Abattage sauvage et responsabilité civile

CA Bastia, ARRET N° du 18 DECEMBRE 2013

R.G : 12/00371 R-FL

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 17 Janvier 2012, enregistrée sous le n° 09/02156

X C/ Y

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE

APPELANT :

M. Joseph Louis X

né le 26 Septembre 1955 à BASTIA (20200)

assisté de Me Olivier PELLEGRI, avocat au barreau de BASTIA

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro .......du 31/05/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMEE :

Mme Marie-Françoise Y

née le 02 Mars 1949 à BASTIA (20200)

ayant pour avocat Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP RETALI GENISSIEUX, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 octobre 2013, devant la Cour composée de :

M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre

Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

Mme Françoise LUCIANI, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2013

ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Au motif que Joseph X a fait procéder le 6 mars 2009 à des coupes d'arbres sur la propriété de Marie-Françoise Y sans son autorisation, le tribunal de grande instance de Bastia l'a condamné par jugement du 17 janvier 2012 à verser à cette dernière les sommes de :

- 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l'article 1384 du Code civil;

- 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. X a formé appel de cette décision le 27 avril 2012.

Vu les dernières conclusions de l'appelant, déposées le18 juillet 2012, sollicitant :

- l'infirmation du jugement,

- le rejet des demandes de Marie-Françoise Y,

- sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- sa condamnation aux dépens.

Vu les dernières conclusions déposées le 8 octobre 2012 par Mme Y, qui, formant appel incident, sollicite :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré M. X responsable envers Marie-Françoise Y pour avoir ordonné à ses fils de procéder à la coupe d'arbres garnissant la propriété de cette dernière sans son autorisation,

- son infirmation en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts dont elle sollicite l'élévation à 10'584,00 euros

correspondant à la valeur des arbres coupés, 585,00 euros pour les travaux forestiers consécutifs à la coupe, 280 euros pour la perte de quatre stères de bois non récupérées, 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- en tout état de cause, la condamnation de Joseph X au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 12 juin 2013.

SUR CE :

Sur la faute de Joseph X :

Il n'est pas contesté que M. X a demandé à son fils Guillaume de nettoyer la bordure de terrain jouxtant sa propriété, appartenant à Mme Y ; que ce faisant, il a fait abattre deux arbres sans le consentement de la propriétaire. Les faits sont expressément reconnus par l'appelant qui estime qu'ils ne sont pas fautifs puisqu'ayant comme seul but de protéger sa propriété en particulier et l'environnement en général contre les risques d'incendie. L'intimée conteste cette affirmation.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. X n'établit pas que cette coupe s'imposait, et ce sans l'autorisation de Mme Y. En effet :

- dans les courriers qu'il a adressés à Mme Y le 6 janvier 2009 et le 10 février 2009, l'intéressé n'a nullement évoqué les risques d'incendie mais les risques de bouchage du ruisseau, à cause d'arbres et broussailles qui y seraient tombés,

- l' attestation de M. W évoque la chute d'arbres venant de la propriété de Mme Y, sur sa propre propriété et non pas sur celle de M. X,

- il ressort du procès-verbal de gendarmerie que les deux frères X entendaient effectuer un défrichage à la demande de leur père, que «la coupe des deux arbres n'était pas prévue à l'origine mais que pour se dédommager de leur travail ils en avaient eu l'idée»,

- aucune pièce n'établit que les arbres coupés représentaient un réel danger,

- les attestations de Dominique ..., Max ...., Janick ...., Yves ..., démontrent que les terrains de Mme Y étaient normalement entretenus. Le maire du village confirme qu'à sa connaissance il n'y avait d'arbres ni de branches sur la voirie comme sur la clôture limitrophe.

Dans la mesure où l'intervention de M. X sur la propriété de Mme Y n'était en rien justifiée, et où il est avéré que la propriétaire n'a jamais donné son autorisation pour ce faire, la faute de M. Leoni, au sens de l'article 1384 du Code civil doit être reconnue comme l'a fait le premier juge.

Sur le préjudice :

Tout en soulignant qu'il est difficile de mesurer l'importance des dégradations imputables à M. X , le premier juge s'est fondé sur un procès-verbal de constat d'huissier du 29 mars 2010 pour retenir que plusieurs chênes ont été coupés ; il a évalué le préjudice matériel de façon forfaitaire en écartant deux rapports d'expertise non contradictoires.

L'appelant estime que ce préjudice a été surévalué. Il considère par ailleurs que le préjudice moral invoqué par Mme Y est inexistant.

L'intimée se fonde sur les rapports d'expertise amiable de MM Bonfort et Retali pour évaluer son préjudice matériel et fait valoir un préjudice moral lié à son attachement pour sa propriété et à la mauvaise foi de ses voisins.

Cependant il convient de considérer que selon les constatations des gendarmes faites le jour même, deux chênes ont été coupés, l'un de 2,07 m de circonférence et le second de 1,10 m de circonférence ; cette constatation est confirmée par le maire du village dans son attestation du 17 avril 2009.

Le constat du 29 mars 2010, dressé plus d'un an après les faits, révèle que certains arbres ont été coupés, mais ces coupes ne sauraient être imputées avec certitude aux consorts X . Enfin, et surtout, il ressort des constatations des gendarmes comme de l'audition d'Olivier Y, fils de l'intimée, que tout le bois a été pris par lui et remisé en lieu sûr. Par conséquent le préjudice résulte uniquement de la disparition des arbres du paysage, à l'exclusion de leur valeur marchande comme bois coupé. À défaut d'autres méthodes d'évaluation qui seraient proposées par l'appelant, il est possible de se référer aux propositions de l'expert Bonfort, missionné par l'intimée et dont les conclusions ont été soumises à la contradiction des parties, et de retenir ainsi une valeur de 5 000 euros pour les deux arbres abattus.

Le préjudice moral, compte tenu de ce que les faits s'inscrivent dans un contexte de voisinage tendu, peut-être fixé à 2 500 euros. Le premier jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions y compris celles concernant les dépens et l'application de l' article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel l'intimée peut prétendre à une indemnité de 1 000 euros sur ce dernier fondement.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Joseph X à payer à Mme Marie-Françoise Y la somme de MILLE EUROS (1000 euros) sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile

Condamne Joseph X aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT