La première platine Technics à bras tangentiel vraiment diffusée par la marque sort en 1979 et c'est la SL10... Deux années après Technics propose une machine moins complexe qui repose sur les mêmes principes, moins onéreuse et que certains considèrent comme meilleure que la SL10 (HiFi Choice 1983). Mmm... En attendant, qu'est ce que l'on va faire avec celle(s) que l'on a dans les mains ?
Avant d'écrire tout le reste, je tiens à écrire l'essentiel : cette platine marche SUPER FORT ! Voilà, d'habitude on présente le zinzin et après on dit tout le bien que l'on en pense, mais en l'occurrence c'est trop fort pour que je ne l'écrive pas d'abord ! Ecouter un disque devient un événement, vous restez cloué dans le canapé. Le genre d'expérience (de ce que l'on m'en a dit) comme la drogue, vous écoutez et ça ne suffit pas et vous en voulez encore et c'est jamais assez et votre femme est partie se coucher et vous restez là à lutter contre le sommeil parce que vous en voulez plus.
Dans la SL10, sortie en 1979, de nombreuses innovations sont présentes : l'entraînement direct (inventé par Shuichi Obata chez Matsushita qui deviendra Panasonic, propriétaire de Technics) et le contrôle par Quartz et PLL mis au point par Toshikazu Yosumi, ainsi qu'un bras tangentiel, très rare à l'époque, avec une monte T4P (inventée par Technics). Ouf !
Ces innovations sont aussi injectées dans la SL7, qui comme son aînée offre :
un fonctionnement tout automatique
des dimensions réduites (taille d'une pochette de disque 315*315*88),
la capacité à fonctionner "même à l'envers" car le disque est maintenu par un palet et le bras est géré dynamiquement etc...
Et toute cette technologie, en calculant les 220 Livres Sterling de 1983 avec l'inflation, pour la modique somme d'un équivalent de 420€ de prix de vente aujourd'hui. A ce tarif dérisoire cela n'est pas étonnant que le produit se soit vendu comme des petits pains. Peut être que les économies ont été réalisées sur la cellule, bien que ce soit impossible à confirmer aujourd'hui, car les diamants sont rincés et ça n'existe plus en neuf.
En comparaison avec la SL10, la SL7 est plus simple et (vraiment) plus facile a entretenir et réparer. Ragot de forum, elle est soit disant un peu meilleure que son aînée, ce qui est faux, mais nous en reparlerons quand nous publierons l'article sur la SL10. Quoiqu'il en soit, le résultat sonore est vraiment spectaculaire, n'est-ce pas Serge ?
Comme pour la SL5 que l'on aime bien - une déclinaison économique des deux grandes sœurs - tout le fonctionnement est automatique : on pose un disque, on ferme le capot et on appuie sur "Play". Le bras tangentiel est typique de la série, et la cellule est en monte "PMOUNT" ou "T4P". Je vous invite à lire la page de la SL5 pour en savoir un peu plus.
Vous trouverez de la documentation sur le site de Vinyle Engine, le User Manual mais surtout le Service Manual (SM). Le SM n'est pas un manuel de réparation, par contre il permet tout de même d'avoir une idée sur le "comment démonter" et aussi donne des points de réglages, c'est déjà ça.
Comme sur TOUTES les platines qui ont une courroie, de temps en temps il faut les changer ! Donc, dans cette machine à entraînement direct (du plateau), il y a une courroie pour l'entraînement du bras !
Voilà le système situé dans le capot de la platine avec à gauche l'asservissement et à droite le bras. Notez en bas à droite un rectangle qui est en fait un petit contrepoids pour le bras. C'est rigolo... Et avant nettoyage de la vieille graisse.
Ci contre le système qui déplace le bras, asservi par un système optoélectronique.
En bas le moteur est disposé dans un silent bloc. Il entraîne la courroie qui fait bouger une vis sans fin au bout de laquelle se trouve un petit volant qui va venir occulter la lumière sur un détecteur.
La vis sans fin entraîne aussi une roue dentée, sur laquelle un cable métallique est fixé, qui va déplacer le bras.
Sur cette photo on voit le volant "à trou". C'est l'occultation de la lumière qui va permettre de compter le nombre de tour, un peu comme avec les vieilles souris à boule des années 90.
Et oui il faudra nettoyer la graisse vieille de 40 ans pour en remettre de la neuve...
La carte de detection de la taille du disque / capteur de tour. En rouge le composant dans lequel le volant à trou vient se positionner.
Ce composant dispose d'un émetteur optique et d'un récepteur optique. A chaque occultation de la lumière, on peut compter "un pas" de déplacement. Le reste, le calculateur 4 bits (whaaa) peut le calculer.
Vue d'ensemble avec la carte électronique remontée au milieu à droite on voit le rail de guidage du bras.
En haut à gauche on voit le détecteur de fin de course pour le déplacement du bras vers le centre du disque. Disposé à droite (pas très visible) se trouve le fin de course pour positionner le bras à l'extérieur du disque.
En zoomant... Lors de la mise sous tension, quand ce fin de course est ouvert, la logique interne vas déplacer le bras.
La petite vis (1) va venir appuyer sur la languette (2) du fin de course : quand il y a contact, ça veut dire que le bras est à droite
, bien rangé. C'est en vissant plus ou moins la vis que l'on règle la position du bras à l'extérieur (un second réglage est disponible).
Bien entendu on a exactement le même principe sur la position du bras à l'intérieur du disque, qui déclenche la levée du bras et le retour en position initiale.
Cette photo est plus lisible pour voir comment ça marche.
Dans mes recherches sur la platine, j'ai trouvé aussi deux autres pannes récurrentes :
le bouton "repeat" est perdu, je ne sais pas comment c'est possible mais comme c'est toujours le même (voir les annonces ebay), ce doit être un point faible, surtout pour un truc que l'on n'utilise pas. Finalement ce n'est pas très grave je trouve, parce qu'à moins de la savoir, ça ne se remarque pas
le vrai point faible de cette belle mécanique, c'est le système de fermeture du capot, qui a du être confié à un stagiaire. Très souvent on voit les capots cassés aux charnières. Avec www.cetrid.fr on va essayer de vous proposer une solution à base d'impression 3D et d'aimants néodyne pour régler ça.
Je remercie Will77 qui m'a proposé un lot de platines et m'a quasiment offert une SL7 en panne "pour pièces" : c'était un très beau cadeau parcce que je me suis juré de tout mettre en oeuvre pour la faire fonctionner ! Cela m'a permis d'effectuer tout un tas d'opérations afin de la remettre en route. J'ai beaucoup appris de cette expérience.
Initialement le bras de la LS7 ne bougeait plus. Quand on constate cela, en général la réponse c'est courroie. Cependant, une courroie était présente et "rien ne bougeait", et la "logique" de la machine était inopérante. Les ennuis commencent, c'est la que ça devient intéressant. J'ai testé les fins de contacts et ensuite le moteur d'entrainement du bras : le vilain, il ne tournait pas !
Après quarante années, c'est normal d'avoir besoin d'une petite révision : n'importe quel tardigrade vous le dira. Ci-dessous, le détail de tout ce qui é été effectué.
Avant de m'attaquer à la partie moteur etc... j'ai d'abord démonté le bras. Le bras coulisse sur un rail en métal (indiqué par la flèche rouge) et j'ai donc passé un temps infini à nettoyer cette tige.
Pour ce faire j'ai utilisé un chiffon et de l'alcool isopropylique.
J'ai vraiment frotté, frotté, frotté avec un chiffon qui récupérait des traces noires, même encore après plusieurs dizaines de minutes de frottement.
J'ai aussi nettoyé le conduit du bras en passant un bout de chiffon à l'intérieur, mais seule les deux extrémités avaient accumulé une sorte de graisse noire. Propre à l'intérieur.
Ensuite sur la partie entraînement du bras, nettoyage de la vis sans fin et de la roue dentée de sa graisse jaune qui date de 1981. Le point positif, c'est qu'elle n'avait pas figée, comme on peut le voir de temps en temps.
Regraissage avec la WD40 "Graisse Blanche au lithium".
Un gros plan sur cette partie. Pour nettoyer la roue dentée j'ai enlevé le clip mais j'ai seulement un peu décalé vers mois la roue.
En effet celle-ci tient une courroie en acier (visible) qui est entortillé dans un enroulement complexe genre tuner des années 70 : ceux qui connaissent et qui ont déjà passé des dizaines de minutes à refaire le chemin de la "string" savent de quoi je parle !
C'est la courroie en métal qui déplace le bras, c'est un point "sensible" !
Avant de vous parler du moteur, je voulais vous faire remarquer le volant avec des trous trous au bout de la vis sans fin.
Ce volant passe dans un système optique qui permet de compter les tours et savoir que le bras se déplace. C'est ce compte de "pas" qui est géré par le microcontrôleur - 4 bits ! - de la platine. Du coup, si ça ne bouge pas, rien ne bouge. Ni le plateau, ni le bras, rien de rien.
Sur la photo la courroie n'est plus présente, on la remettra plus tard, je tenais à vous parler du moteur maintenant !
Il est tenu par une patte qui est fixée par une seule vie, et enrobé dans un caoutchouc qui fait office de silent bloc.
Le voilà sorti de son emplacement, ce n'est pas complexe (par contre il faudra le repositionner correctement : prenez une photo !)
Il convient de débrancher son alimentation de la carte, c'est un petit connecteur avec les câbles bleu et rouge.
Voilà le moteur, à courant continu de 4V. Ici, le moteur était figé. Voici quelques opérations à effectuer sur cet élément :
le sortir de son silent bloc, pour éviter que le moteur soit solidaire du caoutchouc, afin que l'amortissement fonctionne
alimenter le moteur dans les deux sens pour le faire tourner, cela permet en général de le débloquer
lubrifier le moteur : j'ai utilisé l'huile spéciale de Technics que j'avais sous la main.
Pour alimenter le moteur dans le but de le forcer à tourner, certains préconisent une tension de 9V. Je trouve cela très brutal et j'ai fait un petit montage avec une power bank USB, pour alimenter le moteur en 5V, quelques secondes, dans les deux sens.
Le moteur a démarré, ensuite une goutte d'huile, puis remise en place.
Et puis bien sût le changement de courroie. Je vous laisse imaginer laquelle est la nouvelle !
Le problème de l'aluminium, c'est que ça s'oxyde.
Encore un produit chimique pour la maintenance et encore du frottage pendant des dizaines de minutes, c'est impressionnant tout le noir que l'on sort du plateau.
Cela me fait penser à la SL10 dont on parlera dans pas longtemps : l'aluminium a vraiment souffert, la platine est piquée sur son plateau et à l'extérieur sur le capot.
Et encore un produit chimique pour rénover le couvercle... Et encore des dizaines de minutes à frotter.
Je confirme que ça fonctionne en partie (la platine paraît plus propre), sans faire de miracle, mais il faut frotter, frotter, frotter !
Pendant que j'y étais, un peu de graisse au lithium sur la bille du "puck" qui maintient le disque en place.
Certaines personnes enlèvent cette pièce. Personnellement je considère qu'elle fait partie de la platine et je préfère la laisser.
Hmmm... Il faut quand même que je vous raconte. En plus de la remise en état de la mécanique, il y avait un peu de travail de nettoyage.
J'ai utilisé encore de la chimie, parce que la platine était dans un très sale état. J'ai commencé par nettoyer le plus gros parce qu'initialement c'était vraiment très sale.
Alors à l'extérieur la platine était... Comment dire... Les lingettes anti bactériennes, pour désinfecter, c'était pas du luxe.
J'ai vraiment fait le plus gros. Ensuite, en démontant, petit à petit, j'ai nettoyé partout ou je pouvais.
La poussière et la crasse étaient partout et j'ai été impressionné par la capacité de la poussière à aller se loger dans des endroits difficilement accessibles !
La couvre plateau était particulièrement impressionnant.
Un bon bain était obligatoire.
Haaaaa, ça va mieux !
Même sous le plateau, c'était sale ! Alors en discutant, quelqu'un a émis l'hypothèse que le direct drive de la platine a été utilisé pour faire tourner les tournes broches lors des barbecues dans les écuries d'Augias.
Je pense que c'est le plus plausible !
La poussière à la jointure entre le capot en métal et la parte en plastique transparent.
Très impressionnant.
Au moins, quand on a fini de restaurer la machine, on voit une nette différence, ce n'est pas Jane qui nous dira le contraire.
Quand Will77 m'a filé cette platine, je me suis dit "je vais tout faire pour la réparer". Passer en mode "projet de restauration" et ronger mon os jusqu'au bout, c'est un petit travers mais je ne trouve pas que ce soit du temps perdu.
La poubelle ou donner du plaisir, je préfère la seconde solution : c'est meilleur pour l'environnement.