Assistance familiale et enrichissement sans cause

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 1 avril 2015

N° de pourvoi: 14-15774

Non publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 janvier 2014), que James X... et son épouse Ginette Y... sont respectivement décédés le 2 décembre 2004 et le 6 juillet 2006, laissant pour leur succéder leurs trois enfants Marie-Evelyne, Francky et Pascal X... ; que M. Pascal X... a assigné sa soeur et son frère en liquidation et partage de la communauté de leurs parents et de leurs successions ;

Attendu que M. Pascal X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'attribution préférentielle et en paiement d'une créance au titre de l'assistance à ses parents ;

Attendu, d'une part, qu'ayant retenu que M. Pascal X... ne remplissait pas les conditions posées par l'article 831, premier alinéa, du code civil, la cour d'appel n'a pu que rejeter la demande d'attribution préférentielle, sans avoir à procéder à une recherche que sa décision rendait inopérante ; qu'en sa première branche, le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, d'autre part, que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 1371 du code civil, la seconde branche du moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations par lesquelles les juges d'appel ont souverainement estimé que M. Pascal X..., bien qu'ayant porté assistance à ses parents, ne démontrait pas avoir dû exposer des frais particuliers pour assurer leur maintien à domicile et qu'il avait bénéficié en compensation d'avantages substantiels, de sorte qu'il n'avait subi aucun appauvrissement ; qu'elle ne peut donc être accueillie ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Pascal X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme Marie-Evelyne X... et à M. Francky X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Pascal X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la licitation des biens immobiliers composant l'actif successoral, rejeté la demande d'attribution préférentielle à Monsieur Pascal X... de l'immeuble successoral dans lequel il habitait au décès de ses parents, et rejeté sa demande aux fins d'inclure dans le passif successoral la somme de 183 414 € au titre de sa créance d'assistance à ses parents,

AUX MOTIFS QUE sur la licitation, les parties s'opposent sur le sort des biens immobiliers, Monsieur Pascal X... réclamant un partage en nature, avec attribution préférentielle de la maison d'habitation de ses parents, sur laquelle il lui a été consenti un droit d'usage et d'habitation par testament, tandis que les intimés soutiennent qu'il convient de confirmer la licitation ordonnée par le tribunal, Evelyne X... estimant que les demandes présentées par Pascal en cause d'appel sont en tout état de cause irrecevables comme nouvelles ; que ces demandes s'analysent toutefois comme des demandes visant à écarter une prétention adverse au sens de l'article 564 du code de procédure civile, en l'espèce la licitation des biens, ou encore comme le complément ou l'accessoire de prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les premières demandes dès lors que Pascal X... avait évoqué en première instance sa volonté de faire valoir son droit d'usage et d'habitation devant le notaire ; que s'agissant de la demande de partage en nature, il a été constitué par le notaire cinq lots, de valeur équivalente, la constitution de trois lots n'ayant manifestement pas été possible ; que dans ces conditions, la mise en oeuvre du tirage au sort de cinq lots en présence de trois héritiers n'est pas opportun, dès lors qu'il serait nécessairement source de nouvelles difficultés, devant le notaire ; qu'or, tel n'est pas l'objectif du partage judiciaire qui a précisément pour vocation de régler les conflits entre co-héritiers et de ne pas en créer de nouveaux ; que par ailleurs si l'attribution préférentielle échappe par définition au tirage au sort, encore faut-il que les conditions de cette attribution soient réunies, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, dans la mesure où, si Pascal X... vivait bien au domicile de son père au moment de son décès, il n'y vit plus depuis plusieurs années, si bien que l'ensemble des critères de l'article 831-2 1° du code civil ne sont pas remplis ; que le partage en nature n'étant pas pertinent, la licitation prononcée par le tribunal sera en conséquence confirmée, étant rappelé que Pascal X... bénéficie sur la maison de Surgères d'un droit d'usage et d'habitation institué par testament non contesté par les parties ; que ce droit qui ne s'éteint que par le décès de son bénéficiaire ou par le non usage pendant plus de trente ans, n'est pas éteint comme le soutiennent à tort les intimés, dès lors que Pascal X... a quitté la maison de son père à son décès, en 2008 ; que ce droit devra en conséquence faire l'objet d'une juste indemnisation devant le notaire, la cour ne disposant d'aucun élément pour l'évaluer ;

ET AUX MOTIFS QUE sur la créance d'assistance réclamée par Monsieur Pascal X..., celui-ci évalue le montant de cette créance à la somme de 225 702 € dont il retranche la somme de 42 288 € représentant les avantages reçus au titre de l'hébergement chez ses parents et des aides fournies par l'office des aînés de Surgères, en faisant valoir que s'il n'avait pas assuré une présence constante auprès de ses parents vieillissants et malades, seule la présence d'une aide employée à plein temps jour et nuit aurait permis de garantir leur maintien à domicile ; que s'il est établi et non contesté que Pascal X..., nommé par ailleurs curateur de son père le 14 juin 2005 par le juge des tutelles de Rochefort, a porté assistance à ses parents, et s'il peut prétendre à ce titre à une indemnité encore faut-il, comme l'exige la jurisprudence, qu'il soit établi que les prestations fournies ayant excédé les exigences de la piété filiale ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments du dossier que Pascal X... âgé de 48 ans lors du décès de son père, a toujours vécu au domicile de ses parents et a donc été nourri et logé gratuitement durant toutes ces années, sans participer à aucune charge, sauf à avoir « remis » sur toute cette période la seule somme de 5000 € dont le sort a été réglé ci dessus, pour aider son père, dont les revenus étaient modestes ; qu'or, Pascal X..., après avoir travaillé pendant cinq ans auprès de l'équipement maritime a obtenu une pension et ne démontre pas avoir dû renoncer à un quelconque projet professionnel ou avoir dû exposer des frais particuliers pour assurer le maintien de ses parents à leur domicile ; qu'il n'a donc pas subi d'appauvrissement étant observé qu'il a fait le choix de rester au domicile de ses parents sans travailler, qu'il avait donc toute disponibilité pour s'occuper de ces derniers et qu'il a bénéficié en compensation d'avantages substantiels qui ne sauraient justifier la créance qu'il revendique, aucun enrichissement de ses parents n'étant davantage démontré ; qu'il sera donc débouté de cette demande ;

1) ALORS QUE par application des articles 831-2 et 832-3 du code civil et de l'article 832-3 du même code, tout héritier co-propriétaire d'un bien immobilier qui y avait sa résidence effective à la date du décès de ses parents est en droit d'en obtenir l'attribution préférentielle, spécialement lorsqu'il en a reçu, par testament, le droit d'usage et d'habitation sur ce bien ; que la cour d'appel, rejetant la demande d'attribution préférentielle de la maison d'habitation dans laquelle Monsieur Pascal X... demeurait avec ses parents puis avec son père à la date du décès de celui-ci, a retenu qu'il ne remplissait pas les conditions légales, à défaut d'habiter encore dans la maison à la date de sa décision mais s'est abstenue de rechercher, en confrontant les intérêts en présence, comme elle y était invitée par les conclusions du demandeur, si la pleine jouissance du bien conférée par les testaments de ses parents à Monsieur Pascal X... ne devait pas entraîner l'attribution préférentielle du bien, aux fins d'y exercer ses droits a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

2) ALORS QUE conformément à l'article 1371 du code civil, l'action aux fins de voir inclure dans le passif successoral une créance d'assistance à des parents est fondée lorsque un héritier, par ses soins et diligences, a évité une dépense certaine sans recevoir de rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour refuser de faire droit à la demande d'intégration dans le passif successoral d'une créance d'assistance a retenu que Monsieur Pascal X..., logé et nourri gratuitement par ses parents, avait exécuté son devoir filial, et n'établissait pas son appauvrissement ni l'enrichissement de ses parents ; que la cour d'appel qui n'a tenu compte ni de ce que Monsieur Pascal X... qui n'était pas dans le besoin, avait de surcroît, déduit du montant de sa demande le coût des avantages reçus de ses parents ni de ce que le patrimoine des époux X... et en conséquence, le patrimoine successoral, n'avait pas été diminué des frais d'une aide à domicile permanente de deux personnes, imposée par leur état de santé, a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée.

ECLI:FR:CCASS:2015:C100364

Analyse

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers , du 8 janvier 2014