Evaluation immobilière, liquidation de communauté et responsabilité du notaire

Par un arrêt de la première chambre civile du 20 mars 2014, la Cour de cassation rappelle tout d'abord que le caractère sérieux de l'évaluation donnée à un immeuble ne se confond pas avec sa valeur vénale. D'autre part, elle précise qu'un notaire, chargé de l'établissement de la convention définitive portant règlement des effets du divorce, ne peut voir sa responsabilité engagée quant à l'évaluation retenue d'un immeuble dès lors que celle-ci ne présentait pas un caractère dérisoire et que le notaire n'avait pas été chargé de procéder à une vérification approfondie de la valeur de l'immeuble.

V. Zalewski-Sicard.

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du jeudi 20 mars 2014

N° de pourvoi: 13-15085

Non publié au bulletin Rejet

M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Bertrand, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Didier et Pinet, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2013), que le divorce des époux X... a été prononcé, sur leur demande conjointe, par un jugement du 16 février 2006, homologuant la convention définitive portant règlement des effets du divorce et l'acte liquidatif de la communauté dressé en la forme authentique le 30 janvier 2006 par M. C..., notaire associé ; que reprochant à ce dernier d'avoir sous-évalué un immeuble dépendant de la communauté, M. X... a recherché sa responsabilité professionnelle ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :

1°/ que le notaire, qui est tenu d'éclairer ses clients sur la portée de leurs actes ou de leurs engagements, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en estimant que M. C...n'avait commis aucune faute en dressant l'état liquidatif de la communauté sans prendre en considération la valeur réelle des biens qui y figuraient, aux motifs que « la valeur du bien immobilier de Saint-Firmin correspond à une valeur retenue d'un commun accord par les deux parties, analogue à un accord entre un vendeur et un acquéreur sur un prix », que le notaire « n'avait d'autre obligation que celle de s'assurer de ce que cette valeur correspondait à l'accord des parties » et qu'il « ne lui appartenait pas d'en proposer une autre », la cour d'appel, qui a méconnu que le notaire ne peut prétendre se soustraire à son obligation de conseil au motif que son rôle se serait borné à entériner un acte établi par les parties, a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le notaire doit exercer son devoir de conseil de manière à éclairer ses clients sur la portée de leurs actes ou de leurs engagements ; qu'en estimant que M. C...n'avait commis en l'espèce aucun manquement à son devoir de conseil, dans la mesure où l'évaluation du bien immobilier de Saint-Firmin n'apparaissait « pas dérisoire » et que « rien ne permettait au notaire d'imaginer qu'une difficulté devrait survenir à ce propos », la cour d'appel, qui a méconnu que le notaire devait exercer son devoir de conseil en toute hypothèse, sans pouvoir s'y soustraire au motif qu'il n'envisageait pas de difficulté sur le point considéré, a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en constatant que les estimations figurant dans l'état liquidatif dressé par M. C...« comprennent des paramètres autres que les réelles valeurs vénales selon le marché immobilier (¿) », puis en relevant que le notaire s'était borné à entériner sur ce point l'accord des parties sans prodiguer à cet égard aucun conseil, dans la mesure où il ne pouvait imaginer qu'une difficulté surviendrait relativement à ces évaluations, d'où il résultait nécessairement que M. C...avait délibérément manqué à son devoir de conseil sans justification sérieuse, la cour d'appel, qui a toutefois exonéré le notaire de tout manquement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que le caractère sérieux de l'évaluation donnée à un immeuble ne se confond pas avec sa valeur vénale ; qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que l'immeuble litigieux, évalué à 250 000 euros, avait été acquis en 1997 au prix de 96 043 euros et que l'avis de valeur fourni par M. X..., émis en janvier 2007 sans visite de l'immeuble et après réalisation d'importants travaux de rénovation, était dépourvu de force probante et ne pouvait sérieusement contredire le prix convenu entre les parties, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'évaluation du bien litigieux ne présentait pas un caractère dérisoire ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu décider que le notaire, qui n'avait pas été chargé de procéder à une vérification approfondie de la valeur de l'immeuble, n'avait pas failli à son obligation de conseil lors de l'établissement de l'état liquidatif de la communauté ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;