112 Les experts et les vices cachés

Les experts et les vices cachés

Projet de loi n° 76 relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

Parmi les dispositions du projet de loi n° 76, devant être discutées en séance publique le 22 janvier 2015 au Sénat, celles relatives à la réforme des obligations et des contrats, contenues à l’article 3 dudit projet, auront nécessairement un impact dans le domaine de la construction. En effet, celles-ci ont vocation à s’appliquer dans les relations contractuelles, en tant que droit commun, chaque fois qu’une loi spéciale n’y déroge pas. A titre d’’exemple, peut être citée la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux conséquences de l’annulation d’un contrat de construction de maison individuelle où était débattue de l’éventuelle application de l’article 555 du Code civil (Cass. 3e civ., 24 avr. 2013, n° 12-11.640 : Constr.-urb. 2013, comm. 93, note P. Cornille ; D.2013, p. 1134 ; RD imm. 2013, p. 432, obs. D. Tomasin ; RTD civ. 2013, p. 638, obs. W. Dross. - Cass. 3e civ., 26 juin 2013, n° 12-18.121 : Bull. civ. III, n° 83. – Sur cette jurisprudence : G. Durand-Pasquier, Les complexes « effets miroirs » de l’anéantissement des contrats de construction : Defrénois 2014, p. 702).

Toutefois, ces nouvelles dispositions ne sont pas contenues dans ce nouveau projet de loi puisque c’est par voie d’ordonnance que cette réforme doit intervenir, le Gouvernement étant autorisé à y procéder. Par contre, il en va différemment de la modification de l’article 1644 du Code civil envisagée par l’article 4 bis du projet de loi qui prévoit la suppression, à la fin de l’article 1644 du Code civil, des mots « telle qu’elle sera arbitrée par experts ». Cette modification, si elle est adoptée, pourra ainsi concerner, par exemple, celui qui vend après achèvement un ouvrage qu’il a construit ou fait construire. La Cour de cassation retient, en effet, que dans cette situation, le vendeur, réputé constructeur en application de l’article 1792-1 du Code civil, est non seulement tenu de la garantie décennale mais également débiteur de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil (Cass. 3e civ., 11 mai 2010, n° 09-13.358 : JurisData n° 2010-006117. – Cass. 3e civ., 17 juin 2009, n° 08-15.503 : JurisData n° 2009-048649 ; Bull. civ. III, n° 143 ; RD imm. 2009, p. 475, obs. O. Tournafond. – D. Savouré et V. Zalewski, Les garanties de l’acquéreur d’un immeuble neuf ou rénové : Defrénois 2011, p. 1279. - M. Faure-Abbad, La transmission des actions contre les constructeurs d’immeubles : à la recherche d’un ordre : RDC 2014, p. 785).

Rappelons que, lorsque sont remplies les conditions pour que puisse être mise en œuvre la garantie des vices cachés, l’acquéreur dispose, en application de l’article 1644 du Code civil, d’une option entre action rédhibitoire et action estimatoire (Cass. 3e civ., 20 oct. 2010, n° 09-16.788 : JurisData n° 2010-018989 ; Bull. civ. III, n° 191). Lorsqu’il opte pour l’action estimatoire, autrement dit qu’il choisit de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, une évaluation doit obligatoirement intervenir par voie d’experts.

Sur cette obligation de recourir à des experts, les travaux préparatoires du Code civil ne sont guère éclairants. Ainsi, dans le Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, il est simplement indiqué, pour les articles 1629 à 1649 que « nous n’entrerons point à cet égard dans les détails inutiles. On se convaincra par la seule lecture du projet qu’il ne fait que rappeler des maximes consacrées par la jurisprudence de tous les temps et liées aux principes de l’éternelle équité » (T. 14, p. 122).

La doctrine, ancienne et récente, n’est pas plus prolixe et guère critique quant à cette exigence. Ainsi, Demante notait simplement qu’ « il est possible qu’il eût toujours acheté, mais pour un moindre prix : le vendeur ne peut alors se refuser à lui laisser la chose en subissent une diminution du prix, qui sera réglée par experts » (Cours analytique de Code civil, T. 7, p. 110, n° 81, 1873). De même, Aubry et Rau soulignent que l’acquéreur dispose d’une option, sans émettre la moindre remarque quant au recours obligatoire aux experts (Cours de droit civil français, T. 3, p. 275, 1856). Enfin, MM. Huet, Decocq, Grimaldi et Lécuyer relèvent que « la fraction du prix à restituer à l’acquéreur doit être arbitrée par des experts », sans discuter du bien fondé de ce recours (Traité de droit civil. Les principaux contrats spéciaux, 3e éd., p. 309, n° 11364, LGDJ, 2012).

L’exigence du recours à des experts prévue par l’article 1644 du Code civil ne retenait donc guère l’attention. Les rares fois où il en allait différemment correspondaient à des hypothèses où la Cour de cassation venait censurer des arrêts de cours d’appel où les juges avaient procédé directement à l’estimation, sans avoir eu recours à des experts, donc en violation de l’article 1644 du Code civil (Cass. 3e civ., 3 déc. 2013, n° 12-28.420 : JurisData n° 2013-027982. - Cass. 3e civ., 8 avr. 2009, n° 07-19.690 : JurisData n° 2009-047871 ; Bull. civ. III, n° 86. - Cass. 1re civ., 3 mai 2006, n° 03-15.555 : JurisData n° 2006-033295 ; Bull. civ. I, n° 216).

En dépit de ce calme apparent, la Cour de cassation, dans son rapport annuel de 2013, a proposé la suppression du recours obligatoire aux experts. En ce sens, elle souligne qu’ « une telle expertise – par un collège – peut être utile ou inutile ; le juge doit avoir la liberté d’en décider. L’obligation renchérit le coût de la procédure et accroît les délais ». Cette proposition a été reprise par la suite par un amendement du 18 février 2014 présenté par le Gouvernement afin d’ajout d’un article dans le projet de loi n° 76. Dans le sens de la suppression, il est remarqué que « la désignation d’un expert par le juge, toujours possible en application des articles 10 et 143 du code de procédure civile, n’est pas toujours utile, en particulier lorsque le bien atteint d’un vice caché est de faible valeur ou lorsque le calcul des sommes à restituer est simple à effectuer. Imposer de façon systématique l’intervention d’un expert alourdit inutilement le coût et la durée de la procédure, ce qui peut, en pratique, dissuader les parties de demander une réduction de prix. La suppression du caractère obligatoire de l’expertise laissera au contraire au juge le soin d’en apprécier l’opportunité́ en fonction des faits de l’espèce et de la difficulté́ des calculs de réduction de prix ».

Pour conclure, si les experts n’étaient plus visés par l’article 1644 du Code civil, ils ne disparaitraient pas pour autant du Code civil, à l’instar du bon père de famille, puisque, par exemple, ils sont toujours utiles en matière de rescision pour lésion (C. civ., art. 1678), d’estimation de l’immeuble lorsqu’est invoqué l’article 2458 ou 2459 du Code civil (C. civ., art. 2460). En outre, cette modification de l’article 1644 du Code civil ne mettra pas fin aux rôles des experts quant à l’application de l’article 1644 du Code civil puisque comme le précise l’amendement, le juge pourra toujours, d’office ou à la demande des parties, désigner un expert pour qu’il procède à une estimation Enfin, l’expert, qui n’est autre qu’un homme de l’art, conserve une place importante dans le secteur de la construction, tant en cours d’exécution des contrats que lors de la survenance de litiges. Ainsi, à titre d’exemple, presque quasi systématiquement, un expert est désigné par le juge lorsqu’il est fait application de l’article 1792 du Code civil. Il n’y a à cela rien d’étonnant puisque l’expert, en tant que technicien, est « la personne choisie et commise par le juge en raison de sa qualification pour l'éclairer par une constatation, une consultation, ou une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un spécialiste et dont dépend la solution du litige » (G. Cornu, Vocabulaire juridique : PUF, 8e éd. 2007). Cet avis purement technique permettra alors d’éclairer le juge. Il ne s’agît pour autant pas uniquement de cela puisque cette expertise peut être ordonnée sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile avec pour objectif de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige. Bien entendu, lorsqu’une action doit être dirigée contre l’assureur dommages-ouvrage, l’assuré ne doit pas oublier de respecter la phase amiable et donc de procéder à une déclaration amiable de sinistre (Cass. 3e civ., 14 mars 2012, n° 11-10.961 : JurisData n° 2012-004325 ; Bull. civ. III, n° 43).

V. Z.-S, le 8 janvier 2015.

Complément du 12 février 2015 : le Conseil constitutionnel a jugé ce jour la loi conforme à la Constitution (www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2015/2015710dc.htm) :

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le 29 janvier 2015, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Gérard BAILLY, Philippe BAS, Christophe BÉCHU, Jérôme BIGNON, Jean BIZET, François BONHOMME, Michel BOUVARD, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, François COMMEINHES, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Eric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, M. Louis DUVERNOIS, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Michel FORISSIER, Alain FOUCHÉ, Jean-Paul FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Pierre FROGIER, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jean-Claude GAUDIN, Jacques GAUTIER, Jacques GENEST, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Alain JOYANDET, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, M. Guy-Dominique KENNEL, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Mme Vivette LOPEZ, MM. Michel MAGRAS, Claude MALHURET, Didier MANDELLI, Alain MARC, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Brigitte MICOULEAU, M. Alain MILON, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Philippe MOUILLER, Philippe NACHBAR, Claude NOUGEIN, Jean-Jacques PANUNZY, Philippe PAUL, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, François PILLET, Xavier PINTAT, Louis PINTON, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, André TRILLARD, Michel VASPART, Jean-Pierre VIAL et Jean-Pierre VOGEL, sénateurs.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code civil ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 9 février 2015 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de son article 8 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 : « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du code civil, afin de moderniser, de simplifier, d'améliorer la lisibilité, de renforcer l'accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme et, à cette fin :

« 1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d'offre et d'acceptation de contrat, notamment s'agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ;

« 2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d'information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d'une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l'autre ;

« 3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ;

« 4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ;

« 5° Clarifier les dispositions relatives à l'interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d'adhésion ;

« 6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l'égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d'adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ;

« 7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ;

« 8° Regrouper les règles applicables à l'inexécution du contrat et introduire la possibilité d'une résolution unilatérale par notification ;

« 9° Moderniser les règles applicables à la gestion d'affaires et au paiement de l'indu et consacrer la notion d'enrichissement sans cause ;

« 10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l'obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d'extinction de l'obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ;

« 11° Regrouper l'ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d'obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d'anéantissement du contrat ;

« 12° Clarifier et simplifier l'ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d'abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l'autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l'admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d'admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ;

« 13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12° » ;

3. Considérant que, selon les requérants, l'habilitation ainsi donnée au Gouvernement pour modifier par voie d'ordonnance le livre III du code civil excède, en raison de son ampleur et de l'importance que revêt dans l'ordre juridique le droit des contrats et des obligations, les limites qui résultent de l'article 38 de la Constitution en matière de recours aux ordonnances ; que l'urgence invoquée pour justifier le recours à cette procédure ne serait pas caractérisée ; qu'enfin, la sécurité juridique serait méconnue compte tenu des modifications qui pourraient être apportées au droit des contrats et des obligations par le Parlement à l'occasion de la ratification de l'ordonnance ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » ; que cette disposition fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention ;

5. Considérant que, d'une part, l'article 34 de la Constitution place les principes fondamentaux des obligations civiles dans le domaine de la loi ; que, d'autre part, l'habilitation conférée par les dispositions précitées à réformer par ordonnance le droit commun des contrats, le régime des obligations et le droit de la preuve est précisément définie dans son domaine et dans ses finalités ; que, par suite, cette habilitation ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 38 de la Constitution ;

6. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; que, d'autre part, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ;

7. Considérant que, lorsqu'il modifie, notamment à l'occasion de sa ratification, les dispositions d'une ordonnance entrées en vigueur, le législateur est tenu au respect de ces exigences ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 8 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;

9. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article 8 de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 février 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.

ECLI:FR:CC:2015:2015.710.DC