La Voix du Silence 5

Car :

Lorsqu’à lui-même sa forme paraîtra non réelle, comme au réveil paraissent les formes vues en rêve ;

Lorsqu’il aura cessé d’entendre l’UNIQUE, le son intérieur qui tue l’extérieur.

Alors, et alors seulement, il abandonnera la région d’Asat, le faux, pour entrer dans le royaume de Sat, le vrai.

Commentaires :

Lorsque l'on parvient au seuil des plus grands mystères de la création, ce qui ne peut pas se faire par une vision hétérogène, mais par la vision qui s'ouvre sur l'universalité des choses, tous ceux qui accèdent à cette perception extrasensorielle ne peuvent que percevoir la même chose. La seule différence de perception résidant dans les impuretés culturelles qui seront conservées par ces observateurs, et à ce niveau elles sont nécessairement minimes. J'en veux pour preuve, la comparaison de cet extrait du livre: la Voix du silence, vision d'une tradition orientale, avec ce passage des sublimes Tablettes de Thoth qui est la vision d'une même chose exprimée selon la tradition occidentale :

Les SEPT se sont adressés ainsi à moi :

“Homme, nous venons de loin, très loin au-delà du temps. Nous avons voyagé au-delà de l'ESPACE-TEMPS là où se trouve l'origine de la fin infinie. Avant que toi et tes frères n'ayez pris forme, nous étions déjà formés dans l'ordre du TOUT. Nous ne sommes pas des hommes et pourtant nous fument aussi des hommes. Nous provenons directement du vide originel, avec Ordre et selon la LOI. Maintenant tu sais que la forme est sans forme. La forme n'existe que pour les yeux.”

La méditation à laquelle nous invite l'extrait de la Voix du silence, est d'une extrême subtilité tout en étant d'une redoutable puissance. L'âme-de-vie a cette Faculté sublime de pouvoir s'identifier, à ce vers quoi elle aspire. Là encore, nous retrouvons la pertinence de l'axiome des Tablettes de Thoth qui dit : l'homme ne devient que ce qu'il pense. La Conscience s'identifie toujours à ce qu'elle croit être, et cette identification déclenche le magnétisme puissant de l'attracteur cupide, comme nous l'enseignent les Tables de la Loi du Sépher de Moïse au travers du symbole de Nahash, cette force animale qui fait s'attirer une Conscience avec la forme qui correspond à ce qu'elle croit être. Tant que cette Conscience s'identifiera à cette forme elle en sera tributaire et prisonnière. Cette forme constituera la personnalité de cette Conscience au point que la force attractive de l'ego de cette forme emprisonnera la faculté volitive de la Conscience en lui laissant croire qu'elle et la forme ne sont qu'une seule et même entité. Ce pouvoir d'identification de la Conscience est si puissant qu'il agit chaque fois que l'occasion lui en est donnée. C'est le cas pour le rêve, comme l'indique cet extrait, mais c'est aussi le cas dans la vie de la forme qui s'identifie à un groupe, une race, un sexe, un pays, une religion, une appartenance politique, culturelle, sociale, etc... La très importante révélation que nous apporte ce passage de la Voix du silence, c'est que la Conscience, par ce pouvoir puissant d'identification à ce qu'elle pense, a aussi la faculté de devenir la forme qui correspond à cette pensée. Lorsque je dis pensée, je devrais plutôt dire un corpus de pensées, car, si comme le disait si bien Bulwer Lytton : la pensée est une âme, cette âme est un élément qui viendra, par identification, rejoindre un groupe qui lui sera proche et avec lesquelles elle finira par faire corps au sens ésotérique, comme exotérique. Ceci nous renvoie à l'article précédent concernant les Nombres sacrés, et la géométrie que génère chacun d'eux, mais aussi lorsqu'ils s'associent entre eux.

Il découle de l'indication subtile que nous donne cet extrait qui sert à notre présente étude, que la pensée qui n'est pas autre chose qu'un assemblage de puissances (Nombres sacrés) correspondant nécessairement à une forme dans la sphère de manifestation ; et qu'un rassemblement de pensées au sein d'une même Conscience, correspondra à un corps (forme géométrique) plus ou moins complexe avec lequel elle s'identifiera au point de croire que l'une et l'autre ne sont qu'une seule chose. Nous pouvons constater ce phénomène, sur le plan de l'incarnation terrestre, lorsqu'un enfant est éduqué dans un environnement donné, il finit par s'identifier à cet environnement au point de ne plus parvenir à s'en détacher à l'âge adulte, ou alors que très difficilement. La symbiose naturelle que fait la Conscience avec la forme qui lui correspond le mieux est si puissante, que pour pouvoir s'en libérer, cette Conscience devra puissamment activer sa faculté volitive d'une part ; et d'autre part, être capable d'élargir son champ de Conscience, par l'agrégation de nouvelles pensées pour parvenir à se différencier et s'affranchir de la forme qui l'asservit à la domination de son ego sensoriel. Voilà pourquoi la première des Vertus Cardinale que doit pratiquer la faculté volitive, est la Force. Car si la Force de l'attracteur cupide est extrêmement puissante, celle qui doit libérer la Conscience de sa domination, doit l'être beaucoup plus. L'ignorance qui est à l'origine de la chute d'Adam a pour rédemption le repentir de la Connaissance, de l'effort, du courage et de la volonté. Son libre arbitre est à l'origine de sa chute, sa libération ne pourra donc venir que de lui-même.

Sortir de la domination de la forme, et donc de l'asservissement des facultés sensorielles qui engendrent les asservissements des désirs passionnels et émotionnels, ne peut se faire que par une prise de Conscience des natures différentes qui constituent l'âme-de-vie et la forme manifestée. Cela implique une élévation du champ de Conscience qui passe nécessairement par l'accroissement du niveau de Connaissance. Connaissance qui consistera en une accumulation de pensées dont la justesse et l'amplitude permettront soit d'accéder à une forme plus complexe, principe d'évolution lente de la Nature ; soit à se libérer de cette évolution inter-espèces, en parvenant à se libérer des contraintes de la roue des réincarnations, mais pour cela il faut que la Conscience parvienne à la maîtrise du sans forme, comme l'explique admirablement l'extrait des Tablettes de Thoth ci-dessus.

La forme est une nécessité qui permet à la Conscience d'éprouver et d'élargir ses Connaissances, c'est la fameuse traversée du jardin du "Bien" et du "Mal", qui sont les fruits de l'arbre de la connaissance, qui font devenir celui qui les consomme, comme Lui-les-Dieux. Et cette accession à ce statut divin, la forme glorieuse d'Adam avant la chute, implique que la Conscience ait repris en main le sceptre de son pouvoir, après le rude combat qu'elle doit mener sur le champ de bataille des incarnations successives, contre les usurpateurs du trône des vertus, comme le conte si subtilement la Bhagavad Gita. Pour parvenir à se libérer de la domination de la forme, il faut un réveil de la Conscience afin qu'elle parvienne à discerner le réel (l'intemporel) de l'irréel (le temporel). Cet irréel qui s'impose à la Conscience comme étant l'illusion d'une réalité à laquelle elle s'identifie, n'est rien d'autre qu'un état de somnambulisme qui lui fait prendre des vessies pour des lanternes.

Lorsqu’il aura cessé d’entendre l’UNIQUE, le son intérieur qui tue l’extérieur... Par cette indication, la Voix du silence nous signale que l'UNIQUE, qui tue le son extérieur, n'est pas autre chose que les gesticulations braillardes de l'ego, dont la principale mission qu'il doit remplir pour assurer sa survie, est celle qui consiste à ne jamais permettre à la Conscience qui anime sa forme, d'entendre ce parleur silencieux qui lui murmure sans cesse à l'oreille qu'elle n'est pas de naissance roturière, mais royale, contrairement à ce que lui rabâche l'ego, ce maire du palais qui occupe le trône du pouvoir tant que le Roi n'est pas en mesure (manque de force et de connaissance) de l'y chasser. Savoir cesser d'entendre l'Unique, sous une forme d'une simplicité presque infantile, cette formulation cache pourtant une richesse initiatique d'une grande conséquence. Cela implique obligatoirement pour la Conscience de s'affranchir des sens organiques qui sont les organes et facultés de la forme, pour se réapproprier ses sens supérieurs qui sont les seuls capables de la libérer de l'état de servitude de sa condition animale égotique. Savoir cesser d'entendre l'Unique est du même ordre d'idée que ce qu'indique la Table d'Émeraude dans sa sentence : tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais doucement, avec grande industrie. Car si l'ego de la forme est braillard (épais), combien est subtil le son extérieur celui de la clairaudience que doit activer la Conscience en éveil.

Pour sortir de l'asservissement de la forme, il faut aussi parvenir à ne plus constituer un corpus de pensées qui condamnerait la Conscience qui s'identifierait à lui, à sombrer dans la forme à laquelle il correspondrait. Pour y parvenir il faut donc que ce corpus soit composé de pensées justes en vertus, qui sont les seules qui offrent cette faculté à la Conscience de pouvoir être dans sa forme glorieuse, c'est-à-dire affranchie de l'irréelle sphère des manifestations temporelles, pour se hisser dans l'intemporel Éternel Moment Présent, celui de l'universel. Faire en sorte que chacune de nos pensées soit la plus proche qu'il soit possible de l'universel, est le très long et laborieux exercice que nous devons pratiquer pour sortir de la région d'Asat. Car, et c'est encore une précieuse indication que nous donne cet extrait de la Voix du silence, la matière première (Prima Materia) sur laquelle nous devons travailler n'est rien d'autre que cette chose qui peut être soit terriblement épaisse ou infiniment subtile, et qui est la pensée. Ceci nous ramène inéluctablement à cette admirable loi de Maât :

Juste de pensée, juste de parole, juste d'action et trop de Maât n'est plus Maât.

Dans la mythologie égyptienne, Maât était la déesse de l'ordre, de l'équilibre du monde, de l'équité, de la paix, de la vérité et de la justice ; autant de vertus qui se retrouvent concentrées dans sa célèbre loi, et que je traduis sans cesse par la formule : une pensée juste en vertus, ce fil rouge qui accompagne tous les articles dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, est la condition essentielle pour parvenir à constituer le corpus d'une Conscience affranchie de la forme.

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