau de connaissance et sa faculté de discernement. Ce qui est vrai pour la Raison, l'est encore plus pour la Foi qui elle, n'a pas les mêmes procédures rigides de fonctionnement, puisque ses champs du possible son infiniment plus vastes. La Foi ne pourra explorer des espaces qu'en fonction de l'autonomie que lui procureront son patrimoine karmique et son niveau de Connaissance. Elle ne percevra qu'avec plus ou moins de clarté, ce qu'elle découvrira, et cette clarté de vision ne lui sera fournie que par la clairvoyance reposant sur une pensée juste en Vertus. Car s'il faut de nombreuses qualités pour parvenir à exploiter toutes les potentialités de la Raison dans son espace de manifestation, il faut des qualités, des facultés supérieures et la pratique des vertus pour parvenir à explorer tout ce qui se trouve au-delà des limites actuelles de la Raison humaine.

La Raison sans la Foi restera enfermée dans son espace d'insignifiance, ce qui finira par la rendre stérile, comme l'histoire de nombreuses civilisations maintenant disparues le démontre. La Raison pour survivre a besoin de progresser et de croître, c'est là l'un des principes universels que nous enseignent les Tables de la Loi du Sépher de Moïse : Croissez et multipliez-vous, car dans le cas contraire c'est la stagnation et la mort. Le seul moyen qu'a la Raison de croître, c'est celui qui consiste à recevoir ses nourritures vitales de la Foi qui part les quêter dans cet espace inaccessible à la Raison que sont l'intuition et l'illumination. Au départ ce qui est rapporté paraît absurde et inexploitable, mais au fur et à mesure que s'ajuste la vision sur la réalité de ce qui est nouvellement perçu, d'absurde, elle en devient de plus en plus raisonnable et raisonnée, pour devenir certitude ; faisant ainsi passer ce qui était du domaine de la Foi à celui de la Raison que la démarche de cette Foi est venue féconder et enrichir.

La Foi est donc l'incontournable facteur qui permet l'évolution. C'est ce qui est à la base de la perfectibilité. Cela implique une grande humilité, celle qui consiste à ne pas se croire détenteur de la Vérité Absolue au point de ne jamais accepter qu'elle soit remise en cause ; mais aussi celle de ne pas croire que nous avons nécessairement la bonne vision des choses que l'on perçoit, même si nous avons de solides raisons d'y croire. La Foi pour recevoir ces nourritures vitales essentielles au développement et à la croissance de la Conscience, doit se tourner vers ce qui est le plus capable de la nourrir, je veux parler des Lois de la Divine Providence. Elle doit croire que ces lois sont parfaites, car elles sont le don d'un Créateur qui ne peut pas être autrement que parfait, pour la bonne Raison que sans cette perfection, rien ne pourrait croître dans les proportions qui sont celles de la Création que nous pouvons observer dans son amplitude actuelle, malgré les extrêmes limitations de nos facultés inférieures et supérieures. Croire que cet ordre souverain, grandiose et sublime existe, c'est commencer à s'ouvrir à lui, et comme le dit l'adage populaire, il est difficile de trouver ce que l'on ne cherche pas, surtout si en plus nous nous situons là où il ne peut pas se trouver... Or, pour activer sa propre perfectibilité, encore faut-il croire qu'elle peut se diriger vers cette inaccessible étoile de perfection.

La Foi n'est jamais certitude, car sinon ce serait une Raison, et cette absence de certitude fait de celui qui la cultive, non pas quelqu'un d'extraordinaire, mais justement quelqu'un de parfaitement ordinaire, conscient de ses limites, de ses carences, et de ses perspectives colossales de progression et de perfectibilité. La Foi fait prendre conscience de ce qui nous dépasse tellement, sans pour autant nous écraser ou nous mépriser, puisque les Lois de la Divine Providence sont ainsi faites, que chacun, à la place qu'il occupe, doit se sentir responsable des autres, au service desquels il doit se mettre pour pouvoir s'élever et progresser lui-même. La Foi qui est équilibrée par le doute et par la Raison, ne peut donc jamais être intolérante ou sectaire ; cette Foi qui manifesterait ses limites dommageables pour elle, ne serait pas l'expression d'une Foi vertueuse, mais rigoureusement le contraire, car l'intolérance et le sectarisme reposent sur la certitude d'avoir Raison contre ceux qui ne pensent pas comme vous, et sans l'ombre d'un doute, ce n'est là que l'expression de vices dont celui de l'ignorance n'est pas des moindres.

Croire et savoir sont deux termes qui ne peuvent jamais se confondre, nous dit le bon Eliphas Lévi. En effet, la confusion de l'un par l'autre rend la Foi aveugle, et la Raison stérile, pour n'être en finalité ni l'une ni l'autre. Le savoir est la structure de la Raison, et la Connaissance celui de la Foi, lorsque les deux sont en harmonie, selon l'analogie des contraires qui est la voie du juste milieu, alors s'ouvre le chemin de l'universelle vérité, celle pour qui Tout est Vrai, puisque le contraire serait parfaitement déraisonnable.

Croire parce que c'est absurde, mais ce n'est pas parce que c'est absurde qu'il faut nécessairement y croire.

La vie uniquement raisonnée est fatalement absurde, ce n'est que la Foi qui la rend raisonnable en la rétablissant dans sa majestueuse appartenance divine...

Enfin pour conclure provisoirement cet article sur la Foi et la Raison, il me paraît important de signaler que la Foi n’est que la conséquence de l’ignorance et aussi le moyen d’en sortir, car pour celui qui sait tout, l’Omniscient, la Foi n’existe pas puisque l’harmonie du Tout repose nécessairement sur la Raison Absolue.

*

* *

Commentaires ------>