Les propriétaires 10

VI Boucqueau

Henry de Pinchart [1] fait débuter la généalogie des Boucqueau, ou Boucquiau, en 1573, quand Jean BOUCQUEAU prend à rente une tannerie à Nivelles. Les Boucqueau sont une famille de notables du Brabant Wallon ; on les y voit mayeurs, propriétaires terriens, censiers.

 

Philippe François BOUCQUEAU était né le 5 juillet 1711 à Biez (actuellement Grez-Doiceau). Son père y était censier de la ferme de la Sarte à Heze, son oncle notaire à Wavre. Il avait épousé en 1738, à Nodebais, Marie Livine BAUWENS, elle-même originaire d’une famille de censiers du Brabant Wallon.[2]

 

De cette union, trois filles, nées à Biez, Éléonore Charlotte (° 1740, † ?), Livine Thérèse (° 1743, † Folx-les-Caves, 1822), et Justine Philippine (° 1745, † ?).

 

En 1749, l’acte d’achat de la ferme et de ses terres est soumis à des taxes au profit du baron de Jauche, seigneur de Folx-les-Caves : il s’agit des droits de congé dits « pontgelt ».[3] Le montant réclamé s’élève à 2251 florins qui chargent un prix d’achat de 17055 florins, soit 13 % de taxes.

 

Le 24 octobre 1754 [4], Philippe Guillaume Boucqueau déclare, devant la haute cour de Folx-les-Caves, la valeur de sa ferme, estimée par un charpentier et un maçon pour les bâtiments et par les échevins et maïeur pour les terrains. Les bâtiments sont estimés à 3968 florins ; leur terrain, 7.5 bonniers, avec jardin, closière et verger à 4 125 florins. Les terres labourables et prairies (94.5 bonniers) à 34 370 florins. La superficie totale de la ferme est de 105 bonniers, soit environ 100 ha, sa valeur totale à 42 463 florins. Cette superficie est à comparer à celle du Folx-les-Caves actuel : 400 ha. En ce qui concerne la valeur, on estime qu’au XVIIIe siècle, le salaire d’un journalier était de 10 sols, soit un demi-florin.

La valeur de la ferme n’est que théorique. En effet, elle est chargée d’un certain nombre de charges : rentes, principalement aux anciens propriétaires : le comte de Glymes et Philippe Guillaume Malfait, cens principalement au chapitre de Saint-Denis et au baron de Jauche. Philippe François Boucqueau doit au comte de Glymes une rente annuelle de 492 florins correspondant à une dette de 11 070 florins. Il doit également à Philippe Guillaume Malfait une rente de 234 florins et 11 sols correspondant à un capital de 5160 florins, soit au total une dette de 16230 florins. Cela confirme que Boucqueau ne disposait pas de la totalité des capitaux pour l’achat de la ferme.

 

Le 7 décembre 1754, lors du dénombrement de Folx-les-Caves, Philippe François Boucqueau « fait raport être censier, sa femme, item 2 domestiques, un guarde des porcs et une guarde des vaches ». Ce recensement ne mentionne pas les enfants du couple Boucqueau-Bauwens, tous nés à Biez : Eléonore Charlotte, Livine Thérèse, future épouse de Louis Vlemincx, premier Vlemincx de la ferme et Justine Philippine. Où étaient-ils à cette époque ?

 

En 1762, la cense Boucqueau fut incendiée. En 1768, le légendaire bandit Pierre Colon fut accusé, parmi d’autres méfaits d’en être l’auteur. Arrêté avec son épouse et ses présumés complices, il fut incarcéré à la prison de la porte de Hal, à Bruxelles. Malgré deux interrogatoires sous torture, il nia. Ramené à Jauche, il fut condamné à être pendu avec son épouse et une complice. Il fut exécuté le 9 mars 1769. Nous ne connaissons pas les motifs de la sentence. Il est peu probable qu’il ait été condamné pour cet incendie. En effet, à cette époque où les maisons étaient facilement inflammables : structures en bois, toits en chaume, le crime d’incendiaire était considéré comme particulièrement grave. Les juges appliquaient la loi du talion : les incendiaires devaient périr par le bûcher. Comme Colon fut condamné à être pendu, on peut supposer que cette accusation ne fut pas retenue.[5]

 

Le 26 janvier 1768, à Folx-les-Caves, Louis Joseph VLEMINCX, paroissien de Marilles, épouse Livine Thérèse BOUCQUEAU paroissienne de Folx, en présence de Arnold Vlemincx, père de l’époux et Philippe François Boucqueau père de l’épouse. Cette date marque le début de la période Vlemincx à la ferme « Vlemincx ». Elle se terminera en 1903 par la vente du logis de la ferme à Émile BECQUEVORT.

 

Le 6 juin 1769, Philippe François Boucqueau, avec l’accord écrit de son épouse Marie Lucine Bauwens, « a vendu cedé et transporté […] la Cense, grange ecurie, Bergerie, jardin, terres et prairies, appendices et dépendances de son actuelle résidence situés audit a Foolx-les Caves, qu’il a acquis conjointement sa dite  epouse, [..] » en faveur de Anna Marie Capitaine, jeune fille célibataire résidant à Namur, en échange d’une somme de 460 florins soumise à une rente annuelle de 23 florins. À première vue, il est assez étonnant que l’on se dessaisisse d’un bien valant au moins 17 000 florins comme garantie d’un emprunt de 460 florins.[6] En fait, il s’agissait d’un prêt déguisé. L’église interdisait les prêts à intérêt. Pour contourner cette interdiction, on introduisit la rente qui était généralement annuelle et sans limitation de durée. Sauf en cas de donation ou d’héritage, cette rente était la contrepartie d’une somme d’argent. Celle-ci était garantie par un bien immobilier qui pouvait être saisi en cas de non-paiement. Ici le taux d’intérêt est de cinq pour-cent, ce qui était normal au XVIIIe siècle.[7] Ces rentes pouvaient généralement être rachetées en remboursant le capital.

 

Le 10 avril 1772 [8], Philippe François Boucqueau « voulant se retirer, et se défaire et abandonner son labeur et se reposer des fatigues journaliers et soins que doit avoir un bon laboureur » loue, pour un terme de neuf ans, sa cense à Folx à son beau-fils Louis Joseph Vlemincx et sa fille Livine Thérèse. Le loyer annuel est fixé à 1400 florins. Les conditions imposées au couple sont sévères. Entre autres, les locataires devront payer les charges sur la ferme, dont la rente de 23 florins due à mademoiselle Capitaine ; en cas de pertes dues à des guerres, stérilité, orages, etc., aucune réduction ne sera accordée aux montants dus ; les locataires devront payer les réparations aux bâtiments. Le même jour, il vend aux époux Vlemincx-Boucqueau « son bétail, meubles, effets et atirails de labour » et ce pour une somme de sept mille florins à payer dans la quinzaine.

 

En 1776 [9], une entrée par la cour est aménagée sur une extension à la ferme primitive. Cette extension est un couloir menant aux salles du logis des propriétaires. Il est vraisemblable que cette année correspond à l’aménagement de ce logis pour le couple Vlemincx-Boucqueau.

 

Le 17-3-1780 [10], Louis Joseph Vlemincx renonce à son bail de 1772. Philippe François Boucqueau accepte ce renon. Le couple Vlemincx continuera à cultiver trente bonniers et n’occupera plus qu’une partie de la ferme. La description de cette partie correspond, à quelques exceptions près à celle du logis situé le long de la rue de la brasserie, surnommé « le château ». « la partie des batiments de la cense a Folx les Cave, scavoir la partie des batiments du coté du chemin a rate de la cuisinne de la dite cense et jusqu’à la porte d’entrée de dessous restant au censier sauf la Cave et le four et fournis qui seront communs, aura la petite Cour avec la porte d’en haut […]. Que la dite remis et permission aura lieu et durera jusque la fin du bail rendu cejourd’hy a Jamart passé devant ledit notaire qui finira au my mai 1786.

 

De fait, le même jour [11], est signé le contrat de bail pour l’autre partie de la ferme, à Philippe Jamart de Ramillies.

 

Le 4 octobre 1785 [12], devant le même notaire, Philippe François Boucqueau reloue la totalité de la cense au couple Vlemincx-Boucqueau.

 

Le 25 novembre 1787, Philippe François Boucqueau décède à Wavre. J’ignore s’il a laissé un testament.

 

Le 9 février 1795 [13], déclaration devant les échevins de la haute cour de Folx-les-Caves des biens appartenant à Louis Vlemincx à titre de son épouse. « une cense consistante en maison, grange, écuries et autre bâtiments, jardin, ahanieres, closieres, prairies, vergers et terres labourables et en tel qu’il se trouve contenant le tout ensemble 105 bonniers et demi ou environ en conformité au mesurage & libres sauf les charges ci-après ; […]. Outre les redevances féodales habituelles, le bien est chargé des rentes en numéraire : 234 florins aux héritiers de Guillaume Malfait, 82 florins aux héritiers de MENZAGA, 103 florins, dix sols à la demoiselle ERENTALLER. Les rentes dues au comte de Glymes et à Anne Marie Capitaine auraient déjà été rachetées.

On peut considérer qu’à la fin du XVIIIe siècle, les Vlemincx étaient entièrement propriétaires de la cense qui portera leur nom.


[1] H. de Pinchart, Notes pour la généalogie Boucqueau, aout 1970.

[2] P.de Tienne, Crayon de la famille Bauwens, IG 1973, p.212.

[3] AELLN, GSN 4361, Jauche.

[4]AELLN, GSN 439, acte 32.

[5] M. De Ro, Histoire et légendes de Folx-les-Caves. Le 9 mars 1769, Pierre Colon et son épouse sont exécutés, Wavriensia, t. 71, n°1, 2022.

[6] AELLN, GSN 440, Folx-les-Caves.

[7]https://fr.wikipedia.org/wiki/Rentes_constitu%C3%A9es#:~:text=Les%20rentes%20constitu%C3%A9es%2C%20appel%C3%A9%20aussi,interdisant%20de%20toucher%20des%20int%C3%A9r%C3%AAts.

[8] AELLN, notaire Delloye Jean-Joseph, 1772, n°8 et 9.

[9] Patrimoine monumental de la Belgique, Soledi, Liège, 1974, vol. 2, p. 221. « porte de même nature [ pierre bleue] , enrichie d’une clé plate, où se lit la date presque effacée de 1776 ( ?). »

[10] AELLN, notaire Minet, 1780.

[11] AELLN, notaire Minet, 1780. Philippe Jamart signe Janmart.

[12] AELLN, notaire Minet, 1785.

[13] AELLN, GSN 441, Folx-les-Caves.