Paysans et seigneurs 3

Ces registres sont une aide précieuse à la reconstruction de généalogie. Voyez l’annexe qui suit « Un fief de 9 journaux en la couture derrière le courtil ».

Grâce à ces registres, nous pouvons reconstituer l’histoire des propriétaires d’une parcelle de terre. Ainsi sur le terrain de la ferme Vlemincx [1], il y avait en 1749 « Deux cortils [2] aux Billoques enclavés dans la pourprise [3] de la même cense contenant environs deux bonniers ». En 1735 [4], le comte de Glymes « comme marit et Bail de Dame Therese de paheau son épouse, […] fait raport de deux cortils dit au bilocque présentement appliquez en leur pourprise gisant à fooz que l’on dit vulgairement la cense de la Bawette [..] sur lequel est deut [..] deux oysons. ».

 Plus tôt en 1622 [5], « Les representans Pierre de la Bawette en lieu de Robert de Huy / paravant Jean de Huy ont faict rapport de deux cortils dicts aux billocques presentement applicquez en leur pourprinse gissant à Foulx, que l’on dict vulgairement la cense de la Bawette [...]».  Cette déclaration nous indique que Pierre de la Bawette tenait les cortils de Robert de Huy qui les tenait de Jean.

 

Pour illustrer la complexité du système féodal, nous avons une déclaration de propriété faite par Louis Vlemincx devant les échevins de la Haute Cour de Folx-les-Caves le 9 février 1795. Je pense utile de la transcrire en entier, en respectant l’orthographe du temps.

 

« Nous Mayeur et Echevins de la haute cour de Folx les Caves au wallon brabant declarons que le Sr Louis Vlemincx a titre de son epouse possede audit lieu et aux environs, par acte realisé a cette cour le 14 xbre 1748, une cense ; consistante en maison, grange, ecuries et autres bâtimens, jardins, ahanieres, closieres, prairies, vergers et terres labourables et en tel etat que le tout se trouve contenant le tout ensemble cent cinq Bonniers et demi ou environ en conformité du mesurage, etc., libres sauf les charges ci apres ;

savoir six chapons aux heritiers madame de Paheau

item d’une rente annuelle de neuf mesures de seigle

item de huit mesures de seigle au cloitre de Lens Saint Remi

item de trente sols dus au curé de Jauche

item de trente sols et vingt trois chapons deux tiers et demi ou environ dus au chapitre de St Denis

item audit chapitre treize stiers et demi un pougneloux [6] ou environ de seigle

item d’un muid de froment a l’abbaye de Bonneffe

item de quatre stiers de froment aux heritiers Raulet

item de douze mesure de seigle a l’abbaye de Malone

item de sept dozains de seigle a la ditte abbaye

item de quatre stiers et demi de seigle aux pauvres de Folx

item de huit mesures de seigle au chapitre de fosse

item aux héritiers de guillaume Malfait une rente de deux cent trente quatre florins onze sols, dont le capital port cinq mille cent soixante florins argent fort.

item d’une rente de quatre vingt deux florins et dix sols due aux héritiers de Menzaga.

item au seigneur de Jauche de sept capons de cens

item de quatre oysons

item en cens cartable de douze sols trois liards

item de deux stiersons [7] et demi un pougneloux et demi de froment

item de deux stiersons d’avoine

item au comte de glismes de quatre cent trente deux florins de rente rédimible au denier vingt deux et ???

item de cent trois florins et dix sols de rente due a la v(euv)e Erenzeller dont le capitale est de vingt trois cent florins, comme le tout est repris a l’acte d’achat de lad(it)e cense et realisation ou reconnoissance faite au greffe de celle due a ladite veuve Erenzeller.

et apres avoir fait recherche nous soussignés declarons de n’avoir vu ni trouvé que les dits biens seroient chargés ni alliénnés autrement vers qui ce soit en foi de quoi nous avons signés cette le 9 fevrier 1795.

                         De Hemptinne   Mre A : Dellis   M : Burnicq

                         Par or(donnan)ce   P : JBaugniet »

 

On voit que les propriétaires terriens auxquels la cense de Vlemincx paye des cens sont des institutions religieuses : le cloître de Lens-Saint-Remi, le curé de Jauche, le chapitre de Saint-Denis à Liège, l’abbaye de Boneffe, l’abbaye de Malonne, le chapitre de Fosses-la-Ville ; il y a également des propriétaires civils ; les héritiers de Paheau, Raulet, les pauvres de Folx-les-Caves [8], le seigneur de Jauche.  Ces cens sont payés en nature : des chapons, des oisons, du seigle, de l’avoine ou du froment.

La cense paye également des rentes sur des dettes dues à des préteurs : les héritiers de Guillaume Malfait et de Menzaga [9] et la demoiselle veuve Erenzeller. Ces rentes sont dues en numéraire.

Il n’y a pas mention de fief : le fief est lié à une personne, le cens est lié à un bien.


[1] GSN 4361, Jauche, Droits seigneuriaux.

[2] Enclos.

[3] Propriété.

[4] GSN 5061, Jauche, Registre aux cens 1735, p. 255.

[5] AEG, Fonds Desmanet de Biesme, n° 1141, Cijnsboek van Jauche […], 1622, p. 4v.

[6] Pougnelou = pougnou. Voir l’annexe Mesures.

[7] Stierson = stier = setier = 8e de muid ; 30 litres en mesures de Louvain. Voir l’annexe Mesures.

[8] AELLN, AEB 2624. Les Pauvres de Folx-les-Caves était une institution semblable à notre CPAS. Cette institution possédait des biens qui lui fournissaient des revenus destinés à aider les pauvres de la paroisse. Nous avons conservé les comptes de 1718 à 1721 et 1736. Cette institution dite aussi Table de pauvres ou Table du Saint-Esprit était gérée par un mambour contrôlé par le curé et le Conseil échevinal.

[9] Je n’ai pu identifier ce préteur.