Article L. 271-1 CCH, irrégularité et acte authentique

Suivant l'article L. 271-1 CCH, "pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte".

Le même article poursuit en précisant que "cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes".

De ce texte, il résulte que l'acquéreur, une fois que l'acte lui a été notifié, dispose d'un délai de 10 jours pour se rétracter. A contrario, lorsque l'acte ne lui pas été notifié, le délai de 10 jours ne court pas, le droit de se rétracter "naissant" lors de la notification. Dès lors, si l'acte authentique est signé alors que l'article L. 271-1 CCH n'a pas été respecté, l'acquéreur doit pouvoir obtenir l'annulation de la vente, conclue en violation de l'article L. 271-1 CCH, texte d'ordre public (Cass. 3e civ., 10 mars 2016, n° 15-12735).

Pour autant, la Cour de cassation a retenu, par deux fois, que "la signature par les acquéreurs de l'acte authentique de vente sans réserve vaut renonciation à se prévaloir de l'irrégularité de la notification du droit de rétractation prévue à l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation" (Cass. 3e civ., 7 avr. 2016, n° 15-13064, à paraître au Bull. ; Cass. 3e civ., 10 mars 2016, n° 14-26339).

La solution est teintée d'opportunisme mais ne nous apparaît guère cohérente, d'autant qu'étaient en cause à chaque fois des coacquéreurs bénéficiant chacun d'un droit de rétractation (Cass. 3e civ., 11 févr. 2014, n° 12-35059). Or, dans ces espèces, s'il était établi qu'un des acquéreurs s'était bien vu notifié l'acte, tel n'était pas le cas pour le second. Autrement dit, un des acquéreurs n'avait pas bénéficié du délai de 10 jours pour éventuellement revenir sur son engagement de conclure l'opération. Il est vrai qu'il a, par la suite, signé l'acte de vente. Était-il conscient en signant ledit acte qu'il renonçait à se prévaloir de la violation de l'article L. 271-1 CCH ? Pour la Cour de cassation, suivant l'arrêt précité du 7 avril 2016, la seule signature de l'acte authentique vaut renonciation à se prévaloir de l'irrégularité de la notification du droit de rétraction.

A titre liminaire, il doit être souligné que l'attendu est mal rédigé : est visée" la notification du droit de rétractation" alors qu'est en cause la notification non du droit de rétractation mais d'un acte. Au-delà de cette maladresse, il y a lieu de remarquer que la notification est inexistante pour l'un des acquéreurs, le vendeur n'ayant nullement rapporté la preuve que l'acte a été notifié à tous les acquéreurs mais uniquement à l'un d'entre eux. Pour autant, la solution retenue par la Cour de cassation conduit à traiter de façon identique tous les acquéreurs, ceux ayant bénéficié du délai de l'article L. 271-1 CCH et ceux n'en ayant nullement bénéficié, faute de notification de l'acte. En outre, n'y a-t-il pas une incohérence à admettre la renonciation à un droit (le droit de renoncer à l'acquisition) qui n'est pas encore né, faute de notification ? Mais encore, ne faudrait-il pas au minimum exiger que l'acte authentique contienne une clause précisant expressément que l'article L. 271-1 CCH n'a pas été respecté et que les acquéreurs renoncent à se prévaloir de la violation de l'article L. 271-1 CCH et qu'ils ne pourront dès lors pas bénéficier d'un délai de rétractation ? En effet, pour qu'une renonciation puisse être prise en considération, il est de jurisprudence constante que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, sachant que cette renonciation doit intervenir en toute connaissance de cause. Comment prendre en compte la renonciation de l'acquéreur qui ne sait pas, lorsqu'il signe l'acte de vente, que l'article L. 271-1 CCH n'a pas été respecté, d'autant qu'il est probable que l'acte contienne une clause précisant que l'article L. 271-1 CCH a été respecté ? Enfin, cette solution jurisprudentielle est à contre-courant de la volonté du législateur. D'une part, en effet, le législateur a montré l'importance qu'il attachait audit article L. 271-1 CCH en augmentant le délai de rétractation, celui-ci passant de 7 à 10 jours, avec la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi Macron. D'autre part, il a renforcé les informations devant être fournies à l'acquéreur d'un lot de copropriété à usage total ou partiel d'habitation, en précisant les conséquences d'un défaut de communication sur l'application de l'article L. 271-1 CCH. Ainsi, l'article L. 721-3 CCH, issu de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR, précise que "lorsque les documents et les informations mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 721-2 exigibles en application des dispositions prévues au même article ne sont pas remis à l'acquéreur au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente, le délai de rétractation prévu à l'article L. 271-1 ne court qu'à compter du lendemain de la communication de ces documents et informations à l'acquéreur.

Lorsque les documents et les informations mentionnés au 1° et au c du 2° du II de l'article L. 721 2 ne sont pas joints au projet d'acte authentique conformément aux dispositions du III de l'article L. 721-2, le délai de réflexion mentionné à l'article L. 271-1 ne court qu'à compter du lendemain de la communication de ces documents et informations à l'acquéreur.

La communication mentionnée aux premier et deuxième alinéas est réalisée selon les modalités de notification ou de remise de la promesse ou de l'acte authentique de vente prévues à l'article L. 271-1".