Exception de nullité de l'assignation et absence de publicité foncière de l'action en nullité d'un partage

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 13 mai 2015

N° de pourvoi: 14-14733

Non publié au bulletin

Cassation

Mme Batut (président), président

SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la première branche du premier moyen :

Vu les articles 28, 4°, et 30 du décret du 4 janvier 1955 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Carmen X... veuve en premières noces de Gil Y... Z... et en secondes noces de Jean Joseph A..., est décédée le 25 août 1990 ; que, selon un acte de notoriété reçu les 23 avril et 4 juin 1992, elle a laissé pour seules héritières trois filles issues de sa seconde union, Mme Marina A... épouse B..., Mme Catherine A... épouse C... et Mme Elisabeth A... veuve D... (les consorts A...) ; qu'un immeuble dépendait de la succession ; que, par acte du 21 juillet 2010, soutenant que les consorts A... les avaient délibérément omis dans l'acte de partage de la succession de leur mère alors qu'ils connaissaient leur existence, Mme Maria E... Y... X... épouse F..., Mme Victorina Y... épouse X..., M. Alain Y... et M. Jean-Jacques Y... (les consorts Y...), enfants et petits-enfants de Carmen X... et Gil Y..., les ont assignés en nullité du partage et en ouverture de nouvelles opérations de liquidation et de partage ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'assignation tirée de la violation des dispositions de l'article 56, 4°, du code de procédure civile, l'arrêt énonce que, les consorts Y... sollicitant la nullité du partage de la succession de Carmen X... dont ils prétendent avoir été évincés, c'est-à-dire d'une universalité dont ils ne peuvent a priori connaître la consistance exacte et non d'un immeuble en particulier, leur demande n'est pas soumise à la publicité foncière prévue par les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 tel que modifié par l'ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles, lorsqu'elles portent sur des droits soumis à publicité, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation, ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort tel un partage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour les consorts A....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté les exceptions de nullité de l'assignation soulevées par les consorts A... ;

Aux motifs que les consorts Y... sollicitaient la nullité du partage de la succession de Carmen X... dont ils prétendaient avoir été évincés, c'est-à-dire d'une universalité dont ils ne pouvaient a priori connaître la consistance exacte et non d'un immeuble en particulier, de sorte que leur demande n'était pas soumise à la publicité foncière prévue aux articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955 tel que modifié par l'ordonnance du 10 juin 2010 ;

Alors 1°) que sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les demandes en justice tendant à obtenir l'annulation d'une mutation ou d'une constitution de droits réels immobiliers à cause de mort ; qu'en ayant considéré que la demande en nullité d'un partage successoral n'était pas soumise à publicité foncière, ne s'agissant pas d'un immeuble en particulier, la cour d'appel a violé les articles 28 4° et 30 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

Alors 2°) que dans leur assignation, les consorts Y... avaient accusé les consorts A... d'avoir voulu s'approprier l'immeuble situé au ... à Arcueil, domicile de la défunte ; qu'en ayant énoncé que les consorts Y... sollicitaient l'annulation d'une universalité dont ils ne pouvaient connaître la consistance exacte et non d'un immeuble en particulier pour en déduire que leur demande n'était pas soumise à publicité foncière, la cour d'appel a dénaturé l'assignation des consorts Y... et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du partage et prononcé en conséquence la nullité du partage de la successionde Carmen X... eu égard à l'omission des héritiers issus de la première union de la défunte avec Gil Y... ;

Aux motifs que sous le régime antérieur à la loi du 23 juin 2006, la nullité encourue pour omission d'un héritier était une nullité absolue, la présence et le concours de tous les indivisaires constituant une condition substantielle de la validité d'un partage ; qu'en cas de réduction du délai de prescription, le nouveau délai courait à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la date du partage de la succession de Carmen X... n'était pas précisée ; que même en prenant comme point de départ le jour du décès, soit le 25 août 1990, le nouveau délai de cinq ans prévu par la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin suivant, n'était pas écoulé et l'ancien délai de prescription de l'action en nullité absolue, de trente ans, n'était pas expiré lorsque les consorts Y... avaient assigné Mme A... le 21 juillet 2010 ; que l'action en annulation du partage n'était donc pas prescrite ;

Alors que sous le régime antérieur à la loi du 23 juin 2006, la nullité encourue pour omission d'un cohéritier, protectrice du seul intérêt particulier de l'indivisaire, était déjà une nullité relative, soumise à la prescription quinquennale ; qu'en ayant considéré, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, que la nullité encourue pour omission d'un héritier était une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les articles 887 ancien du code civil, 887-1 nouveau et 1304 du code civil ;

ECLI:FR:CCASS:2015:C100496

Analyse

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris , du 20 novembre 2013