Pionneer

PL-L1000

Une platine disque vintage ?

Il y a vraiment un engouement singulier autour du vinyle (et de la cassette !) ces dernières années. Dans les lignes qui suivent, je vais essayer de défricher le sujet en utilisant comme support une platine de 1979, la Pioneer PL-L1000. Les spécialistes de la platine peuvent s'épargner la lecture. Par contre pour ceux qui découvrent le sujet, j'espère au fil des lignes ci-dessous distiller quelques bons conseils et surtout proposer des pistes pas trop onéreuses pour profiter du vinyle.

Histoire

On ne va pas réécrire l'histoire de la platine à travers les siècle. Juste quelques mots pour dire que le somment de la platine est arrivé en 1980, conjointement au début du CD (1983) et qu'il aura fallu attendre 40 ans pour que la platine vinyles revienne "à la mode". Fin des années 70 la guerre faisait rage entre les différents constructeurs et la R&D allait bon train pour tirer le meilleur parti des vinyles, quitte à produire des platines "overkill" avec des raffinements délirants, dans le but de se démarquer de la concurrence.

Début des années 80 on a vécu un transfert du marché vers les supports numériques physiques (CD essentiellement), et plusieurs décennies de traversée du désert pour la platoche. Début des années 2000 par exemple, il était très difficile de trouver une cellule ou une pointe de remplacement.

En 2021, c'est le revival : nous avons l'embarras du choix, et il y a même des magasins physiques spécialisés dans la platoche. Même si la musique physique à connu une baisse de 20% en 2020 au profit du support dématérialisé, le chiffre d'affaires du vinyle a progressé de 10%... Et il s'est vendu environ 190 000 platines (neuves) !

Alors profitons de cet engouement pour parler vinyles et présenter un modèle haut de gamme de l'époque, qui était proposé à un tarif presque raisonnable et réaliste par rapport à toute la sophistication embarquée : environ 1000$ en 1979, c'est à dire 3200$ aujourd'hui.

Je précise que je n'ai a priori pas d'intérêt particulier ni pour la PLL1000, ni pour la marque Pionneer en général. J'ai mes marottes et je préfère aveuglément les platines Technics, que l'on me pardonne. Mais aujourd'hui c'est la PLL1000 que l'on a dans nos mains, une platine qui a gardé une bonne côte d'un point de vue de sa qualité de restitution, et voilà l'occasion de la présenter et de la restaurer un petit peu.

Je précise aussi que "je ne juge pas" : si le format numérique est supérieur en tous points aux mesures, on a aussi le droit de se faire plaisir avec les vinyles : pas de débat, chacun choisira son bonheur et j'invite ceux qui décrient le vinyle à en écouter pour se rendre compte que ce n'est pas si mauvais que ça !

Points clés de la PL-L1000

  • Il s'agit d'une platine à entraînement direct. Dans les années soixante dix, quand les japonais sont arrivés avec leurs super platines, les anglais ont décidé, pour sauver la production nationale à entrainement à courroie, que l'entrainement direct produisait un son stérile, froid et peu musical (ça ne vous rappelle rien ?). Personnellement (aie aie aie) je préfère les platines à entrainement direct

  • le moteur est contrôlé par une PLL (phase locked loop) à quartz, ce qui se fait de mieux dans le genre

  • le Signal To Noise Ratio est supérieur à 78dB, on en reparlera ci-dessous

  • pleurage et scintillement de 0.013%WRMS, le chiffre est excellent mais les platines modernes bien foutues dans les 500€ sont aussi bonnes

  • le châssis est en aluminium et repose sur des suspensions qui font office de pieds (on y reviendra)

  • le bras tangentiel, véritable clou du spectacle, est une pièce incroyable qui repose sur son propre système de suspension et se déplace avec une boucle d'asservissement et un contrôle optique

  • c'est une platine automatique, pour ceux qui apprécient le confort de l'automatisme

Non mais vous avez vu la sophistication de ce bras ? Tout le bloc dispose de son propre système de suspension et le bras lui même se déplace en flottant sur un rail magnétique avec un asservissement par photo-diodes. Ca semble totalement "overkill" pour un bras de platine !

En mains

Dans les mains, la platine est "hénaurme" ! Ses dimensions sont supérieure à une Technics SL1200 MkII par exemple, pour un poids à peu prés équivalent, de 12Kg.

Elle est si grande qu'elle ne tient pas correctement sur le meuble prévu pour les platines "conventionnelles", les pieds dépassent sur les côtés !

Sur la photo, on voit clairement qu'il s'agit d'une platine à bras tangentiel. Le discours de l'époque était de dire que le bras classique sur le côté était correctement réglé seulement sur une partie du disque, alors qu'un bras tangentiel permettait de toujours poser la cellule bien dans le sillon, à la manière dont le sillon était gravé au moment de la fabrication du master.

Test et diagnostic

Tout d'abord, lorsque vous récupérez une vieille platine, je vous recommande de vous inscrire sur le site Vinyle Engine, puis de télécharger le manuel utilisateur et le "service manual". Le "user manual" (manuel utilisateur) est le document qui permet d'effectuer quelques réglages lors de la mise en service : il donne les indications pour régler le bras et la cellule. Le Service Manual est la documentation destinée au technicien pour les réparations, parfois nécessaires pour les platines vintages.

Ce site dispose aussi d'un forum dans lequel vous pouvez certainement trouver des informations complémentaires.

La platine a été mise sous tension pour test. Le bouton pour lever / baisser le bras ne fonctionne plus et visiblement il y a un problème de suspension du châssis. Globalement, ce sont les deux problèmes habituels sur cette platine :

  • il faut changer la courroie du bras , on entend le moteur se déclencher mais le bras ne bouge pas, c'est pour cela que je pense qu'il s'agit de la courroie

  • il faut changer quelque chose dans les pieds : le châssis n'est visiblement plus suspendu. Je sais que les pieds de cette platine sont spécifiques, avec un bout de caoutchouc à l'intérieur du mécanisme et qu'il se délite au fil du temps.

Service Manual

Dans le service manual on trouve la courroie qui est numérotée '10' : dans la liste des pièces, sont petit nom est "PEB-097".

La référence de la pièce n'est même pas requise pour en trouver une sur la baie, il suffit de taper la référence de la platine. C'est dans les 10€ environ avec les frais de port.

Commandée !

Maintenant les pieds ! Voilà un éclaté de la partie qui les montre. Ce qui nous intéresse est dans la partie haute du pied, entre 8 et 10. Que nous dit le SM pour la liste des pièces ?

Il y a de grandes chances que ce soit PEB-102 notre coupable ! C'est dommage de ne pas avoir les dimensions exactes pour faire une impression 3D en matériau élastique du genre TPU.

PEB-102, ça se trouve mais par contre, aux USA. En comptant le port et la taxe d'importation, je suis assez certain de ne pas vouloir commander... Sur un autre site en Allemagne, c'est 80€ plus le port.

Peut être faut-il vraiment aller vers une impression 3D...

Pour les caoutchoucs des pieds, on peut essayer d'imprimer plusieurs fois, jusqu'à ce que ça fonctionne. En plus, si cela est finalement correct, on pourra poser le design sur Thingiverse afin que d'autres puissent fabriquer les leurs. Pour les PL600, 630, 1000... Et les Phase Linear. Ha oui, je ne vous l'avais pas indiqué : cette platine a été vendue aux USA sous le nom "Phase Linear 800" dans une robe grise.

En attendant, j'ai effectué une réparation de fortune avec... De la chambre à air de vélo ! Et le pire, c'est que ça fonctionne correctement, j'ai honte de l'écrire.

Dernier point sur les petits détails remarqués : le sujet des câbles. Ils paraissent vraiment "cheap" par rapport à ce qui se fait aujourd'hui. Le câble d'alimentation ressemble à celui d'une lampe de chevet bon marché. Celui du signal + masse a le mérite d'être long. Néanmoins il se termine par des connecteurs RCA en plastique moulé indignes de la platine.

Ecoute

Je ne sais pas comment le formuler. Bien entendu comme tout le monde à la maison nous écoutons essentiellement de la musique en provenance de sources numériques. D'un autre côté je dois avouer que je prends aussi énormément de plaisir à écouter des vinyles, c'est une expérience qui m'est agréable et qui semble agréable à de plus en plus de monde.

En préambule, je voulais indiquer que de mon point de vue il est très important d'avoir la cellule et le bras bien réglés, ce qui n'est pas compliqué avec un peu de méthode ! Souvent on utilise le "protractor" disponible sur vinyle engine, que l'on peut imprimer chez soi, pour régler l'alignement de la cellule. Si vous avez une platine et que vous ne découvrez, je vous recommande d'y jeter un coup d'oeil. D'autre part, je suis persuadé que la qualité de réglage est déterminante, bien plus que le tarif de la cellule : pour une quarantaine d'euros, on a déjà un modèle correct, inutile de dépenser des fortunes.

Ceci dit, je viens de passer quelques jours à écouter des disques sur la Pioneer. En attendant la courroie qui va permettre de profiter de l'automatisme, je peux l'utiliser en mode "manuel".

Et je dois dire que je suis estomaqué par le résultat que je trouve spectaculaire. Je ne pensais pas que ce serait si bon, et encore, c'est juste en l'associant à un système composé d'éléments très économiques.

En 1979 c'était vraiment sommet de la gamme de Pioneer. D'ailleurs certains considèrent que la marque n'a jamais fait mieux. Je n'ai pas l'expérience de toutes les Pios, mais je dois dire que je suis très impressionné. Bla bla bla, mais qu'est ce que ça vaut par rapport à une platine moderne ?

Comparaison face aux modernes

J'ai gardé quelques temps une jolie Audio Technica LP120 qui est partie chez mon neveu. Quand on écoute l'AT120, on entend clairement le bruit du moteur.

Les chiffres sont là : SNR >50dB au lieu de 78dB, ça s'entend !

La Pio a un pleurage et scintillement inférieur, mais surtout le rapport signal / bruit est incroyablement plus élevé : on entend moins de bruits et plus de musique !

Donc, par rapport à une platine dans les 250€, la Pioneer est aux mesures et à l'écoute, véritablement d'un autre calibre (en gardant la même cellule). On continue avec de la platine à 500€.

Reloop RP-7000Mk2 : le pleurage et scintillement est meilleur, mais le rapport signal / bruit est un peu meilleur que l'AT 120, et loin de la Pio...

Je ne dis pas que l'AT 120 ni la Reloop sont de mauvaises platines. Elles ont leurs cas d'usages : l'AT 120 c'est pour tweaker, la Reloop c'est pour le DJ.

Ce que je dis c'est qu'en regardant les données publiées, on a une indication. Et que ces indications sont favorables à une Pio de 1980 ou une Technics de la même époque.

J'aurai tendance à ajouter que si vous êtes dans la démarche d'acquérir une platine, regardez les chiffres. Parce que sinon, vous risquez d'être déçu. Sur le site vintage Technics, regardez du côté des platines à entrainement direct (Technics n'investissait pas dans la courroie, tout la R&D était pour l'entraînement direct), regarder la liste des platines avec un S/N ratio à 78dB et comparez avec la machine neuve que vous voulez acheter.

Bien sûr une AT120 est accessible, mais il faut la tweaker pour en tirer un peu plus. Et une "vraie" platine, chez Technics, aujourd'hui c'est 1000€ :

Un Technics SL1500 à 1000€

Une Project à 1000€

La jolie Audio Technica AT-LP5X dans les 400€ avec un rapport signal bruit >50sB.

C'est insuffisant pour ce tarif.

Une Pioneer PLX1000, dans les 700€ propose des chiffres assez intéressants avec une S/N de 70dB : ça commence à être sérieux.

Par contre sur le ouaibe il est régulièrement démontré comment cette Pioneer se fait démembrer par une Technics SL1210 MkII ou une de ses soeurs.

Et si la vieille Technics la démonte, il n'y a pas de raison que sa vénérable ancêtre n'en face pas de même. Elle est jolie pourtant la PLX1000.

Pour conclure

Comprenez que si vous prenez un équipement de mauvaise qualité, vous passez complétement à côté du truc "you miss the point", autant ne pas y aller.

Si vous allez dans cette exploration :

  • sachez que c'est beaucoup plus cher que le numérique ! De nombreux autres achats sont à prévoir :

    • préampli phono - ceux intégrés aux platines sont du dépannage, un Cambridge Audio Duo est excellent,

    • le nécessaire pour nettoyer : les brosses, machine à ultrasons, liquide pour nettoyer,

    • trouver une bonne cellule (l'AT95e dans les 40€ est très bien et NEUTRE),

    • des accessoires divers tels qu'un palet presseur, un niveau à bulle, une balance

    • Et même les disques dont les tarifs sont du pur délire !

  • regardez les specs ! Si vous ne voulez pas trop dépenser, prenez une machine d'occasion sur LBC dans les 100 / 200€ chez Technics en entrainement direct et posez une cellule AT95E dessus

  • si vous prenez du neuf : regardez les specs, l'aspect esthétique viendra après !

Quelques idées "shopping"

Quelques photos ci-dessous pour montrer à quoi ressemble les produits cités dans les lignes précédentes (pour les flemmards qui ne chercherons pas) !

Préampli phono excellent 200/300€, le meilleur de ceux mesurés par Amir, sans considération de tarif. Je le recommande chaudement : une petite cellule et le Duo, ça c'est bon !

La brosse de base pour supprimer les poussières et l'électricité statique. C'est pas cher et sachez qu'une brosse est obligatoire !

La brosse Nagaoka CL1000 : c'est cher (100€, le tarif d'une bonne petite Technics d'occasion) mais les résultats de nettoyage sont spectaculaire. Quand ça craque et que ça "poppe", il est temps de sortir la Nagakoa.

Une machine à ultrasons, pour nettoyer les disques très sales. C'est vraiment très très bruyant, ça coute dans les 100€ pour une 6L, et ensuite il faudra ajouter un support moteur, ou alors acheter l'ensemble tout fait mais on multiplie le tarif par deux...

Le support à disques, dans les 60€ au mieux.

Le palet presseur, dans les 10€ chez Ali et une fortune ailleurs.

La petite balance permettant de peser la pression de la pointe sur le disque, parce que sur certaines platines il est compliqué de comprendre le système de contrepoids (et que c'est mieux de mesurer et valider que l'on ne s'est pas trompé)


Et sur Ali, 5 niveaux à bulle pour 3€ !

Cela permet de régler la parfaite horizontalité de la platine, la plupart étant très sensible à ce paramètre.

Une cellule bien sympathique ATVM95E dans les 40 / 50€ (de temps en temps il y a des promos dans les 30€). La cellule est neutre, contrairement à d'autres marques qui accentuent volontairement le haut médium / aigu pour donner une impression de plus de détails.

Comme disent nos amis UK, c'est un produit "no brainer".

Ci contre la petite balance qui permet de mesurer précisément le poids exercé par la pointe sur le disque.

La balance est livrée avec un petit poids qui fait 5 grammes et qui permet de la calibrer si cela est nécessaire.

La mesure est directe, on met sous tension, on pose sur le plateau et ensuite on pose l'aiguille sur la petite marque noire au centre du cercle blanc. Et boum, on lit la mesure !

Et hop, une petite blagounette pour ceux qui aime les Benders...