Pierre Colon, le bandit de Folx-les-Caves
III Pierre COLON[1], avait épousé à Hoegaarden le 27 août 1749 Marie TIRION (ou Thirion) [2]. Elle était vraisemblablement la fille de Pierre Tirion et de Marie del Boum. Ces derniers s'étaient mariés [3] à Bruxelles à l'église de la Chapelle. Quand on voulut baptiser leur fille Marie, à Hoegaarden, il apparut que leur mariage était "malicieux" et invalide, car ils étaient consanguins aux second et troisième degrés, c.-à-d. qu'ils avaient un ancêtre commun qui était grand-père de l'un et arrière-grand-père de l'autre. Marie fut baptisée "sous condition". Le curé dut "supplier" pour qu'on leur accorde une dispense apostolique [4] qui fut accordée le 22 novembre 1729. Ils purent se remarier le 15 janvier 1730. Le même jour, on officialisa le baptême de leur fille. Sous l'Ancien Régime, l'Église ne badinait pas avec la légitimité du mariage.
Sa légende indique que Pierre se cacha une partie de sa vie; il n'empêche que le couple eut neuf enfants baptisés à Folx-les-Caves d'avril 1751 à septembre 1768.
Le 19 avril 1750, devant le notaire J.J. Motoulle à Orp-le-Grand, François Collon, présentement résident au Cloitre de Lens St Remy, transporte à Pierre Collon et son épouse une maison avec autres bâtiments, jardin et ahaniére [5] proche des caves et une autre terre proche de la Croix de Chaudé.
En échange, François reçoit "un capital de rente annuelle de trois cent florins qu'ils (Pierre Collon et Marie Tirion) ont le droit de lever à charge de Guillaume Creytens dont les intérêts sont a quatre par cent". Cette rente est contrepannée (garantie) par une maison et jardin située à Hoegaarden. Hoegaarden étant la commune natale de Marie Tirion, il est à parier que cette rente provient d'elle.
L'acte se termine en indiquant que "la veuve Henry Collon profitera des dépouilles (revenus) des biens dudit François tant seulement cette année". Ceci indique que le bien cédé provient de Henry Colon.
A la fin de cet acte apparaissent les marques de François et Pierre Colon et la signature de Marie Tirion.
La qualité de la signature de Marie Tirion indique que pour elle, l'écriture est difficile. Mais cela n'est pas mal, à une époque où la majorité de la population était illettrée et signait par des marques, généralement une croix, comme Pierre et François Collon.
Le 22 décembre 1750 [1], François Colon estime avoir été lésé dans l'acte d'échange précédent. Son neveu Pierre lui accorde un supplément de 300 florins.
Le 11 mars 1751, le couple Pierre Colon et Marie Tirion, habitant Folx-les-Caves vend aux frères et sœur De Lorge deux terrains, l'un de soixante-six verges petites, l'autre d'un demi bonnier et 34 verges petites. Ces terrains sont situés à la campagne d'Hottomont. Ils proviennent d'un partage le 2 mars 1751 avec les héritiers de Jacque Monez, fait devant le géomètre Jérôme de Chentinne. Le prix est fixé à 350 florins.
Un épisode de 1752 [2], nous éclaire sur les relations du couple Pierre Colon et Marie Tirion avec la justice de Folx-les-Caves. En 1751, le couple avait loué la maison de Joseph Chaltin, pour un loyer annuel de 24 florins. Un an plus tard, Chaltin, ne voyant pas venir son argent, demande aux échevins de visiter ledit couple. Ils se font accompagner du sergent et de deux drossarts [3]. Le fait qu'ils se soient fait escorter pourrait indiquer qu'ils avaient été mal reçus lors d'une visite précédente. Ils sont reçus par Marie Tirion, Pierre Colon étant absent à Tirlemont. Elle leur sert du brandevin [4]. Puis, ils commencent à se disputer. Les drossarts jettent les meubles à la rue et chassent violemment Marie Tirion et son enfant de 14 mois. Dans la plainte qu'il adressera au Conseil de Brabant, Pierre Collon indique:
"Qu'après ils eurent accablé d'injures atroces l'épouse du Remontrant et bien bu du brandevin, lesdits drossarts dirent qu'elle devoit sortir de sa maison en se servant à faux de l'authorité Royale par un par le Roy.
Que la dite épouse leur ayant dit qu'elle ne connoissoit aucune cause pour devoir ainsy sortir de sa maison les dits remontrants et autres ont pris les meubles, et les ont jettés sur la rue… La dite épouse du remontrant ayant perdu par tel excès sa Croix d'or, pendants d'oreille d'or, six pièces aux Couronne, une bouteille de brandevin, qui n'étoit cependant pas pleine, et d'autres choses qu'elle ne pouroit encor scavoir presentement. Les excès furent portés si loing qu'il ordonnerent a ladite femme du Remontrant de mettre son enfant agé de quatorze mois sur le rue, en termes, foutés moy cet enfant a la porte, ce quelle a dû faire sur le champ."
A son retour, Pierre Colon fait intenter au Souverain Conseil [5] de Brabant un procès contre Joseph Chaltin de Jauche et trois échevins de Folx-les-Caves. Il demande que Joseph Chaltin et les échevins soient condamnés à payer pour amende une somme de cent pistoles, la moitié aux pauvres de Jauche, l'autre moitié à ceux de "Fooz le Cave".
[1] AELLN, GSN 441.[2] AEBXL , Conseil de Brabant Procès 559.[3] Drossart : officier de police.[4] Brandevin : eau-de-vie de vin.[5] Le Conseil de Brabant est une juridiction supérieure à la justice locale qui est exercée par échevins du lieu pour le compte du seigneur. Elle siégeait à Bruxelles à l'Hôtel de Ville.