Annexe 2 Le château de Folx-les-caves

Annexe 2 Le "château" de Folx-les-Caves

À Folx-les-Caves, la tradition orale veut que la ferme Vlemincx fût à l’origine un château. Avant la fusion des communes, la rue où elle est située s’appelait rue du château. Le sobriquet du corps de logis à rue était « Ô tchèstia ». Sur certaines cartes postales, elle est décrite comme le « Vieux Château ».

Ces affirmations ne prouvent pas qu’il y avait un château à Folx-les-Caves et qu’il était situé à l’emplacement de la ferme Vlemincx. Je n’ai trouvé aucun acte officiel confirmant cette appellation de château.

Que savons-nous ?

Alphonse Wauters[1] cite l’existence d’un château avec rempart de terre à Folx. Il écrit : « Hemricourt nous donne, dans son Miroir des nobles de Hesbaye, des détails curieux sur la manière dont les petits possesseurs de fiefs faisaient la guerre au XIVe siècle : « Du commencement de la guerre entre les familles d’Awans et de Waroux, dit-il, fut tué Gille de Foux en Brabant, et un écuyer La Truye de Fouc : ce Gilles estoit fis de messire Eustache Franchome de Hognoul, et avoit un petit chasteau à Foux, dont la cour estoit fermée de murailles de terres que les Hasbignons ont accoustumes..[…] ». On, a prétendu que ce récit ne s’appliquait pas à Folx-les-Caves ; c’est une erreur. Folx est parfois appelé dans

les documents Folx-en Brabant. ».

En fait, dans les archives du chapitre de Saint-Denis, on trouve deux Foul ; Foul en Brabant qui correspond à Fox-les-Caves, et Foulz en Hesbaye actuellement Fooz près de Hognoul. Le texte que cite Alphonse Wauters est un amalgame de deux textes différents de Jacques de Hemricourt, dans le Traité des guerres d’Awans et de Waroux. Ces guerres se déroulèrent entre 1297 et 1335. Dans l’édition de A. Bayot [2], on trouve, en page 11, l’indication que lors de la bataille de Loncin en 1298, fut tué « Gihles de Fouz en Braybant et un escuwirs nomeis ly Troie de Fouz ». Vers la fin de la guerre, il n’y avait plus que des escarmouches. En pages 47-48 de la même édition, on lit : « ly quatre enfants monssaingnor Ystasse, le Frank Homme de Holengnoul, tenoiient à Foouz en warnison, deleis Gilhon de Fouz, leur freire, qui avoit 1 pau de fortece ; estoit tot sa court enclosse de ces mureas d’arsilhe dont ly Hasbengnont usent ».

Le texte d’Alphonse Wauters est une reprise mot pour mot du « Grand théâtre profane du Brabant Wallon ». L’auteur Jacques le Roy cite sa source : les manuscrits de Jean Blondeau, non publiés et disparus. Il n’y a aucune raison de croire que Gihles de Fouz en Brabant, mort en 1298, soit le Gilhon de Fouz, fils d’Eustache le Franchomme de Hognoul, décédé en 1367[3]. Oublions ce château avec des murailles de terre.

[1] J. Tarlier & A. Wauters, Géographie et histoire des communes belges. Canton de Jodoigne, 1872, vol. 6, pp. 357-365. Pour écrire ces livres, les associés Tarlier et Wauters demandent des informations aux érudits locaux. M.-A. Collet Lombard a retrouvé dans les archives paroissiales de Thines, une lettre de Jules Tarlier posant au curé de Thines des questions précises sur l’histoire de son église. (Chirel 1987, n°4, pp. 211-216). Les informations que Tarlier et Wauters donnent ne sont pas référencées et comportent des erreurs, liées à la fiabilité de leurs informateurs. C’était une façon d’écrire l’histoire qui ne serait plus acceptée aujourd’hui. Néanmoins, elles restent une source de base de l’histoire de nos communes.

[2] C. de Borman, Œuvres de Jacques de Hemricourt, Bruxelles, 1910, t.1.

[3] C. de Borman, op.cit., Bruxelles, 1910, t.2, p.256.

Néanmoins, j’ai trouvé trois indices certains rendant possible la présence d’un château à Folx-les-Caves.

D’une part, la dalle funéraire d’un homme armé dans l’église de Folx-les-Caves. La dalle indique qu’il a eu une mort violente en 1326. Les pas des fidèles ayant effacé le nom de ce « chevalier », la figure a été vraisemblablement retaillée. Sur la poitrine de l’homme armé, il y a un écusson avec trois étoiles à six rais.

Ce blason est celui de plusieurs familles, dont celui des Hélissem [1]. Beaucoup de familles ont des blasons avec trois étoiles à six rais disposées en triangle [2]. Dans son armorial général [3], Rietstap indique : « En France, en Artois, en Picardie, dans la Flandre française, en Angleterre, en écosse, en Irlande, en Alsace, en Savoie, en Piémont, on donne aux étoiles cinq rais ; partout ailleurs elles en ont six. »

Ce chevalier pourrait avoir eu un château à Folx-les-Caves. À nouveau, Alphonse Wauters a fait à ce sujet une réflexion peu historique : en finale de la description de cette dalle, il écrit « Ce personnage ne serait-il pas ce Gilles de Foulx, qui fut tué, selon Hemricourt pendant la guerre des Awans et des Waroux ? ». Gilles de Fouz fut tué en 1298, vingt-huit ans avant la mort de ce chevalier.

[1] L. de Herckenrode, Collection de tombes, épitaphes et blasons, églises et couvents de Hesbaye, 1845, pp. 373-374.

[2] Th. De Renesse, Dictionnaire des figures héraldiques, Bruxelles, 1892-1903, pp. 363-365. On y trouve plus de 200 noms de famille utilisant ce blason.

[3] J.B. Rietstap, Armorial général, précédé d’un dictionnaire des termes du blason, 2e éd., Gouda, 1884-1887, p. XII. Ce livre reste une référence pour la recherche de blasons en Europe. Lisez l’article de Hervé Douxchamps, « Rietstap et son armorial général » paru dans le Parchemin 1991, pp. 386-405.

Une autre information est plus sûre, car étayée par un document[1] daté du 14 juillet 1753, est la présence d’un manoir près du cimetière de Folx-les-Caves. La baronne de Patdberg, dame d’Heusbeck et Delhove déclare un fief consistant en « certain manoir en grandeur d’environ un bonnier [2] ou souloit être une maison par les troubles brûlée, maintenant devenu jardin soubs la baronnie de jauche au village de foulx devant le cimetière illec aboutissant a présent d’aval [3] au sieur boucquiau [4], vers meuse [5] au chemin joindant la cemetiere de foos , d’amont [6] a françois bronze et jean wilmart, et renier feuillet et le pasteur de fooz, et vers louvain [7] a la dite dame d’husbeck… ». Ce manoir situé près du cimetière de Folx-les-Caves n’était pas à l’emplacement de la ferme Vlemincx [8].

[1] AEBxl ; Cour féodale du Brabant, Aveux et Dénombrements, n° 7534.

[2] Folx-les- Caves utilisait les mesures de Louvain ; la verge valant 16.5 pieds. Le bonnier équivaut à 0.95 ha.

[3] D’aval = au NE

[4] En 1754, Philippe-François Bouqueau est le propriétaire de la ferme Vlemincx.

[5] Vers meuse = au SE

[6] D’amont = au SO

[7] Vers Louvain = au NO.

[8] Alphonse Wauters, Géographie et histoire des communes belges, Canton de Jodoigne, 1872,  pp.363-364, mentionne une maison semblable : « Un autre de Senes, nommé Michel et qui était prêtre, laissa une maison située entre le cimetière et la cure, […]. Cette maison fut brûlée lors de l’expédition du prince d’Orange à travers la Hesbaie en 1568. Jean […] en céda la propriété à Antoine le Rousseau, en 1610. »

La question qui se pose est « peut-on assimiler un manoir à un château ? Léon Roy [1] donne la définition suivante : « Habitation d’un propriétaire de fief qui n’avait pas le droit de construire un château avec tours et donjon. Avec la décadence des châteaux forts, le manoir devint la forme la plus fréquente de résidence noble. [...]. Cette définition correspond bien au texte de cette déclaration : le manoir incendié pourrait correspondre au fief de Heusbeck, fief qui tint une cour de justice foncière à Folx-les-Caves jusqu’en 1792 [2].

 

Enfin, la ferme appelée actuellement « ferme de la Vallée », portait autrefois le nom de « Cense de Tour ». Qui dit « tour », pourrait évoquer un « château ».

 

Dans le langage commun, on assimile une grosse maison de notable à un « château » ou un « manoir ». Ainsi à Jauche, la grande maison[3] construite par Charles de Hemptinne vers 1856 était appelée « le château de Hemptinne ».

Au vu de ce qui précède, je pense qu’il n’y avait pas de château ni de manoir à l’emplacement de la ferme Vlemincx. Mais comme pendant tout le XIXe siècle, son logis était la plus grosse maison de Folx-les-Caves, habitée par les Vlemincx, notables principaux du village, il n’est pas étonnant que, dans le parler populaire, ce logis devint le « château » du village.

[1] L. Roy, Dictionnaire de généalogie, Bruxelles, 2001, p. 406.

[2] GSN 441/5, Folx-les-Caves.

[3] J.-J. Sarton, Histoire de la commune de Jauche, p. 330.