Cantique de Salomon 4

Exégèse du Cantique des cantiques de Salomon dans son aspect ésotérique et alchimique, par Jean Vauquelin des Yveteaux alchimiste normand (1651-1716)

Le Mystère occulte du Cantique des cantiques.

1.5 Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem, comme les tentes de Qédar, comme les pavillons de Salma.

Les philosophes apellent noir tout ce qui n’est point lumineus et qui cache la lumiere qu’il renferme, et l’épouse s’adresse aus filles de Jerusalem pour leur faire faire cette attention.

Jerusalem fut fondée par Melchisedec, mais la Jerusalem celeste l’a esté par le grand Prestre, que l’Ecriture dit l’estre selon son ordre. Jebus est le nom que cette ville portoit avant celuy de Salem, d’où venoit le nom de Jebuseen, que saint Jerosme dit n’avoir pû estre chassés par les Juifs. C’est la terre promise qu’il faut conquester.

Cette Jerusalem indique donc et la celeste et la sruceleste, où tous doivent estre beatifiés, située sur les montagnes avec son temple plein de la majesté de Dieu : lieu choisi par le Seigneur, affin que son nom y fust eternellement.

On ne monte point en ce lieu élevé si l’on n’est privé d’ignorance et de pechés, indiquéz par les aveugles et les boiteus qui n’y entreront point.

Faittes donc attention aus trois temples du Seigneur, dont les Juifs se vantoient d’estre en possession à Jerusalem, quand il est dit dans Jeremie : « Templum domini templum domini, templum domini est » Ce temple de Jerusalem estoit basti sur le modelle de l’arche et du tabernacle, images de celuy qui n’est point fait de main d’homme, dont l’apostre parle en disant : « Tabernaculum non manufactum etc. »Temples où la gloire de Dieu se manifeste visiblement et d’où se puise sa vertu qu’il y a déposée. Car il est auteur de la nature aussy bien que de la grace.

Les tentes de Qédar sont celles des Arabes, noires par dehors et tissues de poil de chevres mortes, brulées et roussies du soleil, exposées aus injures du temps. Cependant leurs princes logent dedans, et ils aiment à les habiter. L’epoux aime aussy autant la demeure de son epouse que si elle estoit autant superbe et éclatante que la parure et l’ornement luy mesme.

Cette epouse est noire de la fumée elementaire et mondaine, accause de la residence qu’elle y fait, et par sa propre misere dont elle est envelopée. Mais elle devient belle et purifiée par l’esprit de son epoux.

Aaron et marie sa seur mumuroient de ce que Moïse (qui parut si raisonnant de lumiere) eust pris une AEthiopienne pour femme.

La reine de Saba vint voir et s’en retourna toutte illuminée de la gloire de Salomon. Ce sont les plus grandes loüanges que l’on puisse donner à une épouse qui tire tout son lustre de son epoux, lequel par son union et ses frequentes visittes blanchit et illumine la terre vierge qui auparavant estoit sous une apparence salle, difforme, obscure et si noircie de la fumée et de l’action du feu qui l’avoit preparée.

Le feu est le soleil du philosophe, vicaire du celeste, dont l’eccitation exterieure ne laisse pas d’ecciter et animer le feu interieur de la matiere, qui est icy regardée comme l’epouse noircye au soleil duquel elle a esté esposée à decouvert dans sa plus grande ardeur.

Notre guide, Jean Vauquelin des Yveteaux, pour l’exploration ésotérique et alchimique du Cantique des cantiques de Salomon, nous donne par son analyse de ce mystérieux verset presque tout ce qu’il y a à entendre. Il attire notre attention sur ce principe de correspondance qui est un des enseignements majeurs de la Table d’Emeraude, et qui veut que ce qui est en bas soit comme ce qui est en haut, et inversement. Toujours selon le langage analogique qui est similitude sans être pour autant identité parfaite. Lors des précédents extraits sur ce sujet, j’ai eu l’occasion de signaler que l’épouse était dans ce texte ce qui est nommé Aishah dans les Tables de la Loi du Sépher de Moïse. Aishah qui est la compagne D’Adam, l’Eve originelle, n’est pas autre chose que la faculté volitive de la Conscience.

Elle est noire, comme toutes choses plongées dans l’obscurité, et cette obscurité est celle de l’ignorance qui recouvre cette faculté volitive qui est aspirée par l’attracteur cupide de la force du Destin. Être recouvert d’obscurité, au point de paraître noire, n’empêche en rien à une chose d’en conserver sa beauté intrinsèque, c’est manifestement le sens qu’il convient de donner à : Je suis noire et pourtant belle... Car il en aurait été très différemment si la formulation avait été rédigée de la façon suivante : Je suis noire et belle. L’adverbe : «pourtant», indique ici que la noirceur n’est pas un critère de beauté, mais manifestement le contraire ; et si cette noirceur n’est pas une belle chose, alors c’est qu’il s’agit bien de l’ignorance et des ténèbres qui sont son principal attribut.

Là encore, le parallèle avec les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, permet une meilleure compréhension de cet admirable texte hermétique. Dans cet Enseignement il nous est indiqué que la Conscience (Adam dans sa forme glorieuse) a la possibilité de sortir de l’état de béatitude angélique (le Jardin d’Éden), qui n’est rien d’autre qu’un inconscient collectif, pour accéder à la pleine Conscience, à la condition d’éprouver ses Connaissances en gagnant son pain à la sueur de son front, et en effectuant laborieusement, douloureusement, tous les travaux qui sont nécessaires à l’élargissement du champ de cette Conscience. Les Tables de la Loi indiquent que ce qui se différencie de l’universel, ne peut le faire qu’en manifestant une volonté. Cette volonté dans la Genèse originelle se manifeste invariablement par un acte rebelle, ( la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance), qui dans un premier temps provoquera l’ouverture d’un espace d’insignifiance, ( la chute qui suit le péché), avant de parvenir à la rédemption qui s’obtient par la sortie des ténèbres de l’ignorance, pour révéler la beauté de cette volonté parée des vertus de la sagesse et de la Connaissance, et qui devient belle comme les filles de Jérusalem (cette Jérusalem céleste qui a si peu à voir avec la Jérusalem terrestre). Dans cette Jérusalem céleste ne sont admises que des Consciences et leurs compagnes (facultés volitives) épurées des noirceurs de l’ignorance, et qui par leur rédemption recouvrent et manifestent leur beauté originelle qui n’a été que provisoirement occultée par se passage dans la sphère obscure du Destin.

Le principe de correspondance, qui veut que ce qui est en haut, se manifeste par déclinaison abâtardie dans ce qui est en bas, nous a donné une Jérusalem terrestre aussi noire, que la Jérusalem céleste est belle et lumineuse. Cette Jérusalem terrestre, plongée dans les ténèbres de la pire des ignorances, parée des vices de l’idolâtrie, du sectarisme, de la cupidité, de l’intolérance et des perversités passionnelles, -conformément aux principes des lois de la Divine Providence qui accordent à chacun selon ses mérites -, est accablée par un karma si lourd de meurtres, de tueries, de barbarismes, de sauvageries, de cupidité et d’inhumanité qu’elle est la polarité inversée de la Jérusalem céleste, et qu’elle doit aujourd’hui encore, et après tant de siècles de souffrances et de misères, supporter le triste sort de la complexion noire et vicieuse de ceux qui s’en réclament.

Il y a d’ailleurs une incommensurable vanité humaine dans cette constante volonté, pervertie par l’ignorance, et qui se manifeste par un désir de s’approprier cupidement les pouvoirs des divinités supérieures, pour tenter d’en usurper l’autorité à des fins sordides. La chute d’Adam pour cause de péché originel de se croire divin avant que d’avoir fait ce qu’il fallait pour mériter de l’être, se reproduit invariablement comme étant un passage obligé à toute forme d’évolution. L’histoire symbolique de la tour de Babel, n’enseigne d’ailleurs pas autre chose. Lorsque la Jérusalem terrestre, par une très longue rédemption qui n’a hélas pas encore commencé, sortira de la noirceur des ténèbres de son ignorance, elle ne sera plus localisée dans un endroit géographique ridiculement étriqué et misérable, mais notre planète sera dans son intégralité cette Jérusalem terrestre... Compte tenu de l’étroitesse d’ouverture d’esprit des cavernicoles velus, braillards, intolérants, violents, cruels et féroces, qui s’en prétendent les gardiens, alors qu’ils n’en sont que les profanateurs, n’espérez pas la venue de cette Jérusalem belle comme le jour, avant une ère géologique aujourd’hui inconnue.

Retenons de ce verset, si bellement éclairé par les commentaires de notre alchimiste normand, Jean Vauquelin seigneur des Yveteaux, que le noir, cette oeuvre alchimique indispensable à la réalisation de la Pierre Philosophale, est ce qui recouvre l’épouse lorsqu’elle est dans l’obscurité de l’ignorance, mais que ce noir, qui n’est pas une vertu, est aussi un passage obligé pour permettre à cette épouse, lorsqu’elle en sortira, de révéler sa beauté à son époux afin que puisse se célébrer les noces alchimiques de leur nouvelle union. Mais nous en sommes encore loin, pour l’instant l’épouse s’adresse aux filles de Jérusalem, sans pour autant en faire partie. Cette invocation aux filles de Jérusalem, doit être entendue comme la méditation spirituelle d’une faculté volitive plongée dans les ténèbres du Destin, et qui se tourne vers les lumières de la Divine Providence pour s’ouvrir à elles...

Il n’y a pas de rédemption sans repentir sincère, et ce repentir ne se manifeste pas vis-à-vis des autres, mais d’abord et avant tout, vis-à-vis de sa propre Conscience.

*

* *

Commentaires ------>