Dans le trésor de l'église Saint-Pierre de Folx-les-Caves se trouve un calice en argent repoussé. Il est daté de 1723 et porte l'inscription " ABBAS VILLARIENSIS ET CAPITULUM S DIONISŸ LEODIENSIS PATRONI ECCLESIS DE FOLZ LE CAVE", c.-à-d." L’abbé de Villers et le chapitre de St-Denis de Liège, patrons de l’église de Folx les Caves ".
Cette inscription résume les relations entre Folx-les-Caves et l'église, sous l'Ancien Régime. Les "patrons" de l’église, l'abbé de Villers et le chapitre de St-Denis à Liège, lui offrent un calice. Cette donation fait partie des obligations des patrons, en tant que décimateurs.
Les patrons de l'église
Le mot "patron" est à entendre dans le sens de "protecteur". Tout comme saint Pierre est le protecteur spirituel de l'église de Folx-les-Caves, l'abbé de Villers et le chapitre de Saint-Denis en sont les protecteurs matériels.
En quoi consistait cette protection ? En fait, elle était plus marquée par des droits que par des devoirs. Les patrons étaient collateurs et décimateurs. En échange de quoi, ils veillaient au bon état de l'église. Pour assurer l'entretien du curé, ils lui laissaient une part de la dîme.
Comme collateurs, les patrons nommaient le curé. C'était la pratique courante sous l'Ancien Régime. Ainsi, pour les paroisses actuelles d'Orp-Jauche[1], les collateurs étaient pour
· Enines : le chapitre de Fosses,
· Folx-les-Caves : l'abbé de Villers et le chapitre de St-Denis à Liège, en alternance,
· Jauche : les abbés d’Hélécine et d’Averbode, en alternance,
· Jandrain : l'abbé d’Hélécine,
· Jandrenouille : l'abbé d’Hélécine et l'abbesse de Salzinnes,
· Marilles : l'abbesse de la Ramée,
· Orp-le-Grand : l'abbé de Tongerlo.
Avant le concile de Trente (1545-1563), beaucoup d’abus furent dénoncés lors de ces nominations de curés. L’abbé F. Willocx écrit [2] :
« Les seigneurs locaux étaient […] les grands collateurs de leur région. Enfin toutes les abbayes, [...], étendaient leurs droits de patronage jusqu’à des distances considérables. La parenté, la faveur, la protection, parfois même l’argent, étaient des facteurs qui devaient inévitablement peser sur la décision […]. »
La dîme est le principal impôt ecclésiastique de cette époque. Il se fait par prélèvement d'un dixième des fruits de l’agriculture.
On croyait généralement que le patronat et la dîme qui y était liée avaient été usurpés [3] par des seigneurs laïcs et que l’Église avait dû batailler pour les récupérer. Aujourd’hui, une nouvelle thèse [4] sur l’origine de la possession par l’Église du patronat prévaut.
[1] Archives de l'évêché de Namur; Visites des paroisses, n° 4, 1698-1708.[2] F. Willocx, L’introduction des décrets du concile de Trente dans les Pays-Bas, Louvain, Presses universitaires, 1929, p29. [3] M.-P. Boxus, La dîme de la Collégiale Saint-Denis à Liège au XVIIe siècle, 1967, Mémoire UCL. [4]La dîme, l’Église et la société féodale, Études réunies par Michel Lauwers, 2012, Brepols.Au début, la plupart des patrons d’église étaient des aristocrates laïcs. Cela se comprend en rappelant que l’évangélisation de nos contrées s’est faite par l’intermédiaire de familles propriétaires ; pensons aux monastères de Nivelles et Andenne fondés par la famille des Pépinides ; très vraisemblablement, nos églises de campagne furent érigées par les propriétaires des domaines sur lesquels elles se situaient. C’est la thèse de Joseph Brassinne [9], mise en exergue par Georges Despy.
Suivant Michel Lauwers [1] :
« Instaurée au VIIIe siècle par les souverains carolingiens, elle (la dîme) devait avant tout profiter à l’Église et aux pauvres. L’évêque était chargé d’en répartir le produit entre les prêtres, l’entretien des lieux de culte, lui-même et les pauvres. La collecte semble avoir été généralement organisée par les possesseurs des domaines eux-mêmes. Le système féodal entraîna un émiettement considérable des dîmes, généralement réparties entre de nombreuses petites lignées chevaleresques.
Au XIe-XIIe siècle, dans le cadre du mouvement de « réforme grégorienne », la dîme se transforme. La possession des dîmes par des laïcs est vigoureusement dénoncée comme illégitime. Tous les possesseurs de dîmes sont donc fermement incités à les donner aux établissements ecclésiastiques. Les principaux bénéficiaires de ces transferts sont d’abord et surtout les communautés monastiques, étroitement liées à l’aristocratie seigneuriale, maîtresses de nombreuses églises paroissiales. Quant aux prêtres en charge des paroisses, ils doivent théoriquement bénéficier d’une part des dîmes (le quart ou le tiers) à la discrétion du patron ecclésiastique qui les possède. ».
La part du curé était appelée la portion congrue [2].
On distinguait [3]:
· La « grosse » dîme prélevée sur les récoltes de céréales, généralement la « onzième » gerbe.
· La « menue » dîme sur les agneaux, laines, poulaille, etc.
· La dîme « novale » sur les terres nouvellement défrichées. La dîme « novale », récente, est laissée[4] au curé.
Tout cela ne se fait pas sans de nombreux conflits, tant pour la collecte que pour les dépenses.
Hervé Hasquin écrit [5] :
« A partir du règne de Charles Quint, le prélèvement de la dîme fit l’objet de fréquentes contestations […].Baisse de la dévotion, interprétation néfaste de la Réforme, interprétation exagérément restrictive par les paysans, telles sont les récriminations de l’Église catholique. ».
Les dîmes, étant la source d’une grosse partie des richesses des abbayes et chapitres, il n’est pas étonnant que ces derniers tentent d’en faire le moins possible.
La dîme était censée être utilisée à couvrir les frais de l’église. Dans les archives de l’abbaye de Villers, on trouve dans un mémoire[6]imprimé, non daté, des décimateurs,[7] l’énumération suivante des frais à charge des décimateurs : « Réparations des Eglises Paroissiales, fournissement de tous les Ornemens [8], prestation du Pain, Vin, Luminaire, Cloche Décimale [10] […]». Ce document fait partie d’une requête adressée à l’archiduchesse Marie-Elisabeth [11], gouvernante des Pays-Bas.