Indivision, cession de droits et prescription

Dans cet arrêt du 5 mars 2014 (12-28.348), la première chambre civile de la cour de cassation précise que le délai de prescription de l'action en nullité pour non respect de l'article 815-14 court à compter de la connaissance qu'ont eu les indivisaires de la cession et que cette connaissance est présumée par la publication de la cession au fichier immobilier.

Par ailleurs, elle censure l'arrêt de la cour d'appel de Bastia pour n'avoir pas répondu aux conclusions de l'appelant qui arguait qu'il n'existait pas de possession non équivoque, à titre de propriétaire, utile pour prescrire le droit de propriété. L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Toulouse. V. Zalewski-Sicard.

INDIVISION

Cassation partielle

Demandeur(s) : M. François X...

Défendeur(s) : Mme Madeleine X..., veuve Y... ; et autres

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 30 août 1965, Jean Baptiste X... est décédé en laissant à sa succession sa veuve, Barbe A..., elle même décédée le 30 octobre 1991, et leurs six enfants, François, Jean Joseph, Madeleine, Camille, Ange et Achille ; que ces trois derniers sont décédés respectivement en 1981, 1983 et 2003 ; que, sans avoir procédé à la notification prévue à l’article 815 14 du code civil, Barbe A... a, par acte du 18 septembre 1984, publié le 22 octobre 1984, vendu à François Y..., mari de sa fille Madeleine, la moitié des droits indivis portant sur une maison d’habitation et diverses parcelles de terre indiquées comme dépendant de la communauté ayant existé entre les époux X... A... ; que M. François X..., faisant valoir qu’en réalité ces immeubles étaient des biens propres de Jean Baptiste X..., a poursuivi la nullité de la vente et revendiqué sa quote part dans les biens ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. François X... fait grief à l’arrêt de dire que l’action en nullité ouverte en cas de non respect de la formalité de l’article 815 14 du code civil est prescrite, alors, selon le moyen, que l’action en nullité de la vente de biens indivis consentie au mépris de l’article 815 14 du code civil selon lequel l’indivisaire qui entend céder à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ses biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée, ainsi que les nom, domicile, et profession de la personne qui se propose d’acquérir, se prescrit par cinq ans à compter de la découverte de la vente litigieuse et non à compter de la publication de cette vente ; qu’ainsi, l’arrêt attaqué a violé l’article 815 16 du code civil ;

Mais attendu que l’action en nullité d’une cession de droits indivis opérée au mépris des dispositions de l’article 815 14 du code civil, se prescrit par cinq ans, aux termes de l’article 815 16 du même code ; que cette prescription court à compter du jour où le coïndivisaire du vendeur a eu connaissance de la vente ; qu’ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la vente était opposable aux tiers du fait de sa publication le 22 octobre 1984, ce dont il s’induit que les coïndivisaires auxquels le projet de cession n’avait pas été régulièrement notifié étaient réputés en avoir eu connaissance à cette date, c’est sans encourir la critique du moyen que la cour d’appel a décidé que l’action en nullité exercée par M. François X..., par assignation du 3 octobre 2008, était prescrite ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Et sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches,

Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt de débouter M. François X... de sa demande tendant à voir constater la nullité de la vente des parts indivises pour la partie excédant les droits héréditaires de la venderesse et de sa demande en revendication au prorata de ses propres droits héréditaires ;

Attendu que le moyen qui s’attaque à de simples motifs est irrecevable ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour décider que les consorts Y... ont acquis par prescription la propriété de la moitié indivise des biens litigieux, l’arrêt retient que François Y... a acquis de bonne foi les droits indivis, que la vente que lui a consentie Barbe A... constitue un juste titre et qu’ils justifient par la production d’attestations, de factures d’électricité, d’entretien ou de réfection de la maison, ainsi que d’avis d’imposition, qu’ils se sont comportés en propriétaire de celle ci depuis 1984 ;

Qu’en se déterminant ainsi sans répondre aux conclusions par lesquelles M. François X... faisait valoir que la maison avait été occupée par la famille Y... de tout temps, y compris du vivant des parents, et que postérieurement rien ne permettait de distinguer leur comportement en qualité de propriétaire ou en qualité de simples occupants, ce qui est exclusif d’une possession non équivoque, à titre de propriétaire, utile pour prescrire le droit de propriété, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a dit que les consorts Y... ont acquis par prescription la propriété de la moitié indivise des biens qu’il désigne, l’arrêt rendu le 5 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse

Président : M. Charruault

Rapporteur : M. Savatier

Avocat général : M. Sarcelet

Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Lyon-Caen et Thiriez