Avis sur le consentement des personnes vulnérables

JORF n°0158 du 10 juillet 2015

texte n° 126

AVIS

Avis sur le consentement des personnes vulnérables

NOR: CDHX1513727V

ELI: Non disponible

Assemblée plénière du 16 avril 2015

(Adopté à l'unanimité)

1. Par lettre du 5 janvier 2015, la secrétaire d'Etat chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie sollicitait « un avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur les possibles évolutions législatives, réglementaires et de pratiques professionnelles permettant de mieux respecter les droits des personnes et d'assurer la meilleure expression possible de leur volonté lorsque leurs facultés deviennent altérées ». Cette demande de la secrétaire d'Etat revient à s'interroger sur les façons dont on peut assurer le respect effectif des droits des « personnes vulnérables » - en particulier les personnes âgées en perte d'autonomie - en conciliant le respect de l'autonomie et l'impératif de protection.

2. On constate en effet depuis quelques décennies que la place accordée à la personne et à son consentement est devenue une préoccupation importante des institutions sanitaires et sociales, qui ont pris acte de la Recommandation R (99) 4 du 23 février 1999 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe laquelle pose les principes de la « prééminence des intérêts et du bien-être de la personne » et du « respect de ses souhaits et de ses sentiments », et affirme dès lors, qu'« une mesure de protection ne devrait pas automatiquement priver la personne concernée du droit (…) de prendre toute décision de caractère personnel, ce à tout moment, dans la mesure où sa capacité lui permet » (1). Ainsi en est-il, par exemple, du rôle qui est laissé au malade dans la relation de soins (2), de celui qui est accordé à l'usager dans l'action sociale (3), et du respect de l'autonomie de la personne placée sous mesure de protection (4).

3. Pour autant, les entretiens et les recherches menés par la CNCDH ont montré que, dans la pratique, les réalités sont encore trop contrastées et les droits des personnes particulièrement vulnérables à décider pour elles-mêmes sont loin d'être toujours respectés. Leur consentement ou leur refus est encore trop souvent éludé lorsqu'il n'est pas purement et simplement écarté, au motif de protéger la personne, dont le jugement serait altéré, contre elle-même. Cette situation concerne majoritairement les personnes âgées. Celles-ci n'ont souvent plus les moyens de s'exprimer, et ont peu de recours pour défendre leurs conditions de prise en charge par le système de santé, contrairement à d'autres personnes vulnérables, comme les personnes malades qui peuvent avoir recours à des associations de malades. L'univers de l'EHPAD (5) est celui du silence qui ne se rompt que si le scandale éclate. Le domicile est encore plus opaque et peut devenir lui aussi un lieu de maltraitance.

4. Cette attention accordée au consentement prend place dans un débat plus large de philosophie du droit entre deux conceptions de la personne humaine. Ainsi, aux tenants d'une approche « subjective » de la personne s'opposent les tenants d'une conception « anthropologique » de celle-ci. Selon la première approche, c'est l'autonomie du sujet qui est mise en avant, à savoir sa capacité d'autodétermination, « son pouvoir de soi sur soi ». En tant qu'il est l'expression de la volonté de la personne, le consentement donné est ici central pour reconnaître la légitimité des engagements. Selon la seconde approche, c'est la dignité de la personne qui est première et qui relativise par conséquent la portée de l'autodétermination. Celle-ci peut être en effet disqualifiée dès lors qu'elle porte atteinte à l'intégrité de soi ou à la dignité humaine.

5. Ce débat interroge les droits de l'homme et la notion de consentement apparaît, voire sous-tend, un grand nombre des avis de la CNCDH, sans que celle-ci ait jusqu'ici cherché à le définir ou à le questionner (6). Pourtant, le « consentement » se révèle d'une acception particulièrement délicate, et il peut revêtir des sens différents selon que son appréhension est juridique, médicale, philosophique ou éthique. Cet avis est donc l'occasion de revenir sur la notion de consentement et de l'analyser à travers l'exemple des personnes vulnérables, en s'interrogeant sur les moyens de respecter l'autonomie des personnes vulnérables tout en assurant, si nécessaire, leur protection.

I. - ESSAI DE DÉFINITION

6. Le droit envisage le consentement comme une manifestation de la volonté. On doit ainsi pouvoir distinguer la volonté elle-même du consentement qui n'en est que la manifestation. La volonté, faculté de l'esprit, ne produira d'effet de droit, en principe, qu'à la condition de s'extérioriser par un consentement. Le consentement assure le passage de la délibération interne à la conscience à la décision, décision qui engage. En outre, le consentement permet de porter à la connaissance d'autrui sa propre volonté, son expression subjective devenant ainsi intersubjective, voire objective. D'un point de vue juridique, la volonté constitue la source de l'engagement et sa mesure. C'est la conception retenue dans la théorie de l'autonomie de la volonté sur laquelle repose le droit français. Le consentement peut alors se définir comme la volonté d'engager sa personne ou ses biens, ou les deux. Le consentement, symbole d'extériorisation de la volonté, se distingue toutefois de cette dernière, dans la mesure où il est plus réduit que la volonté en ce sens que la volonté peut s'exercer sur tout, tandis que le consentement ne peut porter que sur le possible (7).

7. Cependant, aussi bien l'usage courant du terme que ses définitions lexicographiques, tout comme les situations dans lesquelles on y recourt montrent que le consentement est quasi systématiquement le produit d'une tension : tension entre le souhaité et le possible, entre le désir légitime de l'individu et l'autorité d'une instance extérieure, qu'il s'agisse d'un sachant (médecin, juriste…) ou d'une norme sociale. Dans ces conditions, la notion de consentement ne peut se réduire à la forme binaire que connaît le droit, mais renvoie plutôt à la plus forte adhésion possible à une proposition. Il devient donc essentiel de s'assurer que le consentement soit libre et éclairé. C'est notamment le cas dans les situations les plus fréquemment rencontrées pour les personnes âgées et/ou vulnérables qui nous occupent ici : choix du lieu de résidence, placement en institution, consentement aux soins et aux traitements, prise en charge de certains actes de la vie courante, instauration d'une mesure de protection.

8. Lorsqu'une personne est majeure, en pleine possession de ses moyens - quels que soient son âge, son état de maladie, de handicap ou de conditions sociales - et qu'elle est en mesure d'exprimer sa volonté, la question du consentement se pose de manière assez simple. Le consentement l'engage, sauf éventuellement s'il est affecté d'un vice que l'on pourrait qualifier d'externe (erreur, dol ou violence - théorie des vices du consentement). Les difficultés surviennent lorsque la personne n'est pas en pleine possession de ses moyens - soit qu'elle ait des difficultés à s'exprimer, soit que sa volonté soit imparfaite (volonté immature, facultés altérées). C'est l'articulation volonté-consentement qui fait difficulté : une des problématiques naît de ce qu'une personne peut être dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté, et donc être dans l'impossibilité de consentir, une autre difficulté naît de ce qu'une personne peut exprimer un consentement, mais la volonté qui sous-tend ce consentement est fragile.

9. En réalité, le consentement peut ne pas être exprimé de manière totalement déterminée, et il demeure toujours sujet à des évolutions ; en ce sens la prudence reste requise à la fois dans la réception mais aussi dans l'usage du consentement. Ainsi, il convient de ne pas considérer pour définitivement acquis le consentement recueilli : il importe de ne pas enfermer l'individu dans un choix antérieur et de s'assurer de l'actualité du consentement. Le consentement doit être réversible et l'on doit accorder à l'individu la faculté, à tout instant, de se dédire, si possible (8).

II. - CAPACITÉ, VULNÉRABILITÉ

10. Dans une société moderne, les individus sont présupposés autonomes. Le sujet de droit est donc une personne capable, la capacité étant, selon l'article 1123 du code civil (9), le principe : il est libre de ses actes, il répond de ses faits. Sans doute est-il l'objet de multiples déterminations, sans doute évolue-t-il dans un univers incertain, si bien que son libre-arbitre ne saurait exister de manière absolue et pure. Cependant, il n'est pas contraint ou ignorant au point qu'il faille nier sa liberté. Celle-ci est relative, elle n'est pas sans consistance. Dès lors, en droit, la personne vulnérable peut se définir comme celle qui n'est pas en mesure d'exercer tous les attributs de la personnalité juridique. Le droit reconnaît deux sortes d'êtres vulnérables. Il y a tout d'abord les enfants, qui du fait de leur minorité sont trop vulnérables pour accomplir seuls les actes de la vie civile. Dans son principe, la reconnaissance de leur vulnérabilité ne pose pas de difficulté particulière, dès lors qu'elle prend nécessairement fin à leur majorité. Parfois, elle peut néanmoins être questionnée, dans ce cas, pour certains actes personnels, le consentement du mineur est une condition préalable : en matière d'adoption (10), de changement de nom (11), ou d'informations et de décisions médicales (12). Une dérogation générale est également possible par l'émancipation (13). Il y a ensuite ceux qui pendant longtemps ont été appelés des « incapables » majeurs et que l'on appelle désormais « personnes protégées » et qui bénéficient d'une mesure de protection juridique. Il semble raisonnable, du fait d'une altération de leurs facultés cognitives et relationnelles, ou corporelles, d'admettre qu'ils ne peuvent ou ne pourront plus seuls veiller à la protection de leurs intérêts. Il faut donc prévoir une protection continue, vraisemblablement jusqu'à la fin de leur vie, dont les termes ont été profondément réformés par la loi du 5 mars 2007. Le régime protecteur est lourd, contraignant pour la personne jugée incapable. Il faut donc être vigilant avant de reconnaître la vulnérabilité de cette dernière. La première chambre civile de la Cour de cassation en est parfaitement consciente lorsqu'elle rappelle avec constance aux juges du fond qu'ils ne peuvent se contenter d'une approche impressionniste de l'état de vulnérabilité justifiant le placement sous un régime d'incapacité (14). Il leur revient de vérifier avec précision, d'une part, l'altération des facultés de la personne concernée, d'autre part, la nécessité de mettre en place de manière continue des mesures de protection. La jurisprudence de la première chambre civile met largement en œuvre les principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité et d'individualisation des mesures de protection aujourd'hui expressément consacrés par la loi du 5 mars 2007 (article 428 du code civil [15]).

11. Si l'incapacité, telle qu'elle est appréhendée par le code civil, répond à l'évidence à la définition de la vulnérabilité, la vulnérabilité se détache progressivement de l'incapacité. L'état de vulnérabilité est désormais plus aisément reconnu et pris en considération sans nécessairement entraîner l'application de règles protectrices lourdes entravant substantiellement la liberté d'action de leur bénéficiaire. Peuvent ainsi être considérées comme des personnes vulnérables celles qui ne sont pas en mesure d'exercer suffisamment correctement leurs droits et libertés, du fait de leur situation pathologique ou de handicap, ou de leur âge, ou de leurs conditions économiques d'existence ; elles sont à ce titre particulièrement exposées - plus que la moyenne de la population comparable - à des risques d'altérations physiques, mentales, sociales à court ou plus long terme, dont des violences et/ou négligences de toute sorte. Entrent dans cette catégorie : les personnes âgées, les personnes handicapées ou dont la santé est précaire, les personnes physiquement et psychologiquement faibles, les personnes vivant dans des conditions d'extrême pauvreté. L'introduction d'une conception large de la vulnérabilité dans l'analyse du droit est le signe d'une extension et d'une diversification des dispositifs de protection, autrefois cantonnés dans le seul droit des incapacités (16).

12. Il convient par conséquent de souligner que si la très grande majorité des personnes vulnérables ne sont pas placées sous un régime de protection judiciaire, elles doivent néanmoins pouvoir bénéficier de dispositifs protecteurs (17) qui leur garantissent les moyens d'exercer leurs droits et libertés. C'est particulièrement le cas en matière de recueil du consentement. Ainsi, pour une large majorité, les personnes vulnérables ne sont pas des personnes dont la volonté ou le discernement sont altérés ; mais leur état de vieillissement, leur pathologie, le contexte social, sanitaire et économique dans lequel elles vivent, les placent dans une situation de vulnérabilité particulière et contraignent leur choix (18). Dès lors, il convient de veiller plus particulièrement à l'expression, au recueil, à l'actualité et au respect de leur consentement.

13. L'étude des dispositions législatives montre que celles-ci ont connu ces dernières années des évolutions importantes, tendant à mettre en œuvre certaines préconisations du Conseil de l'Europe qui rappellent que « le principe de la liberté de choix est fondamental afin de garantir le respect de la dignité et de l'autodétermination de la personne dépendante » (19) et que les principes suivants doivent prévaloir à l'instauration de toute mesure de protection :

- « préservation maximale de la capacité » de la personne ;

- « nécessité et subsidiarité » de la mesure de protection ;

- « prééminence des intérêts et du bien-être de la personne » ;

- « respect des souhaits et des sentiments de la personne » (20).

14. Avant loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, la question du consentement des personnes particulièrement vulnérables du fait d'altérations physiques ou mentales était envisagée sous le prisme de la capacité entendue de manière purement binaire : « on est capable et on peut consentir à tout » ; « on est incapable et on ne peut consentir à rien ». Le majeur placé sous curatelle ou tutelle était incapable. La loi du 5 mars 2007 a nuancé les choses. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le droit ne parle plus d'incapacité mais de « majeurs protégés par la loi » (21). La grande innovation de la loi de 2007 est d'avoir instauré un système de consentement que l'on pourrait qualifier de gradué pour les actes qui touchent le plus fondamentalement à la personne.

15. Ainsi la loi prévoit, s'agissant des « actes dont la nature implique un consentement strictement personnel », que le système de représentation ou d'assistance est purement et simplement écarté : « la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant » (22), le majeur protégé ne peut être ni assisté, ni représenté pour ces actes qui exigent qu'il exprime lui-même sa volonté. Si la personne n'est pas en état de consentir elle-même, ces actes ne pourront être accomplis. Le législateur a choisi de ne pas empiéter sur les prérogatives inhérentes à la personne, pour éviter de porter atteinte à sa dignité, quelles que puissent être les conséquences, même pour autrui, si la personne est de fait incapable de consentir à de tels actes. Concernant les actes relatifs à l'autorité parentale, cette disposition semble être en contradiction avec « l'intérêt supérieur de l'enfant » d'être protégé et élevé par des adultes ayant pleinement la capacité d'agir. Du point de vue de l'enfant, cette disposition législative est inadaptée à la protection de l'enfance : un majeur protégé ne peut prendre seul des décisions concernant sa propre santé, mais pourrait prendre seul des décisions concernant la santé de son enfant. Le magistrat devrait systématiquement s'interroger à ce sujet, afin que soit associé le tuteur ou le curateur à toute prise de décision, lorsqu'une mesure de protection est envisagée.

16. Pour toutes les autres décisions relatives à la personne du majeur protégé, l'appréciation de son discernement au cas par cas (23) doit être le principe. Si le majeur est en état de prendre seul la décision de manière éclairée, il consent seul ; s'il a besoin d'être assisté, il consent avec l'assistance de son tuteur ou curateur, de sa personne de confiance ou de son mandataire de protection future ; s'il a besoin d'être représenté, c'est son représentant qui consent pour lui. Ces dispositions ont le mérite de permettre de prendre en considération les spécificités de chacun et de tenir compte du discernement, critère plus intéressant que celui de la capacité en matière de consentement : un majeur protégé peut avoir un discernement suffisant pour consentir à tel type d'acte et pas pour tel autre ; il peut avoir un meilleur discernement qu'un majeur non protégé mais très vulnérable.

III. - PRÉCONISATIONS

17. Les auditions conduites par la CNCDH ont montré que la notion de consentement gradué, introduite par la loi du 5 mars 2007, a contribué à favoriser la prise en compte de l'autonomie de la personne protégée ou vulnérable. Des améliorations peuvent encore être réalisées, en particulier sur le plan des pratiques, et aussi, dans une moindre mesure, sur le plan législatif.

A. - Le cadre législatif

18. Les auditions indiquent qu'il n'est pas nécessaire de modifier plus avant le cadre législatif, à l'exception toutefois d'une question : l'articulation imparfaite entre le code civil et le code de la santé publique. Les auditions ont permis de relever que des difficultés subsistent, notamment au plan médical, du fait de la primauté, en la matière, du code de la santé publique sur le code civil, alors même que les dispositions prévues dans le code de la santé publique sur la question du consentement aux soins médicaux n'ont pas été réformées depuis 2002, et qu'elles sont donc antérieures et moins « avancées » que les dispositions prévues par le code civil (24). Selon divers praticiens du droit, le code de la santé publique n'envisage que le cas du patient sous tutelle et ignore la curatelle (pour les dispositions générales sur le droit à l'information et sur le recueil du consentement aux soins). De plus, il réduit le patient sous tutelle à son incapacité et reste dans l'idée que ce patient doit nécessairement être représenté. Ainsi, le consentement du tuteur doit obligatoirement être recueilli quelles que soient les facultés de discernement du patient, et le refus de soins du patient sous tutelle n'est pas envisagé, seul le refus du tuteur est envisagé (25).

19. En outre, le refus éventuel du tuteur n'apparaît pas comme un obstacle absolu aux soins, contrairement au refus émis par le patient qui n'est pas sous tutelle. Autrement dit, que ce soit de manière directe ou par le biais de son représentant, le patient sous tutelle ne semble pas avoir de véritable moyen de refuser les soins. Il y a donc pour lui une présomption de consentement aux soins médicaux. La loi s'en tient à la question de la « capacité » au lieu de s'attacher à celle du discernement du patient (critère qui permettrait de mieux tenir compte de sa volonté). Les gériatres soulignent d'ailleurs ce point et adaptent d'ores et déjà leurs pratiques en fonction du discernement des patients. Les personnes auditionnées estiment qu'il faudrait que les dispositions du code de la santé publique évoluent pour suivre le mouvement qui s'est dessiné ces dernières années consistant à revenir sur la logique binaire de l'incapacité. Elles pourraient retenir le consentement gradué pour favoriser l'autonomie de la personne dont la volonté peut être imparfaite mais qui souhaite tout de même l'exprimer et consentir, et qui doit pouvoir le faire en fonction de son discernement. La CNCDH estime que cette question de l'articulation entre code civil et code de la santé publique doit être étudiée plus spécifiquement, une réforme législative doit intervenir sur ce point.

B. - Faire évoluer les pratiques

20. Les auditions ont montré que l'essentiel des préconisations qui peuvent être faites en matière de consentement de la personne vulnérable et de respect de son autonomie concerne les pratiques et la bonne mise en œuvre des textes. D'une manière générale, il est impératif que ces pratiques garantissent un consentement aussi éclairé que possible. On note en effet une dissymétrie importante dans la relation entre la personne qui a l'initiative de proposer une ou des solutions au(x) problème(s) rencontré(s) et la personne en situation de vulnérabilité : celle-ci accepte ou refuse, elle ne propose pas, et bien souvent l'autonomie du choix de la personne est limitée par l'ascendant (volontaire ou involontaire) et l'autorité de celui qui propose (médecin, famille, travailleur social, institution…). Il conviendrait donc que s'instaure, en amont de l'expression du consentement, un dialogue entre celui ou ceux qui proposent (qu'il s'agisse de particuliers ou d'institutions) et la personne dont le consentement est recherché, accompagnée si nécessaire de la ou des personnes de son choix. Le recueil du consentement doit être précédé d'un temps durant lequel une information précise sur les possibilités existantes, leurs conditions de mise en œuvre et leurs conséquences peut être délivrée à l'intéressé, mais aussi à son entourage. Ceci implique à la fois une formation des personnels médicaux, sociaux ainsi que juridiques sur les bonnes pratiques en matière de recueil et de respect du consentement, et une information des familles et des aidants familiaux. Cette formation doit s'accompagner de débats professionnels associant les diverses spécialités pour construire ensemble de bonnes pratiques. Elle implique que soient introduites des démarches éthiques pour que les décisions soient prises dans l'intérêt de la personne vulnérable, et non de la stricte application des aspects juridiques et réglementaires. Au-delà de ce cas général, des améliorations peuvent être apportées dans deux domaines : d'une part l'anticipation du recueil du consentement des personnes vulnérables pour s'assurer au mieux du respect de leur volonté le moment venu, et d'autre part la recherche, plus que de son consentement, de l'adhésion de la personne vulnérable lors de la mise en œuvre de mesures la concernant.

1. Anticiper le recueil des volontés de la personne vulnérable

21. Un certain nombre de dispositions légales et réglementaires doivent déjà faciliter l'expression du consentement en renforçant l'autonomie juridique et de fait de la personne vulnérable. En la matière, les textes législatifs, réglementaires ou jurisprudentiels existent et la priorité aujourd'hui est, non pas de légiférer encore, mais plutôt de faire connaître les injonctions légales et les normes existantes en matière de bonne information et de bonne communication dans les pratiques. En ce sens, l'avis de la CNCDH, de juin 2013, sur l'effectivité des droits des personnes âgées recommande de développer les actions d'information sur les dispositifs permettant d'organiser à l'avance la protection des personnes vulnérables et le respect de leurs volontés (26).

22. Créée par la loi du 5 mars 2002 (dite loi Kouchner) (27) et renforcée par la loi du 22 avril 2005 (dite loi Leonetti) (28), la fonction de personne de confiance est encore trop peu connue et utilisée. Faire connaître la possibilité d'être assisté par une personne de son choix dans tout processus de consentement aux soins et de changement du lieu de vie est un axe prioritaire d'information des personnes âgées. Simultanément, il convient aussi de faire connaître son rôle de témoin privilégié dans les processus de concertation sur les décisions d'arrêt de traitement de fin de vie.

23. La loi du 22 avril 2005 a introduit dans le code de la santé publique la procédure des directives anticipées dont l'usage reste très faible (2 à 3% seulement de la population en rédigent) (29). Promouvoir les directives anticipées pour toute personne vieillissante apparaît donc comme une nécessité sanitaire importante, compte tenu du constat très largement partagé des mauvaises conditions, notamment relationnelles, dans lesquelles se déroulent les derniers instants de la vie, le plus souvent hors de chez soi et dans un établissement de soins médicaux. L'établissement de directives anticipées est également un outil d'expression de sa volonté dans le dialogue entre la personne et ses médecins, que la future loi sur la fin de vie va rendre important compte tenu de l'évolution vers le caractère contraignant et opposable des directives anticipées. La mise en place d'un cadre plus formel que les dispositions actuelles serait une opportunité pour mettre en place dans l'ensemble du système de santé les mesures nécessaires à la diffusion et à la prise en compte des directives anticipées.

24. Le mandat de protection future, disposition prévue dans le code civil depuis la loi du 5 mars 2007 (30) et actuellement très peu connue, permet d'anticiper la mise en place de dispositions souhaitées par tous les intéressés, mandant et mandataire désignés. C'est un outil indispensable à la concrétisation d'un pacte de prise en charge de la personne vulnérable qu'il faut protéger. C'est également un outil juridique qui facilite la mise en place de coordination de soins et d'aide à la personne, celles-ci impliquant en effet des affectations de ressources propres importantes qui vont ponctionner lourdement le patrimoine familial en cas de longue période de dépendance. Faire mieux connaître le mandat de protection future permettrait de préserver l'autonomie des personnes en cas de perte de compétences et de niveau de dépendance impliquant une assistance lourde à domicile ou en établissement. Le mandat de protection future est un outil juridique d'une grande souplesse, permettant de jeter les bases d'une organisation de la dépendance en fonction des personnes et des structures sociales. Afin d'atténuer les risques d'arbitraire et/ou de manques de compétences, les mandataires peuvent être multiples selon les missions confiées (mandat de gestion financière, mandat de prise en charge de la personne). Des mandataires suppléants sont possibles. Certaines missions peuvent être défrayées selon les modalités prévues par le mandat. Il serait par ailleurs nécessaire de réfléchir à une meilleure articulation entre mandat de protection et directives anticipées, ainsi qu'entre mandataire et personne de confiance. Des mesures de coordination de nature réglementaire pourraient être mises en place pour assurer une meilleure cohérence des dispositifs.

a) Rechercher l'adhésion du majeur placé sous protection juridique :

25. Lorsqu'une personne majeure est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, elle peut bénéficier d'une mesure de protection juridique. Pour la mise en place d'une telle mesure, le juge des tutelles est saisi. Il devra rechercher le consentement de la personne lors de l'ouverture, du renouvellement ou au cours de la mesure.

26. Le juge des tutelles est saisi par une requête émanant de la personne qu'il y a lieu de protéger, ou de son conjoint, son partenaire ou un proche, ou du procureur de la République soit d'office, soit à la demande d'un tiers, notamment les directeurs d'établissements sanitaires ou médicosociaux. La requête doit être accompagnée d'un certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République. Il faut insister sur l'importance de ce document d'expertise médicale, dans la mesure où l'avenir de la personne, l'exercice de ses droits, et l'organisation de sa vie restante en dépendent en grande partie. Recrutement des experts et contenu du certificat médical qui leur est demandé sont donc des questions essentielles. La profession médicale a une lourde responsabilité dans la manière dont elle appréhende, utilise et formule des conclusions appuyées sur des connaissances scientifiques qu'elle est seule à même d'élaborer. Il semblerait, à travers les auditions conduites par la CNCDH, qu'il lui faut trouver le moyen de mieux expliciter les éléments dûment constatés ou encore hypothétiques amenant à certifier une mesure de protection et une limitation de la liberté de la personne. Le discours médical manque souvent de clarté pour ceux qui ont à en tirer les conséquences. On attendrait des professionnels qu'ils organisent une conférence de consensus destinée à formuler la manière dont ils décrivent la pathologie, à l'usage d'une société peu informée et de l'autorité judiciaire. Elle pourrait être aussi l'occasion de préciser ce que devraient être les niveaux de compétences requis en formation médicale, initiale et continue, pour exercer au mieux ce type de mission.

27. Ainsi, l'inscription des médecins sur la liste du procureur de la République pourrait être subordonnée au suivi d'une formation juridique théorique (concernant les mesures de protection et le consentement de la personne) et pratique (en assistant à des auditions avec un juge des tutelles). Le certificat médical délivré par le médecin agréé ne prend pas, aujourd'hui, en compte le dossier médical et social de la personne à l'égard de laquelle le juge doit se prononcer. Cette recherche d'information et l'analyse du parcours de la personne vulnérable sont des éléments déterminants d'évaluation par le médecin expert puis par le juge. Cette prise en compte devrait devenir la règle.

28. Les juges des tutelles pourraient quant à eux bénéficier d'initiations aux moyens alternatifs de communication ainsi que d'une formation concernant les pathologies les plus couramment rencontrées aux fins de déterminer la mesure la plus appropriée à mettre en œuvre pour que la personne conserve le plus possible son pouvoir décisionnel au regard de l'altération de ses facultés mentales.

29. Afin de veiller au meilleur respect de l'autonomie des personnes protégées, on pourrait prévoir, en amont de son audition, une information personnalisée de la personne à protéger et de ses proches et personne de confiance, sur le contenu de la mesure de protection, afin que lors de ladite audition son consentement ou son refus de consentir soit plus éclairé. Cette mission pourrait être confiée à des professionnels spécialement formés à cet effet sur les plans juridique et de la communication alternative, par exemple des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Dans tous les cas, il ne saurait y avoir de dispense d'entretien préalable avec la personne à protéger en raison de son incapacité présumée, et la procédure devrait permettre, voire susciter, les réactions de la personne concernée sous la forme d'une expression, même confuse, de sa volonté.

30. Lorsqu'il décide de la mise en place d'une mesure de protection, le juge doit aborder avec la personne concernée les cinq points suivants : l'opportunité d'une mesure de protection, le type de mesure, l'étendue de celle-ci et la personne chargée de l'exercer, et la prise de décision concernant le devenir de son ou ses enfants mineurs. Le consentement de l'intéressé doit être systématiquement recherché. Le choix de la mesure doit être proportionné au degré d'altération des facultés. Il existe principalement trois types de mesure de protection judiciaire qui s'appliquent seulement, selon un principe de subsidiarité, s'il n'existe aucun autre moyen de pourvoir aux intérêts de la personne (31) : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle (32).

31. Depuis la loi du 5 mars 2007, la mesure de protection peut porter soit uniquement sur le patrimoine, soit uniquement sur la personne, soit sur les deux. Si le contenu de la protection des biens est assez facile à cerner, la protection de la personne est beaucoup plus délicate à appréhender. Elle concerne des actes tels le choix du lieu de résidence, le choix du lieu de vacances, la pratique de loisirs, l'organisation des fréquentations, la pratique d'une religion… La discussion porte également sur le choix de la personne chargée d'exercer la mesure. Il peut s'agir d'un membre de la famille, d'un proche et à défaut d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Il est important que le majeur à protéger puisse se prononcer librement sur ce point, hors la présence de ses proches dans un premier temps. Si le majeur à protéger donne son consentement pour que l'un ou l'autre membre de la famille assure la mission ou plutôt un tiers, il convient de respecter prioritairement ce choix.

32. Avant la loi du 5 mars 2007, les mesures de protection étaient définitives sauf si une mainlevée était prononcée avant le décès de la personne protégée. Cette dernière pouvait n'avoir été entendue par le juge qu'à une seule reprise, lors de l'ouverture de la mesure. Le juge n'avait aucun moyen de vérifier si le consentement de la personne était respecté par le tuteur ou le curateur pendant l'exercice de la mesure. L'instauration d'une révision obligatoire des mesures en cours à compter du 1er janvier 2009 a eu pour conséquence de permettre aux personnes bénéficiant déjà d'une mesure de protection de rencontrer le juge, sauf avis médical contraire. Au cours de cet entretien, le consentement de la personne est systématiquement recherché. Rares sont les cas où la mesure de protection est remise en cause et où la personne protégée ne consent pas à son renouvellement. Les auditions entreprises ont cependant permis de mettre en lumière des situations, principalement lors de mesures confiées aux familles, où le consentement de la personne était totalement bafoué, l'intéressé étant maintenu dans une situation de dépendance qui ne se justifiait pas ou plus et n'étant associé à aucune décision qui lui aurait permis d'augmenter sa capacité de consentement. Même si cette révision obligatoire est un premier pas vers plus de respect des droits fondamentaux de toute personne, il semble qu'elle n'est pas suffisante dès lors qu'elle intervient à une trop faible fréquence. Alors qu'en l'état actuel de la loi, le renouvellement de la mesure peut être prononcé, après avis médical, pour une période de vingt ans, il conviendrait de prévoir une révision plus régulière de la mesure de protection, celle-ci pourrait intervenir tous les trois ans (33).

33. Pendant la vie d'une mesure de protection, c'est surtout la personne chargée de l'exercer qui doit veiller à rechercher le consentement du majeur protégé pour les actes courants, principalement en curatelle. Le juge n'a que peu de moyens lui permettant de le vérifier. Il conviendrait d'instaurer une évaluation annuelle de la mesure en cours par un tiers extérieur à la mesure, par exemple un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, afin de vérifier si le consentement de la personne est respecté par le chargé de la mesure, s'il n'y a pas eu une évolution favorable de la capacité de consentement permettant éventuellement d'envisager un allégement de la mesure, si des objectifs de progression pour la personne protégée, notamment dans la gestion patrimoniale, pourraient être fixés.

34. La mise en place des mesures de protection, décision du juge et choix de la personne en charge des mesures décidées, ne sont suivies d'aucun dispositif d'accompagnement. Ces dispositifs doivent être créés et doivent être intégrés dans les bonnes pratiques de coordination des services de soins, d'assistance et d'accompagnement des personnes vulnérables. Dans le cas des personnes âgées, de nombreux dispositifs existent et se développent pour coordonner la prise en charge de la vulnérabilité sur les plans sanitaire, médico-social et social. Il serait important que la mise en place des mesures de protection soit intégrée à ceux-ci de manière beaucoup plus systématique qu'elle ne l'est aujourd'hui. Il serait également souhaitable de prévoir la possibilité pour le juge, s'il estime qu'une situation complexe mériterait d'être traitée en collégialité, d'un renvoi du dossier devant un organe décisionnel pluridisciplinaire composé d'un médecin, d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) et du juge pour statuer sur la mesure de protection.

35. Ces préconisations appellent une remarque : le manque de moyens alloués par le ministère de la justice pour suivre et contrôler l'application de la loi, ce qui a des effets délétères dans la mise en œuvre concrète des dispositifs. On compte aujourd'hui moins d'une centaine de juges des tutelles en France, en équivalent-temps plein (ETP), responsables d'environ 800 000 majeurs protégés (34). Ce nombre ne peut suffire. Selon des magistrats spécialistes de la matière, il faudrait, dans l'idéal, créer des postes de magistrats entièrement dédiés à la protection juridique des majeurs, au sein de chaque tribunal d'instance. Il est indispensable que les moyens alloués soient en adéquation avec l'enjeu : la protection des plus vulnérables d'entre nous. Le nombre de greffiers en chef est également largement insuffisant pour contrôler les postes et factures des comptes de gestion des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) et des autres gestionnaires (35), ce qui signifie qu'une très large majorité des comptes ne sont tout simplement pas vérifiés et qu'il est fort probable qu'un nombre non négligeable de majeurs protégés soient victimes d'abus de confiance, sans que cela soit connu. Se pose également la question de l'insuffisante formation des acteurs :

- absence de formation des juges aux motifs de placement sous protection comme la gérontologie, la psychiatrie, la psychologie, les addictions, etc. ;

- formation insuffisante des greffiers à la comptabilité de gestion ;

- formation aléatoire et inégale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) pour le Certificat national de compétences, du fait de l'absence de diplôme d'Etat. Carence en notions générales de droit commun, de droit social, de comptabilité, de gestion de patrimoine, de gestion bancaire, aucune formation en gériatrie, psychiatrie et en psychologie.

2. Les personnes vulnérables non protégées juridiquement

L'altération des capacités physiques ou mentales de la personne vulnérable ne la place pas nécessairement dans un état de vulnérabilité tel qu'elle doive bénéficier d'une mesure de protection juridique. Bien au contraire, dans la majorité des cas, les personnes vulnérables restent des personnes « capables », au sens juridique, leurs facultés n'étant pas altérées, néanmoins leur âge, leur pathologie, le contexte social, sanitaire et économique dans lequel elles vivent rendent leur volonté fragile et difficiles leurs capacités d'expression. Par ailleurs, les auditions ont montré qu'une large part des personnes âgées vulnérables ne font aujourd'hui l'objet d'aucune mesure de protection juridique, même si leur compétence a disparu. Ce sont toutes celles qui sont prises en charge à domicile ou hébergées avec le soutien d'aidants familiaux qui assurent la gestion de leur compte bancaire avec un simple pouvoir et la prise en charge des actions nécessaires d'assistance à leur vie. L'aidant choisit les solutions et les met en œuvre, signe les contrats et conventions, effectue les paiements. Qu'en est-il du consentement de ces personnes non protégées juridiquement ?

36. L'article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi de janvier 2002 (36), pose le principe du libre choix des personnes entre les prestations offertes, sous réserve des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des majeurs. Le consentement éclairé de la personne doit être recherché, en l'informant par des moyens adaptés à sa situation, des conditions et conséquences de sa prise en charge et en veillant à sa compréhension (37). Il en va de même pour le consentement aux soins, prévu par le code de la santé publique. Dans les faits, cette disposition est généralement contournée ; il convient donc de s'assurer que le consentement de la personne vulnérable soit effectivement recueilli, et il convient de s'assurer du respect de sa volonté ou tout du moins de rechercher son adhésion pour les actes qui la concernent (choix du lieu de résidence (38), placement en institution, consentement aux soins et aux traitements…). Pour la personne vulnérable il semble que le dispositif d'information et de recueil du consentement ait une finalité supplémentaire et spécifique qui est d'assurer à cette personne vulnérable, l'effectivité de son droit de s'exprimer. La parole de la personne vulnérable est facilement négligée lorsqu'elle est isolée ou confisquée par un entourage familial ou institutionnel très présent qui parle à sa place. A cet égard, le droit de consentir implique avant tout pour elle son droit de s'exprimer.

37. C'est pourquoi il faut être très attentif à l'information et au recueil du consentement de la personne vulnérable - ne faisant l'objet d'aucune mesure de protection et par conséquent seule face aux pressions de l'entourage familial et/ou institutionnel. De la qualité de cette information et de ce recueil dépend l'autonomie de la personne. La personne vulnérable doit être écoutée et entendue. Elle doit être mise en mesure de s'exprimer (y compris par des modes de communication non verbaux). Une discussion doit être engagée avec elle en ce sens.

38. Toutefois, les auditions ont pu montrer qu'il ne faudrait pas pousser l'autonomie de la volonté à l'extrême. L'espace du consentement est en effet un espace de tensions multiples entre la volonté de la personne vulnérable et les dispositifs familiaux et/ou institutionnels ayant responsabilité et autorité sur sa protection, de droit ou de fait, et qui l'ont en charge. S'il semble évident que la volonté de la personne - même très vulnérable - doit primer, celle-ci ne peut être considérée comme un absolu, dans la mesure où elle s'inscrit dans un contexte familial, social, économique et institutionnel que l'on ne peut négliger. On peut alors s'interroger sur les préférences des personnes vulnérables qui semblent parfois contradictoires :

- avec leurs propres intérêts. Mais quel niveau de risque peut-on laisser courir à des personnes vulnérables ?

- avec les préférences et/ou les intérêts des tiers qui s'occupent d'elles (de leur famille notamment). Mais jusqu'à quel point est-il légitime que les proches sacrifient leur propre qualité de vie ?

39. Une des clefs réside sans doute dans la mise en place d'une procédure spécifique de réception du consentement des personnes vulnérables. Cette procédure - qui relèverait plus de l'accompagnement à la décision, que du recueil d'un consentement binaire et restrictif (je consens/je ne consens pas) - doit permettre l'émergence des expressions les plus complètes possibles des points de vue de chacune des parties impliquées, pour obtenir une sorte de consentement mutuel ou d'adhésion. Celui de la personne concernée restant majeur, la procédure doit permettre, voire susciter, l'expression, même confuse, de la personne vulnérable. Cette dernière doit être actrice du processus, même si celui-ci implique des tiers qui ont eux aussi le droit d'exprimer leur volonté. Cette procédure vise à construire ensemble les étapes d'une solution, objet d'un consentement mutuel, qui devra être évalué à intervalles réguliers et programmés, et être renégociable. A ce titre il faut veiller à ce que cette procédure n'apparaisse pas si lourde qu'elle enferme la personne dans son choix initial. Le consentement doit donc garder son caractère réversible ; il est essentiel de le signifier aux différentes parties prenantes du processus et de s'assurer à chaque étape de l'actualité du consentement. Cette procédure, collégiale et interdisciplinaire, doit impliquer l'ensemble des parties prenantes à la vie de la personne âgée ou malade (famille, aidants, soignants, travailleurs sociaux), et elle pourrait être encadrée par un tiers extérieur (mandataire judiciaire, médiateur, travailleur social…). Une telle procédure pourrait permettre de concilier à la fois le principe d'autonomie de la personne et le principe de protection.

40. L'analyse des problèmes soulevés par le recueil du consentement de la personne vulnérable et par le respect de sa volonté témoigne des tensions inhérentes à la notion même de consentement : tension entre les souhaits et le possible, tension entre la volonté de l'individu et la volonté de son entourage - toutes deux légitimes - tension entre le désir de l'individu et l'autorité d'une instance extérieure ou de la norme sociale… Se pose dès lors la question du primat de la volonté de la personne sur des considérants protecteurs ou moraux, et de ses limites.

CONCLUSION

41. En tant qu'il est la manifestation de la volonté d'un individu autonome et responsable, le consentement est un déterminant central de la validité d'un acte engageant cet individu, qu'il s'agisse de sa personne, de ses biens ou des deux. Il importe de veiller soigneusement à ce que la nécessité de cette expression ne soit pas éludée ou contournée.

42. Nos auditions et débats ont montré que la validité du consentement devait nécessairement être présumée et ne pouvait être mise en cause a priori, dès lors qu'il était libre et éclairé. Cependant ils ont également montré que le consentement était quasi systématiquement le produit et le lieu d'une tension, entre le souhaité et le possible, entre des désirs et des intérêts contradictoires, entre une volonté individuelle et une autorité ou une norme… Cette tension fait que le consentement peut difficilement se réduire à une opposition binaire entre un oui et un non absolus, et tant le contexte que les rapports inégalitaires entre individus peuvent altérer la qualité du consentement qui alors n'est plus réellement ni libre ni éclairé. Il est donc indispensable d'accorder une attention toute particulière aux conditions du recueil de ce consentement et de veiller dans la mesure du possible à son actualisation régulière. Une dialectique en tension permanente doit sans doute être la règle en matière de consentement, ce qui exclut toute réponse univoque, simpliste ou simplificatrice.

Synthèse des principales recommandations

Conditions du recueil du consentement

Recommandation n° 1 : la CNCDH recommande que s'instaure, en amont de l'expression du consentement, un dialogue entre l'autorité qui propose et la personne dont le consentement est recherché, accompagnée si nécessaire de la ou des personnes de son choix. Le recueil du consentement doit être précédé d'un temps durant lequel une information précise sur les possibilités existantes, leurs conditions de mise en œuvre et leurs conséquences peut être délivrée à l'intéressé, mais aussi à son entourage.

Recommandation n° 2 : la CNCDH invite les médecins agrées à prendre en compte, au moment de la rédaction du certificat médical, le dossier médical et social de la personne à l'égard de laquelle le juge doit se prononcer. Cette recherche d'information et l'analyse du parcours de la personne vulnérable doivent être des éléments déterminants d'évaluation pour le médecin expert puis pour le juge. Cette prise en compte devrait devenir la règle.

Recommandation n° 3 : afin de veiller au meilleur respect de l'autonomie des personnes protégées, la CNCDH recommande, en amont de son audition, une information personnalisée de la personne à protéger et de ses proches et personne de confiance, sur le contenu de la mesure de protection, afin que lors de la ladite audition son consentement ou son refus de consentir soit plus éclairé. Cette mission pourrait être confiée à des professionnels spécialement formés à cet effet sur les plans juridique et de la communication alternative, par exemple des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Recommandation n° 4: la CNCDH invite les pouvoirs publics à promouvoir des dispositifs d'accompagnement de la mise en place des mesures de protection. Ces dispositifs doivent être intégrés dans les bonnes pratiques de coordination des services de soins, d'assistance et d'accompagnement des personnes vulnérables. Dans le cas des personnes âgées, de nombreux dispositifs existent et se développent pour coordonner la prise en charge de la vulnérabilité sur les plans sanitaire, médicosocial et social. Il serait important que la mise en place des mesures de protection soit intégrée à ceux-ci de manière beaucoup plus systématique qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Recommandation n° 5 : la CNCDH constate que les dispositions prévues en matière de recueil du consentement par le code de l'action sociale et des familles et par le code de la santé publique sont trop souvent contournées. Elle recommande aux autorités compétentes de s'assurer que le consentement de la personne vulnérable est effectivement recueilli et pris en compte pour les actes qui la concernent (choix du lieu de résidence, placement en institution, consentement aux soins et aux traitements…).

Recommandation n° 6 : la CNCDH recommande la mise en place d'une procédure spécifique de réception du consentement des personnes vulnérables. Cette procédure devra permettre l'émergence des expressions les plus complètes possibles des points de vue de chacune des parties impliquées, pour obtenir une sorte de consentement mutuel ou d'adhésion. Cette procédure devra permettre, voire susciter, l'expression, même confuse, de la personne vulnérable, qui devra être actrice du processus, même si celui-ci implique des tiers qui auront eux aussi le droit d'exprimer leur volonté. Le consentement mutuel obtenu à l'issue de cette procédure devra être évalué à intervalles réguliers et programmés, et être renégociable. Cette procédure, collégiale et interdisciplinaire, devra impliquer l'ensemble des parties prenantes à la vie de la personne âgée ou malade (famille, aidants, soignants, travailleurs sociaux), et elle pourra être encadrée par un tiers extérieur (mandataire judiciaire, médiateur, travailleur social…).

Evolutions législatives et réglementaires

Recommandation n° 7 : en matière de consentement aux soins, la CNCDH recommande de s'assurer de la bonne articulation entre les dispositions prévues par le code civil et les dispositions prévues par le code de la santé publique. Le cas échéant, le code de la santé publique devrait être amendé, pour permettre la prise en compte de la notion de consentement gradué, afin de favoriser l'autonomie de la personne dont la volonté peut être imparfaite mais qui souhaite tout de même l'exprimer et consentir, et qui doit pouvoir le faire en fonction de son discernement.

Recommandation n° 8 : alors que, l'état actuel de la loi, le renouvellement de la mesure de protection d'un majeur peut être prononcé pour vingt ans, la CNCDH recommande la mise en œuvre d'une révision plus régulière, celle-ci pourrait intervenir tous les trois ans.

Recommandation n° 9 : la CNCDH recommande une évaluation qualitative annuelle de toute mesure de protection d'un majeur. Cette évaluation doit être réalisée par un tiers extérieur à la mesure, par exemple un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Elle doit permettre de vérifier si le consentement de la personne est respecté par le chargé de la mesure, s'il n'y a pas eu une évolution favorable de la capacité de consentement permettant éventuellement d'envisager un allégement de la mesure, et si des objectifs de progression pour la personne protégée, notamment dans la gestion patrimoniale, pourraient être fixés.

Recommandation n° 10 : la CNCDH invite les autorités judiciaires à mettre en place des organes décisionnels pluridisciplinaires composés d'un médecin, d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) et d'un juge, qui pourraient statuer collégialement sur la mesure de protection à mettre en œuvre, si le juge estime qu'une situation complexe mériterait d'être traitée en collégialité.

Recommandation n° 11 : la CNCDH juge indispensable l'allocation de moyens en adéquation avec l'enjeu fondamental qu'est la protection des plus vulnérables d'entre nous. Elle invite donc le ministère de la justice :

- à augmenter le nombre de postes de juge des tutelles et de greffiers chargés de contrôler les postes et factures des comptes de gestion des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) et des autres gestionnaires ;

- à améliorer la formation des juges des tutelles, qui devraient pouvoir bénéficier de formations aux motifs de placement sous protection comme la gérontologie, la psychiatrie, la psychologie, les addictions, et d'initiations aux moyens alternatifs de communication ;

- à renforcer la formation des greffiers à la comptabilité de gestion ;

- à faire du Certificat national de compétences de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) un diplôme d'Etat, validant des compétences en droit commun, droit social, comptabilité, gestion de patrimoine, gestion bancaire, et des connaissances en gériatrie, psychiatrie et en psychologie.

Formation

Recommandation n° 12 : la CNCDH recommande une meilleure formation des personnels médicaux, sociaux ainsi que juridiques sur les bonnes pratiques en matière de recueil et de respect du consentement. Cette formation doit s'accompagner de débats professionnels associant les diverses spécialités pour construire ensemble de bonnes pratiques.

Recommandation n° 13 : pour l'établissement des certificats médicaux précédant la mise en œuvre d'une protection juridique, la CNCDH recommande que l'inscription des médecins sur la liste du procureur de la République soit subordonnée au suivi d'une formation juridique théorique (concernant les mesures de protection et le consentement de la personne) et pratique (en assistant à des auditions avec un juge des tutelles).

Information, sensibilisation

Recommandation n° 14 : la CNCDH recommande aux pouvoirs publics de renforcer les actions de communication sur :

- la fonction de personne de confiance. Faire connaître la possibilité d'être assisté par une personne de son choix dans tout processus de consentement aux soins et de changement du lieu de vie doit être un axe prioritaire d'information des personnes âgées ;

- les directives anticipées. Promouvoir ces directives auprès de toute personne vieillissante ou malade apparaît comme une nécessité sanitaire importante, compte tenu du constat très largement partagé des mauvaises conditions, notamment relationnelles, dans lesquelles se déroulent les derniers instants de la vie ;

- le mandat de protection future, qui permet de jeter les bases d'une organisation de la dépendance en fonction des personnes et des structures sociales.

(1) Recommandation N° R (99) 4 du Comité des ministres aux Etats membres sur les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables, adopté le 23 février 1999 https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp ? id=407189&Site=CM (2) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (3) Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale (4) Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (5) Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (6) CNCDH, 29 juin 2000, Avis portant sur la révision des lois de 1994 sur la bioéthique CNCDH, 12 juin 2008, Avis sur la maladie mentale et les droits de l'homme CNCDH, 21 janvier 2010, Avis sur le port du voile intégral CNCDH, 3 mars 2011, Avis sur le projet de loi relatif à la bioéthique CNCDH, 31 mars 2011, Avis sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge CNCDH, 22 mars 2012, Avis sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques sans consentement sur les droits des malades mentaux CNCDH, 27 juin 2013, Avis sur l'identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l'état civil, JORF n° 0176 du 31 juillet 2013, texte n° 100 CNCDH, 27 juin 2013, Avis sur l'effectivité des droits des personnes âgées, JORF n° 0176 du 31 juillet 2013, texte n° 101 CNCDH, 27 juin 2013, Avis sur le droit au respect de la vie privée et familiale et les placements d'enfants en France, JORF n° 0176 du 31 juillet 2013, texte n° 103 CNCDH, 22 mais 2014, Avis sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, JORF n° 0136 du 14 juin 2014, texte n° 70 (7) M-A. Frison-Roche, « Distinction volonté et consentement en droit des contrats », in RTD civ., juillet -septembre 1995, p 573 et suiv. Il convient cependant de nuancer ces propos car la volonté, on le sait, n'est pas totalement ce pouvoir libre et infini. Elle est aussi soumise à de nombreuses contraintes juridiques et sociales mais aussi physiologiques, psychologiques, morales. (8) La réversibilité si elle est toujours souhaitable, n'est pas toujours possible, on pense notamment à des traitements médicaux ou chirurgicaux irréversibles, les conditions de recueil du consentement sont alors essentielles. (9) Article 1123du code civil : « Toute personne peut contracter si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi. » (10) Article 310 du code civil : « Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption. » (11) Article 311-23 du code civil : « Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire. » (12) Article L. 1111-4 du code de la santé publique : « Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. » Article L. 1111-5 du code de la santé publique : « Par dérogation à l'article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans le cas où cette dernière s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s'efforcer d'obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l'intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix. » (13) Articles 413-1 à 413-8 du code civil. (14) Cass.1re civ., 2 octobre 2001, Bull. 2001, I, n° 238 pourvoi n° 99-15.577 Cass 1re civ., 8 avril 2009, pourvoi n° 07-21.488 Cass. 1re civ., 14 avril. 2010, n° 09-13.851, F-D, non publié au bulletin, JurisData n° 2010-004205 (15) Article 428 du code civil, modifié par loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, art. 7 JORF 7 mars 2007 en vigueur le 1er janvier 2009 : « La mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429 [du code civil], par une autre mesure de protection judiciaire moins contraignante ou par le mandat de protection future conclu par l'intéressé. La mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé. » (16) Audition de Camille Bourdaire, le 9 janvier 2015 (17) On pense notamment au droit social, au droit de la protection sociale ou aux dispositifs anti-discriminations en matière d'accès aux biens et services. (18) Rappelons ici que âge ne signifie pas vulnérabilité au sens de la loi du 5 mars 2007 : seuls environ 8% des personnes du plus de 70 ans sont dans une situation de vulnérabilité. Environ 300 à 400.000 personnes sont en situation d'incapacité totale d'expression par perte de capacité cognitive ou communicationnelle et un nombre au moins égal de personnes sont affectées par de graves troubles cognitifs ou relationnels qui les rendent de facto vulnérables, soit un total estimé de 800 000 personnes âgées vulnérables. (19) Recommandation N° R (98) 9 du Comité des ministres aux Etats membres relative à la dépendance, adoptée par le Comité des Ministres le 18 septembre 1998 (20) Recommandation N° R (99) 4 du Comité des ministres aux Etats membres sur les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables, adopté le 23 février 1999. (21) Titre XI du code civil (22) Article 458 du code civil, modifié par loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, art. 7 JORF 7 mars 2007 en vigueur le 1er janvier 2009 : « Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. » (23) Article 459 du code civil, modifié par loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 - art. 116 : « Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l'intéresser. Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée. La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l'intéressé. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué. » (24) Auditions de Camille Bourdaire, le 9 janvier 2015, audition de Fabienne Litzler, le 26 février 2015 (25) Article L. 1111-4 du code de la santé publique, modifié par loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 - art. 3 JORF 23 avril 2005 rectificatif JORF 20 mai 2005 : « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. » (26) CNCDH, 27 juin 2013, Avis sur l'effectivité des droits des personnes âgées, JORF n° 0176 du 31 juillet 2013, texte n° 101 (27) Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (28) Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (29) S. Pennec, A. Monnier, S. Pontone, R. Aubry, « Les décisions médicales en fin de vie en France », in Populations & Société, numéro 494, novembre 2012, Paris, INED (30) Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs Articles 477 à 495 du code civil (31) Droit commun de la représentation, habilitation entre époux (articles 217 et 219 du code civil), mandat de protection future (articles 477 à 495 du code civil). (32) La sauvegarde de justice judiciaire (différente de la sauvegarde médicale*) : c'est une mesure de protection temporaire d'une durée maximale d'un an renouvelable une fois, qui permet de régler ponctuellement une difficulté pour le compte de la personne vulnérable, celle-ci bénéficiant par ailleurs d'une prise en charge satisfaisante par son entourage (vente d'un immeuble, souscription d'un emprunt, acceptation de succession…). La curatelle : c'est un régime de conseil et d'assistance. La personne conserve ses pouvoirs pour les actes d'administration (souscrire une assurance, une mutuelle, conclure un bail d'une durée inférieure à neuf ans, …). Elle est simplement assistée par son curateur pour l'accomplissement des actes de disposition qu'elle ne peut effectuer seule (vendre un immeuble, en acquérir un, souscrire un crédit…). La curatelle peut être simple, renforcée voire aménagée, selon le degré d'altération des facultés de la personne. La tutelle : c'est un régime de représentation de la personne pour tous les actes de la vie civile. Le tuteur peut effectuer seul les actes d'administration sans le consentement de l'intéressée. Pour les actes de disposition il doit solliciter l'autorisation du juge (vendre un immeuble, souscrire un crédit). * La sauvegarde médicale résulte d'une déclaration faite au procureur de la République par un médecin (articles 424 du code civil et L3211-6 du code de la santé publique), qui au cours de soins dispensés à une personne constate qu'elle présente une altération de ses facultés mentales et/ou physiques l'empêchant d'exprimer sa volonté. (33) La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit revient pour une part sur les avancées de la loi du 5 mars 2007. Désormais à l'ouverture de la mesure de protection, le juge des tutelles pourra fixer la durée de la mesure au-delà de cinq ans, sans pouvoir dépasser dix ans. Dans le cas d'un renouvellement ou d'une révision de la mesure existante, le juge pourra fixer une durée plus longue sans toutefois dépasser vingt ans, cette limite est nouvelle et constitue une régression par rapport à la loi du 5 mars 2007 Titre Ier : DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT CIVIL - article 1er « 5° L'article 441 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le juge qui prononce une mesure de tutelle peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l'article 431 constatant que l'altération des facultés personnelles de l'intéressé décrites à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, fixer une durée plus longue, n'excédant pas dix ans. » ; 6° Le deuxième alinéa de l'article 442 est complété par les mots : “n'excédant pas vingt ans” ». (34) CNAPE, FNAT, UNAF, UNAPEI, Livre blanc sur la protection juridique des majeurs, 2012, p. 21. « Avant la réforme de mars 2007, on dénombrait 80 équivalents-temps plein (ETP) de juges des tutelles. Selon la direction des services judiciaires, 22 emplois de magistrats d'instance ont été créés en 2008. Mais la direction des services judiciaires ne précise pas la quote-part de ces postes réellement dévolue à la mise en œuvre des mesures de protection juridique des majeurs. » (35) Ibidem, p. 22. « Avant la réforme, on comptait 90 postes de greffiers en ETP. Une hausse du recrutement des fonctionnaires, 51 greffiers et 5 greffiers en chef, en ETP, avait alors été annoncée. Pourtant, considérant qu'il existe 350 tribunaux d'instance actuellement, le nombre de greffiers en chef supposé doit être supérieur à 350 environ. L'étude d'impact réalisée par la direction des affaires civiles et du sceau, prévoyait un “recentrage et une amélioration qualitative de la charge administrative des greffes”, mais en réalité les greffiers en chef ne peuvent consacrer qu'une petite partie (environ 1/3) de leur temps aux dossiers de tutelles. […] Malgré l'indisponibilité de données chiffrées précises, le nombre de greffiers ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis l'entrée en vigueur de la loi, en dépit d'une charge de travail bien plus importante. » (36) Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. Article L. 311-3 du code de l'action sociale et des familles : « L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés : 1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ; 2° Sous réserve des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger et des majeurs protégés, le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d'un service à son domicile, soit dans le cadre d'une admission au sein d'un établissement spécialisé ; 3° Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ; 4° La confidentialité des informations la concernant ; 5° L'accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ; 6° Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ; 7° La participation directe ou avec l'aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne. » (37) Arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie, mentionnée à l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles, article 4 de son annexe. (38) Les auditions ont montré que la question du libre choix de lieu de résidence pour les personnes âgées est une problématique centrale. Le principe du libre choix est largement bafoué dans la réalité, même si des améliorations ont pu être notées, notamment avec la généralisation des contrats de séjour en EHPAD. Néanmoins, de nombreuses personnes âgées entrent en institution, non par choix (que ce soit le leur ou celui de leur famille) mais faute de mesures alternatives. Or le maintien à domicile, généralement préféré par la personne âgée, constitue un élément essentiel du respect de la dignité et de la qualité de vie de la personne âgée. Les pouvoirs publics doivent donc s'efforcer d'organiser le maintien à domicile, ce qui suppose d'organiser l'offre de tout un éventail de services permettant et facilitant la vie des personnes âgées à domicile ainsi que celle de leurs aidants. Ainsi :