La Chrysopée analyse 2

La Chrysopée du Seigneur analyse et commentaires

Ainsi donc, on peut admettre que l’Ame envahie par un Vice quelconque (manifestation d’un Principe intelligent et conscient de sa perversité), se trouve aussitôt en butte aux autres vices, que le premier qui força la place appelle aussitôt à l’aide, afin de conserver le fort qu’il vient d’emporter.

Commentaires :

Concernant l'âme envahie par un Vice, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors du précédent article sur ce sujet, le Vice ne peut envahir une âme-de-vie qu'à la condition que celle-ci, selon son libre arbitre, n'utilise pas sa faculté volitive, et que l'indolence, l’ignorance et la paresse soient ses guides.

Lorsque la Volonté n'est pas le maître du royaume de l'âme-de-vie, alors, comme la Nature a horreur du vide et de la vacance des pouvoirs, les maires du palais s'emparent du sceptre et règnent à la place du Roi qui démérite.

Certains pourraient dire que le Roi qui n'est pas conscient de sa souveraineté n'est pas nécessairement en état de Vice, en laissant vacant son pouvoir royal. Mais à ceux-là, qu'il me soit permis de répondre que l'ignorance, qui est le premier des péchés hermétique, par ordre d'importance, n'est pas une circonstance atténuante, mais bien au contraire aggravante. Il en est d'ailleurs ainsi pour tous les actes d'un individu tout au long de sa vie.

Notons au passage que le Vice ne s'installe dans la place que lorsqu'il y a faiblesse, et que cette faiblesse, dont la paresse est la plus grande des manifestations, sera habilement entretenue par le Vice ou les Vices usurpateurs du trône, dans le dessein bien compris de se maintenir le plus longtemps dans la place. C'est pour cette raison que le Vice génère une véritable addiction à sa présence, qui est pour lui sa meilleure assurance de survie en tant que squatter.

Le Vice, qui bien que soucieux de se maintenir dans la place en occupant le plus de pouvoirs, sait aussi qu'il augmentera considérablement ses chances d'y parvenir, s'il se renforce avec la compagnie d'autres Vices, quitte à partager ces pouvoirs. C'est en général pour cette raison qu'il est très rare qu'un Vice soit seul dans les lieux, et qu'il y a toujours de nombreux larrons en foire...

N'allons pas pour autant nous imaginer qu'il y aurait des individus infectés par les Vices et d'autres qui ne le seraient pas ; ce manichéisme serait en soi un simplisme ignorant et vicieux. Les maires du palais, avant de prendre le pouvoir, étaient d"habiles serviteurs de la royauté, et avaient donc une utilité indiscutable. Combattre ses Vices ne consiste pas à les éradiquer de l'âme-de-vie, ou alors cela voudrait dire que le libre arbitre n'a plus de champs possibles et que le bras droit doit se séparer du bras gauche, mais bien davantage à apprendre à les dompter pour qu'ils se mettent au service du seul souverain légitime, qui reprenant d'une main ferme le sceptre de son pouvoir, remonte sur le trône et décide de régner. Mais ceci fera l'objet d'une approche ultérieure infiniment subtile et complexe.

Nous avons vu dans la précédente chronique intermédiaire, que la pensée juste était une chose infiniment délicate à maîtriser. Ne pas parvenir à la maîtriser ou/et ne rien faire pour y parvenir, c'est déjà ouvrir grand les deux battants du portail du fort aux agresseurs extérieurs. Le Vice, comme l'intelligence, est affaire de degré. Le Vice n'est pas une chose monolithique qui est ou n'est pas. Il est une coloration qui a des nuances qui vont de la teinte pastel à la teinte la plus sombre en passant par une palette infiniment variée. Une pensée parfaitement juste est donc incontestablement une Vertu, mais moins elle est juste plus elle se colore d'une teinte vicieuse. Ceci permet de comprendre que la volonté qui manifeste le désir d'atteindre une pensée juste, devra d'abord s'affranchir des irisations vicieuses qui la teintent.

Le Vice n'est donc pas uniquement cette perversion flagrante, grossière et rustique que nous avons l'habitude d'identifier de façon épaisse et primaire comme tel. Cette perversion grossière n'est que la conséquence d'une dégradation nuancée qui s'est préalablement manifestée dans la perception de pensées de moins en moins subtiles, de plus en plus lourdes, et de teinte de plus en plus sombre, pour finir dans le noir de l'ignorance et de l'asservissement au Vice caractérisé. Le maire du palais ne prend le pouvoir que lorsqu'il constate que l'affaiblissement du pouvoir royal est tel qu'il suffit de peu de chose pour en usurper le trône.

Comme le démontrera la suite de cette admirable Chrysopée du Seigneur du bon Raymond Lulle, la Loi de Maât, est un fondement essentiel de la pratique spirituelle la plus élevée qui soit. Le Vice s'introduit dans le fort (la Conscience) d'abord par ce cheval de Troie qu'est la pensée. Moins cette pensée sera juste, plus elle entraînera l'âme-de-vie vers des paroles et des actions vicieuses.

Nous venons de voir que le Vice n'aime pas la solitude et qu'il fait appel à ses semblables pour venir le soutenir. Ceci vaut pour ce qui est de nos propres pensées, mais vaut aussi pour les pensées extérieures que nous acceptons de recevoir. Ainsi, par un moyen très simple, il est possible d'identifier ses vrais amis des faux, ceux qui vous veulent réellement du bien de ceux qui ne vous en veulent absolument pas. Lorsqu'une personne vous conseille et vous encourage à poursuivre dans vos faiblesses et vos vices, ou même participe avec vous à leurs manifestations, il n'est pas besoin d'être un grand initié pour identifier un serviteur du Vice travesti en ami (e) ou en conseiller faussement sincère et désintéressé.

Il en est de même de la part de parents, qui par lâcheté ou faiblesse, les deux sont en général indissociables, pour ne pas faire de peine ou froisser leurs enfants, dans l'espoir d'avoir des relations de copinage avec eux, démissionnent de leur rôle de guides et d'instructeurs.

Que dire de ces enseignants d'une Éducation nationale, si mal nommée, qui se complaisent, par le refus de la sélection ou de vouloir noter correctement le travail de leurs élèves, sous prétexte d'un égalitarisme réducteur, à cultiver chez ces élèves des pensées si injustes qu'elles sont déconnectées des réalités qu'ils devront pourtant nécessairement affronter ; mais ils devront le faire sans les pensées justes qui leur donneraient le moyen de les assimiler sans douleur.

Cette notion du Vice qui investit l'âme-de-vie doit, pour être subtilement comprise, être étendue à tout ce qui façonne les pensées, et ne pas être attribuée uniquement à une forme de manifestation, mais à toutes. Il y a du Vice partout, et il y a la potentialité de Vice en tout. En prendre conscience d'une façon subtile est le travail incessant de l'oeuvrant dans sa quête de pensées justes.

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