Garantie des vices apparents et délai de forclusion

Après que la cour d'appel de Montpellier, le 13 Février 2014, ait retenu, dans une décision n° 11/07946 :

"Vu le jugement rendu le 22 septembre 2011 par le Tribunal d'Instance de Montpellier qui a déclaré irrecevable du fait de la forclusion l'action de X et l'a condamnée à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, les sommes de 500 euro à la SCI Y et de 500 euro à la SARL Z et aux dépens';

Vu l'appel régulièrement interjeté par X;

Vu ses conclusions du 31 mai 2012, tendant':

- à titre principal, à dire et juger que le délai annal de l'action ouverte sur le fondement de l'article 1642-1 du code civil a été interrompu le 16 décembre 2008, et n'a recommencé à courir qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 18 janvier 2010 et qu'elle n'est pas forclose dans son action'; qu'elle est également fondée à agir sur le fondement de l'article 1382'; réformer le jugement entrepris en ce qu'il déclare éteinte son action'; dire et juger qu'en sa qualité de vendeur d'immeuble à construire, la SCI Y est tenue des vices de construction et défauts de conformité apparents sur le fondement de l'article 1642-1 du Code civil'; que ces mêmes désordres caractérisent une inexécution du contrat passé entre la SARL Z et la SCI Y; que cette inexécution contractuelle lui cause un dommage et que la SARL Z est responsable envers elle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil'; en conséquence, condamner solidairement la SARL Z et la SCI Y au paiement de 2.392 euros TTC au titre du préjudice matériel, 1.500 euros correspondant au préjudice de jouissance arrêté par l'expert et 1.000 euros du fait de la résistance abusive dont elles ont fait preuve depuis des années';

- à titre subsidiaire, réformer le jugement entrepris en ce qu'il déclare éteinte son action sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la déclarer bien fondée et recevable à agir sur ce fondement'; dire que la SCI Y a commis une faute contractuelle'; en conséquence, la condamner au paiement de 2.392 euros TTC au titre du préjudice matériel, 1.500 euros correspondant au préjudice de jouissance arrêté par l'expert et 1.000 euros pour résistance abusive';

- en toute hypothèse, condamner solidairement les intimées à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise à hauteur de 2.249,4 euros (les frais d'expertises s'élevant au total après ordonnance de taxe à 4.498,8 euros, pris en charge pour moitié par la concluante)';

Vu les conclusions de la SCI Y du 16 mars 2012, tendant à dire et juger Madame X irrecevable en ses demandes dirigées à son encontre, confirmer le jugement en toutes ses dispositions et la condamner à lui payer la somme de 3.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile';

Vu les conclusions de la SARL Z du 12 juin 2012, tendant à titre principal à juger prescrite l'action de Madame X et confirmer en conséquence le jugement dont appel'; à titre subsidiaire, dire et juger qu'elle n'a aucun lien contractuel avec l'entreprise Giner et que ses demandes sont mal dirigées en ce que les non finitions restantes sont imputables à la société SLPI'; très subsidiairement, juger que le préjudice invoqué n'est pas justifié'; en tout état de cause, la débouter de l'intégralité de ses demandes et la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, en ce compris ceux de référé et de première instance';

Vu l'ordonnance de clôture du 23 décembre 2013';

M O T I V A T I O N

' Sur les demandes formées à l'encontre de la SCI Y

En matière de vices apparents, l'unique action ouverte à l'acquéreur d'un immeuble à construire à l'encontre de son vendeur est celle régie par les articles 1642-1 et 1648 du Code Civil.

Elle doit être engagée à peine de forclusion dans l'année qui suit la date à laquelle il peut être déchargé de ces vices.

Ce délai court à compter du plus tardif des deux événements constitués par la réception des travaux par le maître de l'ouvrage ou l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des lieux.

Les procès-verbaux de réception entre la SCI maître de l'ouvrage et les attributaires des lots sont intervenus le 27 décembre 2007.

X a pris possession de l'immeuble selon procès-verbal de livraison et de remise des clés en date du 17 décembre 2007, ce qui fait courir le délai à compter du 17 janvier 2008.

Elle devait donc agir au plus tard le 17 janvier 2009.

En application des articles 2241 et 2242 du Code Civil, ce délai a été interrompu par son assignation en référé du 6 décembre 2008 et pendant la durée de l'instance à laquelle il a été mis fin par l'ordonnance du 7 avril 2009 désignant un expert.

De ce fait, un nouveau délai a couru du 7 avril 2009 au 7 avril 2010.

Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré forclose son action engagée par assignation au fond du 10 décembre 2010.

Le vendeur d'immeuble à construire ne pouvant être tenu à garantie des vices apparents au-delà des limites résultant des dispositions d'ordre public des articles 1642-1 et 1648 du Code Civil, l'acquéreur ne peut invoquer sa responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du code civil pour échapper à la prescription de l'action en garantie légale.

' Sur les demandes formées à l'encontre de la SARL Z

Suivant marché de travaux du 6 mars 2006, la SCI Y avait confié le lot «'peinture et revêtement'» à l'entreprise Z.

En l'absence de tout lien contractuel avec Madame X, la responsabilité de la société Z ne pourrait être engagée à son égard que sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil s'il était établi qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles envers la SCI Y.

Or tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, il résulte clairement des constatations de l'expert que les réserves non levées ne concernent nullement les travaux de peinture exécutés par la SARL Z mais un défaut de jointement entre les plaques en plâtre exclusivement imputable à la société SLPI titulaire du lot «'cloison-placo'», attraite à l'expertise mais non appelée en la cause.

Le jugement n'ayant pas expressément statué de ce chef, il doit être complété et Madame X sera en conséquence déboutée de sa demande à l'encontre de la SARL Z.

P A R C E S M O T I F S

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1147, 1382, 1642-1 et 1648 du code civil,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant':

Déboute X de sa demande à l'encontre de la SARL Z,

La condamne aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer à chacune des deux intimées la somme de 1.000 euro sur le fondement de l'article 700 du même code".

La Cour de cassation retient que :

"Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 3 juin 2015

N° de pourvoi: 14-15796

Publié au bulletin

Rejet

M. Terrier (président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Giner développement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 février 2014), que Mme X... a acquis auprès de la société civile immobilière Les Jardins Harmony (SCI), un appartement en l'état futur d'achèvement, livré le 17 décembre 2007 avec des réserves ; que Mme X... ayant assigné la SCI en référé expertise le 6 décembre 2008, un expert a été désigné par ordonnance du 7 avril 2009 ; que le 10 décembre 2010, Mme X... a assigné en indemnisation la SCI et la société Giner développement ;

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite alors, selon le moyen :

1°/ que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, à l'issue de laquelle le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; qu'en affirmant que l'action engagée par Mme X... à l'encontre de la SCI le 10 décembre 2010 était forclose pour avoir été engagée plus d'un an après le prononcé de l'ordonnance du 7 avril 2009 par laquelle le juge des référés avait ordonné la réalisation d'une expertise quand un nouveau délai d'un an avait commencé à courir à l'issue de cette mesure d'instruction, soit au jour du dépôt du rapport d'expertise du 18 janvier 2010, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil ;

2°/ que l'action en responsabilité contractuelle que l'acquéreur d'un bien en état futur d'achèvement peut engager à l'encontre du vendeur pour obtenir réparation des défauts de conformité apparents se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage ; qu'en déclarant prescrite l'action engagée par Mme X... à l'encontre de la société Les Jardins Harmony sans distinguer les désordres dont elle sollicitait l'indemnisation et dont certains, en ce qu'ils constituaient des défauts de conformité, relevaient de la responsabilité de droit commun du vendeur, soumise à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil dans leur version applicable en la cause par fausse application, ainsi que les articles 1147 et 2224 du code civil par refus d'application ;

Mais attendu que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion ; qu'ayant relevé que l'assignation en référé du 6 décembre 2008 avait interrompu le délai de forclusion et qu'un expert avait été désigné par une ordonnance du 7 avril 2009 et exactement retenu que l'acquéreur ne pouvait pas invoquer la responsabilité contractuelle de droit commun du vendeur d'immeuble à construire qui ne peut être tenu à garantie des vices apparents au-delà des limites résultant des dispositions d'ordre public des articles 1642-1 et 1648 du code civil, la cour d'appel en a déduit à bon droit que Mme X... était forclose quand elle a assigné au fond la SCI le 10 décembre 2010 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société civile immobilière Les Jardins Harmony la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré forclose et, partant, irrecevable, l'action engagée par Mme X... à l'encontre de la SCI Les Jardins Harmony ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en matière de vices apparents, l'unique action ouverte à 1'acquéreur d'un immeuble à construire à l'encontre de son vendeur est celle régie par les articles 1642-1 et 1648 du Code civil ; qu'elle doit être engagée à peine de forclusion dans l'année qui suit la date à laquelle il peut être déchargé de ces vices ; que ce délai court à compter du plus tardif des deux événements constitués par la réception des travaux par le maître de l'ouvrage ou l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession des lieux ; que les procès-verbaux de réception entre la SCI maître de l'ouvrage et les attributaires des lots sont intervenus le 27 décembre 2007 ; que Nadine X... a pris possession de l'immeuble selon procès-verbal de livraison et de remise des clés en date du 17 décembre 2007, ce qui fait courir le délai à compter du 17 janvier 2008 ; qu'elle devait donc agir au plus tard le 17 janvier 2009 ; qu'en application des articles 2241 et 2242 du Code Civil, ce délai a été interrompu par son assignation en référé du 6 décembre 2008 et pendant la durée de l'instance à laquelle il a été mis fin par l'ordonnance du 7 avril 2009 désignant un expert ; que de ce fait, un nouveau délai a couru du 7 avril 2009 au 7 avril 2010 ; que dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré forclose son action engagée par assignation au fond du 10 décembre 2010 ; que le vendeur d'immeuble à construire ne pouvant être tenu à garantie des vices apparents au-delà des limites résultant des dispositions d'ordre public des articles 1642-1 et 1648 du Code Civil, l'acquéreur ne peut invoquer sa responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du code civil pour échapper à la prescription de l'action en garantie légale ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE tant au regard de la garantie de parfait achèvement que de celle incombant au vendeur d'immeuble du fait des vices apparents, l'action de Mme X..., engagée le 10 décembre 2010 plus d'un an après le prononcé de l'ordonnance de référé du 7 avril 2009 voire de celle du 18 août 2009 est forclose en application des dispositions de l'article 1648 alinéa 2 du Code civil ; que ses demandes sont irrecevables ;

1°) ALORS QUE la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, à l'issue de laquelle le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; qu'en affirmant que l'action engagée par Mme X... à l'encontre de la SCI Les Jardins d'Harmony le 10 décembre 2010 était forclose pour avoir été engagée plus d'un an après le prononcé de l'ordonnance du 7 avril 2009 par laquelle le juge des référés avait ordonné la réalisation d'une expertise quand un nouveau délai d'un an avait commencé à courir à l'issue de cette mesure d'instruction, soit au jour du dépôt du rapport d'expertise du 18 janvier 2010, la Cour d'appel a violé l'article 2239 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'action en responsabilité contractuelle que l'acquéreur d'un bien en état futur d'achèvement peut engager à l'encontre du vendeur pour obtenir réparation des défauts de conformité apparents se prescrit par cinq ans à compter de la manifestation du dommage ; qu'en déclarant prescrite l'action engagée par Mme X... à l'encontre de la société Les Jardins d'Harmony sans distinguer les désordres dont elle sollicitait l'indemnisation et dont certains, en ce qu'ils constituaient des défauts de conformité, relevaient de la responsabilité de droit commun du vendeur, soumise à la prescription quinquennale, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil dans leur version applicable en la cause par fausse application, ainsi que les articles 1147 et 2224 du Code civil par refus d'application.

ECLI:FR:CCASS:2015:C300634

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier , du 13 février 2014