Les propriétaires 8

V Les Paheau


Les Paheau sont une famille originaire de Crehen, village près d’Hannut. On en connaît deux branches l’une noble dont les membres furent seigneurs de Grand-Hallet, Petit-Hallet et Thisnes, l’autre de notables dans la région autour de Jauche [1].

[1] M. De Ro, Une attestation des échevins de Bruxelles au conseil provincial de Namur en 1606, Les lignages de Bruxelles, 2017, n°178, pp. 1-10.

François PAHEAU faisait partie de la branche de notables. Le plus vieux registre de baptême de Folx-les-Caves l’y fait naître en 1612, fils de Henry. Le nom de la mère n’est pas indiqué dans l’acte de baptême. Toutefois, dans un acte daté de 1650 [1], les héritiers de feu Henry Payheau et Magriet Hertekeyse sont nommés : ce sont Franchois et Henry Payheau leurs fils et Jenne et Margariet. Ces prénoms correspondent à ceux des enfants de Henry Paheau baptisé à Folx-les-Caves : François Pahieau 14-3-1612, Henry 12-2-1618, Jenne 13-4-1620 et Marguerite mars 1629.

Les signatures de François et Henry Paheau, au bas de cet acte, correspondent à celle de François Paheau, bourgmestre de Namur et Henry Paheau, greffier d’Orp-le-Grand (1658).

François Paheau est un personnage sortant de l’ordinaire. Sa vie est fortement liée à celle de Namur, dont il fut nommé bourgeois en 1640, bourgmestre [2] de 1652 à 1655, gentilhomme de l’artillerie du château en 1677, receveur des aides de la banlieue ; au comté de Namur, il fut maître des ouvrages de charpenterie de Sa Majesté, et contrôleur et greffier du bailliage des bois [3] du comté de Namur de 1660 à 1675.

François Paheau n’est pas le frère de Gérard de Paheau, seigneur de Thisnes et de Grand-Hallet, comme l’indique H. de Radigues [4]. Lors d’un procès héraldique [5] en 1673 contre Robert Florent Paheau, fils de notre François, il est fait mention d’une dispute, entre Gérard de Paheau et François Paheau, réglée par un acte du notaire de Loyers de 1641, par lequel Gérard reconnaît François comme cousin éloigné, « sorty de la maison de Crehen et parent au sixième degré ».

François avait épousé Anne de LINCHAMPS, baptisée en 1626 à Noville-les-Bois. Les tables des registres paroissiaux [6] de l’église Saint-Jean-l’Évangéliste à Namur indiquent qu’ils ont 9 enfants baptisés entre mai 1646 et février 1667. Ceci indiquerait que leur mariage aurait probablement eu lieu en 1645.

De ces neuf enfants, retenons Robert Florent de PAHEAU de SAINT MARTIN [7], et Albert de PAHEAU de VERGELO. Remarquons que ces Paheau ont complété leur nom par une particule et rajouté un nom de lieu. En fait, la famille cherche à se faire passer pour noble.

Commençons par Robert Florent de PAHEAU, baptisé en 1649 à Namur, décédé avant mai 1712. Il avait fait ses études à l’université de Louvain (inscription en 1666) et était avocat au conseil provincial de Namur.

Le 31 mai 1679, il achète, au marquis de Bournonville, les cens seigneuriaux de Villeret, Saint-Martin et Fayal pour la somme de 1000 écus, qu’apparemment il ne paya pas. En avril 1688, le marquis de Bournonville transporte sa dette à Nicolas François Pellisonnier. Les archives sont pleines de recours de Pellisonnier contre Florent Robert et sa famille en vue de récupérer cette dette. Le Souverain bailliage du comté de Namur s’en mêla, réclamant les deniers féodaux [8] : nouveaux recours aux huissiers. Finalement, Robert Florent Paheau décède. La seigneurie est enfin saisie par Pellisonnier qui s’empresse de relever le fief et d’en payer les deniers seigneuriaux. Malgré tous ces problèmes, Robert Florent se targue de son titre. En 1683, lors de son mariage à Furnes avec Maria Cornelia DEPOURS, il est appelé « seigneur de Saint-Martin ». En 1688, nous le voyons échevin de Namur sous le nom de Paheau de Saint-Martin. Ce ne fut pas la seule fois que les ambitions nobiliaires de Robert-Florent de Paheau lui attirèrent des ennuis. En 1683 [9], il est condamné par le Conseil Provincial de Namur à une amende de 50 florins, pour port public de l’épée. Ce port est réservé aux membres de la noblesse.

 

Quant à Albert PAHEAU, né en 1654 à Namur, il se fait appeler « de PAHEAU de VERGELO ». Il était brigadier de cavalerie dans les troupes du prince de Liège. Son épouse [10] Anne-Thérèse de VOS [11] avait acheté le 10 janvier 1678 un fief, relevant de la cour féodale du bourg de Furnes, appelé la cour de Vergeloo située à Westvleteren. Elle n’en resta pas longtemps propriétaire, car Jacques de Haeuw en fit retrait le 12 avril 1687. Cette Anne-Thérèse de Vos joue un rôle primordial dans l’histoire de la ferme Vlemincx de Folx-les-Caves. Nous avons vu que c’est elle qui l’acheta en 1699 aux héritiers de la Bawette. C’est suite aux manigances de ses deux beaux-fils Ernest de Glymes et Guillaume Malfait que la ferme fut vendue à Boucqueau.

 

Nous avons vu que François Paheau, ex-bourgmestre de Namur, et son épouse Anne de Linchamps avaient acheté en 1665 la part des terres de la cense de la Bawette aux héritiers de Charles et Isabelle Havens. Les registres de baux du chapitre de Saint-Denis nous apprennent qu’en 1666, ils louent pour une durée de 6 ans, toutes leurs terres appartenant au chapitre « gisantes au lieu de Folz en Braibant contenant trente ung bonniers et trois verges grandes et diex huict petites ». Ce bail est renouvelé en 1672 et en 1678 par sa veuve après le décès de François Paheau. En 1685 [12], ces terres seront louées à Philippe Mathy, dont les descendants les rachèteront en 1795 [13] au chapitre Saint-Denis.

 

En 1675, ils font un testament conjonctif [14], outre des legs divers, ils lèguent à leur fils aîné Robert Paheau « certain fief scitué au village de Folx en Brabant relevant du Sr Marquis d’Aspe [15], lequel est en coulture et prairies de la Bawettes ». J’ignore ce qu’est devenu ce fief.

Le 11 novembre 1699, Anne Thérèse de Vos, « vefve et douairiere du Sr Albert de Paheau en son vivant [16] brigadier de Cavaillerie des troupes de S.A. le Prince de Liege » avait acheté la ferme aux héritiers de la Bawette. Elle était originaire des environs de Nieuport et avait probablement rencontré son mari militaire casernant dans les environs.

Le recensement de 1709 nous apprend qu’elle vit à Folx-les Caves avec ses filles Catherine et Thérèse et leur servante Françoise Wilmar. En février 1713 [17], elle déclare les biens à Folx-les-Caves pour lesquels elle paie le cens au Chapitre Saint-Denis.

 

Les deux filles, qui vivaient avec elle en 1709 à Folx-les-Caves, héritent, en copropriété, de la ferme. Ce sont :

Anne Thérèse de PAHEAU (° Liège 1696, †Thisnes 1752) qui épousa en 1731, à Thisnes, le comte Ernest Joseph de GLYMES de HOLLEBEKE (°Jodoigne 1708, †Tienen 1769). À cette époque, les de Glymes ont de gros problèmes financiers liés à des conflits familiaux [18].

Catherine Robertine de PAHEAU (° Liège 1699, †1752 Bruxelles), qui épousa en 1731 à Folx-les-Caves, Philippe Guillaume Malfait (°1701 Morlanwelz, †1783 Bruxelles).

 

En 1728 [19], Catherine Robertine de Paheau cède à sa sœur Anne Thérèse sa part de la cense Vlemincx, et ce en échange des droits et prétentions qu’Anne Thérèse avait sur la seigneurie de Saint-Martin, Villeret et Fayal [20]. Elles ne partagent pas les biens qu’elles ont en Flandre [21].

 

Les deux sœurs ne devaient pas beaucoup s’entendre. En 1730, Catherine Robertine de Paheau intente, devant le Conseil de Brabant, un procès contre sa sœur Anne Thérèse. Ce procès concernait un héritage reçu de leur tante Catherine Paheau (°Namur 1664, †Thisnes 1728). En 1731, leurs deux maris : Philippe Guillaume Malfait résidant à Perwez et Ernest Joseph comte de Glymes résidant à Thisnes trouvent un arrangement. Anne Thérèse et son mari acceptent les conditions du testament de la tante ; ils s’engagent à payer une rente de 100 florins au couple Catherine Robertine - Malfait. En échange de quoi, la donation de la moitié de la cense de Folx est confirmée. De plus, Catherine Robertine cède ses droits sur une cense à Oostdunkerque près de Nieuport et une maison dite « le Lion rouge » à Nieuport. Ces droits provenaient d’un partage fait par leur mère (partage que je n’ai pas retrouvé). En 1740, Guillaume Malfait rembourse à Ernest de Glymes le capital de cette rente de 100 florins, soit 1600 florins [22].

 

En 1743 [23], le Comte de Glymes vend, au nom de sa femme Anne Thérèse, la cense de Folx à leur fermier Lambert RUELLE (°1718-†1814) pour la somme de 13 588 florins.

Ce Lambert Ruelle fait partie d’une riche famille de censiers de Grand-Hallet [24] et environs. Celle-ci exploite, entre autres, la cense du château de Seron [25] à Forville.

Il rétrocède la cense le 9 octobre 1747 [26] et promet de la remettre à la mi-mai 1748. Peu avant la remise, il fait vendre aux enchères le 29 avril 1748 [27], les chevaux, vaches, moutons, cochons, chariots, échelles, etc.

 

Peu après le 24 octobre 1747 [28], le comte de Glymes et son épouse Thérèse de Paheau, vendent la cense à Henry DU MOULIN [29] d’Orp-le-Grand.


[1] NGB 13363, Loesen Guillaume, notaire à Leuven de 1614 à 1668.

[2] La fonction de « bourgmestre » à Namur n’avait le sens que nous lui donnons actuellement. Il s’agissait d’administrateur de biens publics. Lisez à ce sujet :  St. Bormans,  mleagistrat de Namur, Annales de la société archéologise de Namur, t. 14, p.389.

[3] C. Henin, Les pouvoirs politiques de comté de Namur, AGR, 2013, p. 387

[4] H. de Radigues, Les échevins de Namur, Annales de la société archéologique de Namur, t. 25, 1905, p. 372.

[5] AEN, Conseil provincial de Namur Procès, 1673, anc. N° 1795.

[6] Les registres paroissiaux de l’ancien régime de Namur furent détruits lors de l’incendie de l’hôtel de ville en août 1914. Certains fragments en purent être restaurés. La trace principale qui nous en reste est dans les tables établies au XIXe siècle, toutes imparfaites qu’elles soient.

[7] Inscrit à l’université de Louvain en 1666,

[8] AEN, Souverain Baillage, dossier 426.

[9] AEN, Conseil provincial de Namur Procès, 167, ancien n° 1795.

[10] Je n’ai pas retrouvé leur acte de mariage, mais leur premier enfant connu étant né à Thisnes en avril 1685, la date de leur mariage est antérieure à 1685.

[11] L. Gilliodts-Van Severen, Coutumes des pays et comté de Flandre, Quartier de Furnes,1897 t. 4, p. 294

[12] AELg, Archives du chapitre Saint-Denis, n° 18, Baux.

[13] AELLN, GSN 441 Folx-les-Caves.

[14] AEN, Archives judicaires du conseil de Namur, Archives de la Cour n° 256, 1er juillet 1675,

[15] En 1675, le seigneur de Folx-les Caves est Guillaume de Coterau, marquis d’Asse, baron de Jauche. Il avait acheté la seigneurie de Folx-les-Caves en 1648.

[16] AELLN, GSN n°6, Jauche, Juridiction gracieuse, Œuvres de loi, 31 octobre 1731.

[17] AELg, Archives du chapitre Saint-Denis, n° 482, Biens à Folx stock 1712.

[18] J. Tordoir, L’héritage des comtes de Glymes, vicomte de Jodoigne, Jodoigne, 2006, pp. 84-85.

[19] AELL, GSN 438, Folx-les-Caves.

[20] AEN, Souverain bailliage n°426, Fief de Saint-Martin. Leur oncle Robert Florent de Paheau de St-Martin (°1649 †< mai1712) avait acheté cette seigneurie en 1679. Il ne put la payer et finalement cette seigneurie fut saisie. On voit que sa famille n’avait pas perdu espoir de la récupérer.

[21] AEB, Staten van goed Nieuwpoort SvG 2784 & 2796. Leur mère Anne Thérèse de Vos avait hérité de biens dans les environs de Nieuport.

[22] AELLN ,GSN 8, Jauche.f°40.

[23] Notaire Gillard Jean Baptiste, officiant à Hannut de 1738 à 1747 ensuite à Jauche de 1747 à 1752. Acte du 9 mai 1743.

[24] Ce lien a pu être fait grâce à un acte de 1752 (AELLN, GSN 439 Folx-les-Caves, 19-1-1752) par lequel Lambert Ruelle et sa famille font accord pour un payement échelonné d’une taxe due au collecteur Joseph Palisoul de Folx-les-Caves.

[25] E. Piton, Histoire de Grand-Hallet et de Petit Hallet, p.213

[26] Notaire Gillard Jean Baptiste, acte du 9-10-1747.

[27] AELLN, GSN 439, Fox-les-Caves, acte du 29 avril 1747.

[28] AELLN, GSN 439, acte 5.

[29] Je n’ai pu identifier ce Henry Dumoulin, d’Orp-le-Grand. Il signe Demoulin.