Changement de régime matrimonial et fraude aux droits de l'enfant d'un premier lit

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 13 mai 2015

N° de pourvoi: 14-12538

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Batut (président), président

SCP Didier et Pinet, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 15 janvier 2013), que, mariés le 21 octobre 1967, les époux X...- Y... sont convenus, par acte notarié du 25 mars 1999, de convertir leur régime matrimonial de communauté réduite aux acquêts en communauté universelle ; que ce changement a été homologué par jugement du 25 juin 1999 ; que le mari est décédé le 18 octobre 2009 ; que, le 13 octobre 2010, M. Laurent X..., leur fils, qu'ils avaient adopté en 1975, a assigné sa mère en annulation pour fraude de l'acte du 25 mars 1999, ainsi que du jugement d'homologation ;

Attendu qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande ;

Attendu que, saisis d'une demande en nullité de la convention portant changement de régime matrimonial, les juges du fond n'avaient pas à apprécier si ce changement était conforme ou non aux intérêts de la famille, mais à déterminer si M. Laurent X... rapportait la preuve que ses parents avaient commis une fraude à ses droits ; qu'après avoir relevé qu'il était le seul enfant du couple et serait le seul héritier de Mme Y..., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a souverainement estimé, d'une part, qu'il n'était pas établi que les époux X... aient dissimulé son existence au juge chargé de l'homologation et, d'autre part, qu'en changeant de régime matrimonial, ils avaient voulu se protéger mutuellement en cas de pré-décès de l'un ou de l'autre, ce dont il résulte qu'ils n'avaient pas eu pour but de lui nuire ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes d'annulation de l'acte notarié du 25 mars 1999 emportant changement du régime matrimonial de ses parents adoptifs, ainsi que du jugement d'homologation en date du 25 juin 1999 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Laurent X... justifie certes qu'il n'entretenait pas de bonnes relations avec ses parents adoptifs, mais que force est de constater qu'il n'établit pas que l'écrit du 23 avril 2009 aux termes duquel il atteste avoir connaissance du changement de régime matrimonial de ses parents et n'y voir aucun inconvénient lui a été soutiré par ces derniers ; qu'il ne prouve pas davantage que son consentement aurait été vicié en raison de problèmes psychologiques dus au contexte familial ; que les pièces médicales qu'il verse aux débats, dont la lettre du docteur Z..., médecin-chef au centre hospitalier Sainte Marie, datée du 11 janvier 2011, laquelle indique que M. Laurent X... a été suivi par Mme A..., psychologue, de 1993 à 1999, sont insuffisantes à rapporter cette preuve ; que par ailleurs à l'époque où le jugement d'homologation a été rendu, le tribunal n'était pas tenu de recueillir l'avis des enfants, de sorte que le fait que la lettre du 23 avril 2009 n'aurait pas été jointe à la requête est sans incidence sur le changement du régime matrimonial ; qu'enfin M. Laurent X... ne démontre pas en quoi ce changement était contraire à l'intérêt de la famille, lequel ne saurait se résumer à son propre intérêt ; que le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, étant observé que la demande visant à la production du dossier d'adoption est inutile pour la solution du litige ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des pièces versées aux débats que le 23 avril 1999, M. Laurent X... a rédigé et signé une attestation dans laquelle il reconnaît avoir pris " connaissance du changement de régime matrimonial de ses parents qui ont adopté la communauté universelle des biens " ; qu'il ajoute : " Personnellement j e n'y vois aucun inconvénient " ; que M. Laurent X... conteste cet écrit au motif que son consentement n'était pas éclairé puisqu'il était suivi en psychothérapie au CMP de Clermont-Ferrand et était donc sous traitement ; qu'à l'appui de cette prétention, il produit diverses pièces médicales ; qu'ainsi, il justifie avoir été hospitalisé au Centre Médico-Psychothérapique " Sainte-Marie " de Clermont-Ferrand du 24 novembre 1993 au 25 novembre 1993 et être venu dans ce centre de lui-même le 05 juin 1996 parce qu'il était, selon les observations médicales de ce jour, " mal dans sa peau " ; qu'il avait alors évoqué au médecin qui l'avait examiné un " projet de thérapie comportementale avec un (e) psychologue " ; que le traitement médicamenteux retracé dans ces observations médicales notait une prise d'un demi cachet de Moclarnine trois fois par jour pendant an soit jusqu'en 1997 ; que M. Laurent X... fournit également divers certificats médicaux ; qu'il démontre ainsi qu'il est suivi par le docteur Jacques B..., médecin au CPM de Gardanne, depuis juin 2007 et qu'il a été suivi par le Docteur Michel C..., médecin psychiatre de janvier 2004 à décembre 2006 ; que dès lors, s'il ne peut être contesté que M. Laurent X... a eu et a des difficultés sur le plan psychiatrique, il n'en demeure pas moins qu'il ne rapporte pas la preuve de son état de santé au cours de l'année 1999 ; qu'en effet, aucune pièce médicale datée de cette dernière année ne vient confirmer que le requérant aurait été sous traitement lors de la rédaction et de la signature de l'écrit litigieux ; que ce moyen de défense n'est donc pas fondé ; que M. Laurent X... soutient également que ses parents ont dissimulé son existence au notaire qui a rédigé l'acte de changement de régime matrimonial et au Tribunal de Grande Instance qui a homologué cet acte ; que toutefois, l'article 1397 du code civil prévoit qu'une requête en homologation de changement de régime matrimonial est recevable à certaines conditions : les époux doivent être mariés depuis plusieurs armées, les enfants majeurs de chaque époux doivent être informés personnellement de la modification envisagée et les créanciers doivent également en être informés par la publication d'un avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales ; qu'en l'espèce, Mme Solange Y... veuve X... verse aux débats les pièces qu'elle détenait en 1999 au moment de sa requête en homologation de changement de régime matrimonial ; qu'ainsi, elle produit un courrier que son époux et elle ont adressé à Mme le Procureur de la République le 07 avril 1999 dans lequel ils demandent l'homologation de leur changement de régime matrimonial et font part de l'existence de leur fils majeur ; qu'elle fournit également une fiche d'état civil datée du 17 mai 1999, soit de la veille de leur requête en homologation, et l'avis de publication dans un journal d'annonces légales. ; qu'il est à noter qu'afin que la requête en homologation soit complète, les époux X... devaient également justifier de l'information donnée à leur fils majeur du changement de régime matrimonial, ce qui a été fait grâce à l'écrit du 23 avril 1999 signé par M. Laurent X... ; que dès lors, le tribunal de grande instance n'a pu homologuer l'acte notarié du 25 mars 1999 qu'au vu de l'ensemble de ces pièces, puisqu'à défaut d'une seule d'entre elles, la juridiction aurait déclaré la demande irrecevable ; qu'ainsi, il n'est pas démontré que les époux X... ont dissimulé l'existence de leur fils ; que ce moyen de défense est, par conséquent, infondé ; qu'enfin, il convient de noter que l'article 1397 du code civil permet à des époux de changer de régime matrimonial dans l'intérêt de la famille ; qu'en l'espèce, il ressort du livret de famille que M. Laurent X... est le seul enfant du couple ; qu'à ce titre, il sera le seul héritier de Mme Y... veuve X... ; que dès lors, le changement de régime matrimonial des époux X... n'a aucune incidence sur sa part successorale et n'a pas pour effet de le déshériter ; que les époux X... ont simplement voulu se protéger mutuellement en cas de prédécès de l'un ou de l'autre ; que l'intérêt de la famille a donc été respecté ; que par conséquent, compte tenu de tous ces éléments, il conviendra de débouter M. Laurent X... de l'ensemble de ses demandes ;

1°) ALORS QU'en jugeant que la requête en homologation que s'il était justifié de l'information donnée par les parents à leur fils majeur du changement de régime matrimonial, quand aucun texte n'exigeait cette d'information à la date du changement régime litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1397 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;

2°) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher si la circonstance que le tribunal saisi de la demande d'homologation n'ait pas été informé de l'existence du fils des époux X... ne l'avait pas privé de la possibilité de procéder à une appréciation d'ensemble des intérêts de la famille, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1397 du code civil ;

3°) ALORS QU'en se fondant sur la circonstance que M. X... ne démontrait pas en quoi ce changement était contraire à l'intérêt de la famille sans procéder elle-même à cet examen, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 1397 du code civil ;

4°) ALORS QU'en ne répondant aux conclusions de l'exposant qui faisaient valoir (p. 9 à 13), pièces à l'appui, que le changement de régime matrimonial s'inscrivait dans un contexte, perdurant de longue date, de rejet par Mme Y...-X... de son fils adoptif et constituait une nouvelle manifestation de l'exclusion de l'exposant de sa famille, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en ne répondant aux conclusions de l'exposant qui faisaient valoir (p. 14) qu'une fois le changement de régime matrimonial homologué, les époux X... avaient progressivement liquidé la quasi-totalité de leur patrimoine immobilier afin que la succession de l'exposant soit vidée de toute substance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2015:C100487

Analyse

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom , du 15 janvier 2013