Auteur Awoth
Auteur Awoth
C'est le jour J, l'anniversaire de Jérome. C'est Maïa, une amie que nous avons en commun, qui m'a invité. Ne connaissant pas ses goûts, j'ai préféré ne rien lui offrir et venir les mains dans les poches. Enfin, plutôt avec une bouteille de Saint-Emilion. J'ai toujours préféré le surnommer sémillon, c'est plus joli je trouve. Et plus court.
Tous ses amis étaient là. Présents pour lui. J'aimerais vivre ça un jour, moi aussi. Bon, j'arrête de m'apitoyer, c'est désormais l'heure de faire la fête. Ce que nous fîmes une fois sur la piste de danse, où Jérome s'écria : «Dansez maintenant ! »
Je n'ai jamais aimé danser. Mais bon, je suis pas chez moi, je vais pas faire la fine bouche. Sauf pour me goinfrer, ou m'avaler un perroquet. Pas l'animal, mais le cocktail à base de bière. Alors que je m'apprêtais à me rasseoir, vint une jeune femme à l'allure gracieuse et délicieuse qui me tendit la main : « Salut, moi c'est Diane, tu veux danser ? » me dit-elle d'une voix douce et chaleureuse. Je ne m'attendais vraiment pas à une telle proposition, je suis tout enjoué, «Avec toi, pourquoi pas. Je ne peux pas refuser une telle demande ». Je me souviens de son petit ricanement mignon qui m'a fait chavirer. Un coup de foudre. J'aimais sa façon de me regarder, avec des étoiles dans les yeux. Pourquoi ne pas essayer, à mon tour de lui faire atteindre le 7ème ciel et lui décrocher la Lune ? Nous repartîmes sur la piste dansante, avec du The Weeknd dans les oreilles. Et surtout dans l'enceinte. A la fin de la journée, je propose à Diane qu'on se revoit, car j'ai aimé être en sa compagnie. Vulgairement parlant, on peut dire qu'elle m'a tapé dans l'oeil. En attendant sa réponse, ma tête se mit à genoux pour la supplier. Sûrement un signe que cette femme n'a pas plu qu'à mon corps. Elle répondit oui. En voilà une bonne nouvelle !
A 20h à la Cascada, c'est noté. Enfin pour moi.
18h36, je dois m’endimancher. Il me reste 1h24. Je ne calcule pas la distance qui me sépare du resto. Par contre, je calcule bien le temps où je vais stresser avant de la voir. Alors faisons l'inventaire, chemise, t-shirt...non, c'est trop banal, je dois me démarquer...pourquoi pas une veste ? Non, pas besoin d'être apprêté, bien habillé suffira ! Dans les dents...est-ce que j'ai quelque chose dans les dents ? Rien, du tartre, comme tout le monde quoi. Au pire, je m'abstiendrais de sourire. Bon allez, ça va bien se passer. Je dois y aller le cœur léger et ne pas stresser. J'ai jamais compris ce que signifiait « faire bonne impression ». On a déjà discuté et dansé ensemble, ce fut la toute première impression. Et la 1ère impression est toujours la bonne, non ? Alors, il ne peut rien se passer de plus grave... Enfin, retire ce que tu viens de dire. Tu peux toujours être maladroit, renverser un verre, lui conter fleurette et ne pas paraître à son goût...Tu sais, les femmes sont compliquées à comprendre, mais les hommes sont compliqués à penser. Surtout que je n'ai pas le temps de me poser cette question. En fait si, j'ai 1h21. Mais le temps de trouver la réponse, mazette. Allez, en route. J'enfourche ma Ducati et c'est parti mon kiki.
Bon, je suis arrivé et j'ai une heure devant moi. Une heure à tuer. Une heure à tuer et Dieu sait que la vie est courte. Est-ce que je lui propose d'aller manger à l'intérieur ou en terrasse ? Si je commande du pain, je n'aurais plus faim. Si je commande du vin, je risque de ne plus être moi lorsqu'elle sera en face. De moi. De mon être. Qui ne sera plus moi. Vous saisissez ? Alors que puis-je faire en attendant ? Regarder les autres manger ? On est d'accord que c'est glauque. Huumm....Aller aux toilettes ? Et qu'est-ce que j'y ferais toute une heure, en fait ? Non vraiment, je n'en ai aucune idée. D'aucuns d'entre vous penseraient au portable. Mais je ne veux surtout pas être dérangé. Même si je le suis déjà par le serveur qui m'interrompt toutes les 5 minutes pour savoir si je souhaite commander quelque chose, si je dînerais seul au final... Je vais vraiment le buter s'il me laisse pas tranquille. La seule chose qui me dérangerait positivement serait de voir cette femme.
Le temps passe, et petit à petit je me remets encore en question. Au début, je me demandais si cela ne venait pas d'elle. Peut-être n'était-elle tout simplement pas impatiente de me revoir, comme moi ? Ou n'a-t-elle pas le sens des priorités ? Cette question m'est venue à l'esprit, j'en suis désolé. Je me dis pardon à moi-même. Il faut toujours réfléchir avant de parler. Mais il faut également toujours réfléchir avant de penser. Tant de gargouillis dans le ventre, on parle de «papillons dans le ventre» d'ailleurs. Drôle d'expression. Enfin non, pas drôle. Ça doit être quelque chose d'avoir des animaux vivants en soi.
La voilà ! Diane qui s'approche dans une robe toute pimpante. «Tu es vraiment splendide Diane. » « Merci, tu n'es pas mal non plus ».
La complimenter : check ✔️✔
La question de lui retirer la chaise avant d'agir tel un serveur dans ces grands films m'est passé par la tête. Environ 488 fois. Mais je me dis que ce serait faire le kéké que d'agir de la sorte alors non.
Au moment de commander, j'hésite. Entre une pièce de bœuf bien saignante ou de l'églefin. Diane voulait commencer par des canapés. J'étais pas contre.
J'apprenais enfin à la connaître. Elle aimait beaucoup développer ses photos et ses films en kodachrome, mais elle m'apprenait par la même occasion que Kodak avait décidé d'arrêter sa production malheureusement... Elle me disait aussi qu'elle avait participé à «Qui veut gagner des millions » et qu'elle était arrivée au 2nd palier! La piste de danse n'était que l'entrée, le restaurant est le plat de résistance. Mon cerveau me répétait régulièrement «Il ne faut pas qu'il se loupe. Aucun faux pas n'est accepté. » Les questions s'entrecroisent comme nos chemins, ici. Et je cessais de l'écouter parfois.
Je dois dire qu'on a beaucoup bu, elle et moi. Je ne sais pus trop c'qui s'est dit *hic*, j'crois on parlait boulot ensemble. Et après on a baisé. Enfin d'abord, y a eu le taxi. J'sais pas qui l'a commandé d'ailleurs. Faudrait que j'le remercie. C'était p'tet moi. *hic* J'suis con. Enfin bourré d'abord, con ensuite. On a fait l'amour, pratiqué le coït.
Le lendemain, le mal de crâne n'était pas là, tout le contraire de ces grands films. Décidément, ils sont bien bidons. Il y avait autre chose qui n'était pas là : Diane. Où pouvait-elle être ? Je pense qu'elle m'aurait laissé un mot avant de s'enfuir, ou du moins son numéro. Mais je ne vois rien. Pourquoi m'aurait-elle fait faux bond ? Ça ne lui ressemble pas...Enfin j'en sais rien, je ne la connais ni d'Eve ni d'Adam. Mais ça paraît bizarre comme situation. Pas surréaliste, mais irréel. Je me sens con, seul dans mon appartement. Déjà que je l'étais hier, maintenant je le ressens. Bon, on va essayer de passer à autre chose. Non pas que Diane soit un objet, mais je vais passer à une autre étape de ma vie, essayer de tourner une page. Je ne sais même pas si je le pourrais. Cette femme correspondait entièrement à mon idéal : une femme gentille, remplie de joie de vivre, pieuse, pleine de convictions et d'ambitions...Je ne saurais m'arrêter, tant je vois de qualités en elle ; mais je le fais quand même. Je contacte Maïa, mon amie de toujours, pour lui demander ce que je pourrais faire. Elle me répond que la première des choses est d'être bien dans ses baskets. Je ne sais s'il faut le prendre au premier degré ou non. Je décide quand même de me rendre chez Abercrombie & Fitch et de me prendre de nouvelles fringues. On y voit un changement radical, d'après la vendeuse. Y a un avant et un après.
Me voilà revigoré à présent ! Bon, je pense pas que ma carte bleue dise la même chose. Mais l'essentiel, c'est moi à la fin, je dois prendre soin de moi. Je viens de le faire physiquement déjà, comment prendre soin de moi autrement ? Peut-être que......
A la sortie du magasin, 2-3 scélérats se présentent à moi, je ne saurais les décompter en fait (les démembrer, j'aurais pu), et ils m'attaquent. «Aïe ouille » fis-je, figé. Tétanisé par la douleur infligée par ces brutes, ils m'ont roué de coups. Une jeune femme vint me voir et me tendit la main. Elle me voit parterre, gisant ensanglanté. Ni une ni deux, je prends sa main. Je ne sais pas de quoi j'ai besoin, mais j'en ai besoin. Elle a la mainmise sur mon épaule. On arrive très vite aux urgences, si vite que je n'ai pas eu le temps de la remercier. Par contre, question urgences, ça ne va pas vite. Débordés de tous les côtés, ils ne savent où donner de la tête. Mais moi aussi, mon cerveau est débordé. De sang. A tout moment je peux faire une rupture d'anévrisme, avoir un caillot sanguin, que sais-je...A cette question, je n'en sais rien. Mais il me faut un médecin, au plus vite. Alors que c'est très lent.
Le médecin débarque, 3h après mon arrivée, j'ai eu le temps de compter les aiguilles de l'horloge de la salle d'attente, la petite a fait 3 tours. Héhé, j'ai toujours des facultés intellectuelles, on se rassure comme on peut.
Ne connaissant pas le vocabulaire trop technique opéré par ce médecin-urgentiste, je sais simplement qu'il a procédé à des vérifications, IRM, scanner, audiogramme, etc...
Devant rester sur place la nuit, j'essayais de dormir. La douleur si forte m'en empêcha, bien évidemment. J'ai toujours cru que fermer les yeux me ferait du bien. Tout du moins à mon cerveau. Mais mon cerveau est atteint. Donc je décide de garder les yeux ouverts. Je repense à l'époque où j'étais sur un serveur Discord nommé «Le coin des Animations ». Je m'amusais vraiment bien à ce moment-là, j'avais des gens avec qui parler, je me suis même fait des amis ! Mais malheureusement ça n'a pas duré. C'est ce qui me fait dire que c'était une bonne chose. Pas que ce soit arrêté, non ! J'avais une photo de profil avec une tête de paresseux, je me souviens. C'était rigolo car ça me faisait penser aux homonculus de FullMetal Alchemist. Ce sont des personnages inspirés des 7 péchés capitaux. Et l'un des sept porte le nom de «paresseux ». Dieu sait s'il y avait des fans de manga sur ce serveur.
Le lendemain matin, ou devrais-je dire le moment où le médecin-urgentiste arrive avec ses résultats, est venu. «Monsieur, vous avez été touché au niveau de l'artère auriculaire profonde, qui est relié à l'articulation temporo-mandibulaire, autrement dit la mâchoire ».
«D'accord, et ça veut dire quoi ? » essayais-je de prononcer. «Votre mâchoire est disloquée, monsieur. Et on ne peut pas la réparer ».
Je le regarde avec de grands yeux, moi qui pensais qu'on avait beaucoup évolué technologiquement, apparemment pas assez. Je lui demande ce que je peux faire pour toutefois être au mieux, car j'ai toujours un peu mal. Il me prescrit quelques médicaments et une rééducation avec une kinésithérapeute spécialisé dans l'oro-maxillo-faciale. Je le remercie et m'en vais de cet hôpital. De retour chez moi, je suis seul. Actuellement en burn-out, je ne peux compter sur personne. A part Derrick. La seule série que je regarde et qui me tient compagnie. Je veux acheter un chien. La solitude me pèse. Mais ce qui me pèse le plus, c'est de n'avoir jamais pensé à aider un chien qui, lui aussi, était seul. C'est parti pour la spa. Je vois ce chien tout badaud qui me fait envie, je vais le prendre et le nommer Sparky. Mieux vaut tard que jamais. On a toujours besoin d'aide dans la vie. Je me mets donc bille en tête de retrouver cette femme qui m'a sauvé la vie. Alors est-ce que « sauvé la vie » est l'expression appropriée ? C'est ce que je dirais à chaque fois que quelqu'un a un simple mal de tête et qu'il se fait aider. Toutes les douleurs ne sont pas bénignes. Un petit acte a systématiquement de grandes conséquences. Il ne faut jamais oublier qu'on peut décéder à chaque instant.
En retournant au magasin, je m'adresse au vendeur afin de savoir s'il ne connaîtrait pas cette jeune femme qui est venu à mon secours. Forcément, je n'étais pas devant lui lorsque c'est arrivé, donc je la décris du mieux que je m'en rappelle. Il m'affirme que cette tête lui dit quelque chose, mais il ne saurait dire où il l'a vu...
Je fais magasin par magasin, et quand je tombe sur «Randstad », heureux hasard, la personne m'indique qu'elle travaille ici !!
Elle reviendra ici chaque jour. Coûte que coûte, je reverrais cette femme. Je la remercierais à vie. C'est bien ce qu'elle m'a sauvé, après tout.
La nuit, je ne sais pas pourquoi, je repense encore à des souvenirs lointains, les Pokémons à l'époque avec Carapuce, Bulbizarre, Salamèche...même Mr Mime. Mais aussi tout ce qui a trait à Disney, les Fantasia et autres «La belle et la bête ». Le petit Zip était trop mignon avec sa mère, Mme Samovar. Cette époque nostalgique où l'insouciance prônait sur tout le reste me manque.
Allez, pas le temps de tergiverser, il est 4h30, je suis excité comme une puce à l'idée de la retrouver. Je ne sais même pas pourquoi je m'enflamme en réalité. Si ça se trouve, elle ne travaille pas aujourd'hui. D'ailleurs, c'est con de dire qu'une puce est excitée. Ça emmerde tout le monde, c'est pas beau et ça dort souvent. On dirait ma définition.
Cette fois-ci, je prends le temps de mettre mon plus beau costume. Apprêté ou pas, je veux être bien vu par cette personne. Dès l'aurore, je me tins devant la boutique. Le stress est à son paroxysme. Comme l'adrénaline. Je m'apprête à sauter à l'élastique pour aller embrasser sur la joue la femme qui m'a sauvé. Je vois le vendeur débarquer, ouvrir la boite, je me permets de lui demander si cette femme travaille aujourd'hui, il me répond par l'affirmatif. Toujours ragaillardi, je pourrais attendre la fin de journée ici sans bouger. Enfin si quand même. D'une parce que j'aurais envie de pisser à un moment donné. Et deux, parce que ça se fait pas, c'est même plus glauque à ce stade. Faut dire aussi que mon chien vient de marquer son territoire. Je me dis que c'est bon signe. Pas pour le magasin, en tout cas. Bon, c'est pas grave, je repasserai dans quelques heures, j'ai sûrement des choses à faire. Au chômage, sans ami, non. Mais maintenant, j'ai Sparky qui m'accompagne. Et je ne le laisserais jamais tomber.
10h, je retourne au magasin. J'en vois des femmes, mais je ne saurais dire laquelle c'est au final, mon cerveau me fait défaut. Le vendeur me voit, fait signe à l'une de ses collègues que je l'attendais. La personne s'approche de moi : « Bonjour, je suis Daphné, comment allez-vous ? » « Bonjour, je suis la personne à qui vous avez sauvé la vie, je ne vous remercierais jamais assez »
Tout sourire, elle me répond que ce n'est rien, qu'elle n'a fait que m'emmener aux urgences après tout.
«Mais je vous assure, Daphné, ça me touche que vous ayez fait ça pour moi. Je souhaiterais vous offrir un verre à l'occasion, lorsque vous aurez une pause ».
«Oui, volontiers ».
FIN.