Accueil des étudiants pour les examens : possible ou pas ?

Si l’on s’en tient au FAQ et à la circulaire du MESRI, la réponse est certainement positive (https://services.dgesip.fr/fichiers/CirculaireConfinement-30oct20.pdf https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid155030/faq-covid-19-reconfinement.html#c9_examens_et_concours ). Le MESRI va d’ailleurs plus loin en assimilant aux examens les évaluations des contrôles continus, qui sont pourtant deux modes d’évaluation des connaissances différents, ainsi qu’il résulte notamment de l’article L. 613-1 du Code de l’éducation.


Par contre, la réponse est toute autre, à notre sens, à la lecture du décret du 29 octobre 2020.


En effet, dans un titre 4, relatif aux dispositions concernant les établissements et activités, un chapitre 2 intitulé « Enseignement » vient préciser, pour les établissements recevant du public relevant du type R (c’est-à-dire les établissements destinés à l'enseignement ou à la formation et les établissements destinés à l'accueil des enfants à l'occasion des vacances scolaires et des loisirs), mentionnés aux articles 32 à 35 du décret, les conditions d’accueil du public, dans les conditions définies audit chapitre.


Pour les établissements d’enseignement supérieur, il est ainsi spécialement prévu que l’accueil des usagers est autorisé aux seules fins de permettre l’accès :

- 1° aux formations lorsqu’elles ne peuvent être effectuées à distance compte tenu de leur caractère pratique dont la liste est arrêtée par le recteur de région académique. A l’égard de ce 1°, il peut être relevé que la rédaction n’est pas très heureuse. En effet, il ne s’agît pas en tant que tel d’accéder aux formations mais aux locaux desdits établissements, afin de pouvoir assister aux enseignements ne pouvant être effectués à distance, compte tenu de leur caractère pratique ;

- 2° Aux laboratoires et unités de recherche pour les doctorants ;

- 3° Aux bibliothèques et centres de documentation, sur rendez-vous ;

- 4° Aux services administratifs, uniquement sur rendez-vous ou sur convocation de l'établissement ;

- 5° Aux services de médecine préventive et de promotion de la santé, aux services sociaux et aux activités sociales organisées par les associations étudiantes ;

- 6° Aux locaux donnant accès à des équipements informatiques, uniquement sur rendez-vous ou sur convocation de l'établissement ;

- 7° Aux exploitations agricoles mentionnées à l'article L. 812-1 du code rural et de la pêche maritime.


Pour que l’accueil des usagers au sein des établissements d’enseignement supérieur puisse avoir lieu pour le contrôle des connaissance, il aurait fallu soit préciser au 1°) que l’accès aux locaux est autorisé pour la réalisation du contrôle des connaissances soit ajouter un 8°) précisant « aux locaux, en vue d’y réaliser le contrôle des connaissances ».


Pour contourner cette absence de précision, deux articles du décret du 29 octobre 2020 sont invoqués à la rescousse.


Le premier est l’article 4 du décret. En effet, cet article comporte des exceptions à l’interdiction de déplacement hors du lieu de résidence parmi lesquelles les « déplacements à destination ou en provenance : … b) des établissements ou services d'accueil de mineurs, d'enseignement ou de formation pour adultes mentionnés aux articles 32 à 35 du présent décret ; c) du lieu d'organisation d'un examen ou d'un concours » (ledit article établit ainsi qu'il y a lieu de distinguer deux lieux : les établissements d'enseignement, d'une part, et les lieux d'organisation d'un examen ou d'un concours, d'autre part).


Pour autant, ce texte n’est d’aucune utilité, à notre sens, du moins pour justifier de l’accueil des étudiants au sein des établissements d’enseignement supérieur pour un examen ou un concours. En effet, avec l’article 4 du décret, les étudiants sont bel et bien autorisés à se déplacer hors du lieu de leur résidence pour se rendre sur le lieu d’organisation d’un examen ou d’un concours ou dans un établissement d’enseignement. Pour autant, il s’agit d’une exception à l’interdiction de se déplacer et non d’une cause (« une fin ») supplémentaire d’accueil du public au sein d’un établissement supérieur. C’est absurde certes mais conforme au texte.


Le second article invoqué est l’article 28. En effet, ledit article précise que les établissements relevant des types d'établissements définis par le règlement pris en application de l'article R. 123-12 du CCH, peuvent accueillir du public pour notamment :

- les services publics, sous réserve des interdictions prévus par le présent décret ;

- l’organisation d’épreuves de concours ou d’examens ;

- l'accueil d'enfants scolarisés et de ceux bénéficiant d'un mode d'accueil en application de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles dans des conditions identiques à celles prévues à l'article 36.

Il est donc mis en avant que l’article 28 autorise l’accueil du public pour l’organisation d’épreuves de concours ou d’examens dans les établissements recevant du public. Les établissements d’enseignement étant des établissements recevant du public, ils peuvent donc accueillir les étudiants pour les examens et les concours.


En allant en ce sens, l’article 34 du décret, qui vise spécifiquement les établissements recevant du public relevant du type R, n’a plus aucune utilité. En effet, ainsi que le précise le Code de l’éducation, l’enseignement supérieur correspond à un service public. L’article 28 autorisant l’accueil du public pour les services publics, il est possible d’accueillir les étudiants au sein des universités, sans aucune restriction, y compris donc pour des enseignements en présentiel !


Pour admettre qu’il en aille différemment, il faut revenir aux articles 31 et 34 : le premier précise les règles applicables aux établissements d’enseignement ; le second indique, pour les usagers, donc notamment les étudiants, les seules fins permettant de déroger à l’interdiction d’accueil au sein des établissements d’enseignement supérieur. Et parmi ces fins, limitativement énumérées, il n’y a ni les enseignements, sauf s’ils ne peuvent être assurés à distance, compte tenu de leur caractère pratique, ni les examens. A nouveau, c’est absurde, mais conforme au décret.


Au final, les Universités s’en tiennent à la circulaire et au FAQ du ministère et organisent ainsi le contrôle des connaissances en présentiel. Et tant pis pour le décret qui n’avait qu’à être mieux rédigé.