OrangePi800

La pilule amère

En 2022 le James Webb Space Telescope offre à l'humanité d'étudier les différentes phases de l'univers. Les découvertes, depuis la mise en service sont nombreuses. Là ou le JWST a échoué, c'est dans la découverte de stocks de Raspberry Pi pour le particulier.

En 2012 la fondation offrait à l'humanité un petit ordinateur en échange de quelques euros. Durant des années, un écosystème formidable s'est développé, en grande partie via la bonne volonté de tous les particuliers. Ceux qui ont animé les forums, ceux qui ont œuvré à MagPi Magazine avant que celui-ci soit repris par la fondation, tous ceux qui ont produit des ressources, des pages de sites, des vidéos sur le tube, etc...

En avril 2022, Eben Upton, le CEO de la fondation, a indiqué que malgré la production de 400000 unités par mois, seul le marché OEM pouvait être approvisionné, en prédisant une pénurie pour le marché du particulier jusqu'à fin 2022. C'est une petite pilule amère à avaler parce les acteurs du succès de la carte s'en trouvent aujourd'hui privés.

Fondation Raspberry : on t'aime, merci pour tout le chemin accomplit, les ressources disponibles, l'OS et la pérennité des produits dans le temps. Mais puisque l'on ne peut plus acheter de carte, nous sommes bien obligés d'aller voir ailleurs.

Vous reprendrez bien un fruit ?

Au mois de juin 2022 Xunlong a annoncé un produit avec un facteur de forme peu traditionnel. A vrai dire, la fondation Raspberry Pi avait déjà défriché le chemin avec la Raspberry Pi 400 : un ordinateur dans un clavier. Les plus vieux geeks seront à peine surpris de voir qu'il s'agit d'une resucée de l'apple II, du ZX81, de l'Oric 1, du Commodore 64, enfin bref d'un ordinateur dans un clavier auquel on branchera un écran pour l'utiliser.

Bien entendu, si l'on dispose à la fois de la Raspberry Pi 400 et de la Orange Pi 800, on ne risque pas du tout de les confondre, puisque ces deux machines sont totalement différentes.

Dans les lignes suivantes on comparera les deux machines, non pas pour savoir laquelle est la plus puissante bla bla bla, mais parce que de toute évidence, les deux machines, au moins dans le facteur de forme, sont très semblables.

Utilisateur de la Pi400 depuis le premier jour de sa mise sur le marché, j'ai apprécié ses performances suffisantes comme outil de développement. Mais surtout, l'écosystème autour des produits de la fondation est imbattable.

De son côté, Orange Pi propose aujourd'hui des produits qui sont disponibles à l'achat : ça fait peut être une différence...

Disponibilité, tarif et Jacques Chancel dans tout ça ?

Annoncée en juin 2022 concomitamment avec un système d'exploitation Orange Pi OS, la machine a pris son temps pour toucher le marché. Quoiqu'il en soit, elle a été annoncé à la vente un jour avant les vacances de "National Day", début octobre. Annoncée sur Taobao et JD pour la Chine, elle était dans les faits disponible sur Taobao. Comme d'habitude en Chine, l'expédition a été super rapide : remise au transporteur le samedi, le colis était disponible lundi matin à 11h près de Beijing.

Avec le bloc d'alimentation 5V-4A l'objet revient à un peu moins de 100€, ce qui est aligné peu ou prou à ce que coûte une Pi400. D'un autre côté, il faut rester raisonnable car il existe sur le marché de nombreuses solutions en "format NUC" avec de l'Intel dedans qui se trouvent parfois dans les 150€.

Sur Aliexpress, dans le magasin officiel de Xunlong, dans la catégorie OPI 800, on est bien désolé mais il n'y a rien qui corresponde !

Le mieux est d'aller boire un café en attendant que le produit soit disponible.

Sur Aliexpress encore, certains vendeurs proposent la carte : je suppose qu'ils commandent sur Taobao et expédient ensuite vers l'occident.

Mais il s'agit d'un tarif "pour les plus impatients", à 180€ je ne suis pas persuadé de l'intérêt, c'est plus cher qu'une machine à café performante et ça donne moins de pouvoir. E=MC2, Energy = Morning Coffee au carré.

Cela évoque les tarifs ridicules auxquels sont proposés les Raspberry en ces temps de pénurie. Chacun fait son petit commerce.

Quoiqu'il en soit, la carte arrive bien emballée avec une somptueuse documentation, c'est à dire un petit livret de quelques pages un peu plus grand qu'une feuille A4.

On pourra lire quelques généralités sur le sujet, par exemple où se trouve le bouton de mise sous tension. Quelques spécifications mais en gros on n'apprendra pas grand chose de ce document.

C'est déjà plus que lorsque l'on achète une Orange Pi Zero 2... Mais, il faut avouer que la documentation disponible sur internet pour la OPZ2 est considérable. Est-ce que l'on pourra avoir autant de documentation en ligne pour la Pi800 que pour la Pi Zero 2 ?

"Spéc"

Ci-dessous une capture d'écran du site officiel. Pour moi il y a deux grosses différences entre la OPi800 et la Pi400. La nouvelle venue est équipée d'un (vieux) processeur à six cœurs, dont deux Corex-A72 à 1.8GHz et quatre A53 à 1.4GHz. La seconde différence, c'est que la OPi800 propose un stockage interne à base de eMMC, a priori plus rapide et plus fiable qu'une SD Card.

Autre point important d'un point de vue pratique, je n'ai vu que des claviers QWERTY, ce qui peut en rebuter plus d'un, alors que la Pi400 offre plusieurs "localisations" différentes.

Personnellement j'apprécie le connecteur HDMI plein format de la Pi800, j'en ai plus que marre de chercher des adaptateurs partout pour les Raspberry : un pour la Raspberry Pi Zero 2 incompatible avec celui de la Raspberry Pi 400 !

Le port VGA pourra questionner, mais en Chine il reste encore énormément de vieilles merdasses. On a même des applications bancaires "sécurisées" qui fonctionnent avec Internet Explorer "parce que c'est plus sûr". Donc, au moins pour la Chine, un port VGA ce n'est pas ridicule.

La Pi800 embarque aussi de quoi faire du bruit, un petit haut parleur et une prise jack audio.

Coté GPIO : la présence d'un connecteur GPIO limité à 26 broches au lieu de 40 pour la Pi400. En haut la OPi 800 :

En ce qui me concerne, je ne trouve pas cela rédhibitoire. J'ai tendance à utiliser une carte pour une fonction et je ne me suis jamais retrouvé limité par les 26 pins que les Orange Pi proposent. Cela dépend des projets, avec un Arduino (dans le temps) on pouvait se retrouver un peu limité, mais une cartournette a priori ça gère un peu moins de matériel et un peu plus de logiciel.

Quel Système d'Exploitation ?

C'est dans la partie OS (Operating System) que le temps se gâte un peu. Pour l'instant, je ne sais pas comment installer le système de mon choix sur la machine. Dans les faits j'aurais aimé installer un système Armbian, il va falloir attendre un peu parce que mi octobre 2022 ce n'est pas disponible. Quoiqu'il en soit, la machine arrive avec un système installé sur la eMMC.

A la mise sous tension j'avais un peu peur de quelque chose de mal fini et non opérationnel. En pratique quelques tests m'ont rassurés. La crainte qui persiste, c'est essentiellement la peur de backdoors et autres petites indiscrétions dont la Chine est friande.

En résumé, pour l'instant je ne sais pas comment faire pour installer un autre système, je vais faire avec celui installé par défaut...

Pour la comparaison avec la Raspberry, quelques informations relatives à la framboise.

L'imager de la Fondation permet de choisir parmi de nombreux systèmes d'exploitation pour préparer une carte SD.

Lorsque la Raspberry Pi 400 est sortie, la fondation ne proposait qu'un OS en 32 bits. Pour moi ce n'étais pas possible. En effet, de nombreux logiciels sont disponibles pour le 64 bits et n'existent pas en 32 bits. Cette tendance est exponentielle.

Considérant que "le 32 bits c'est mort", j'ai utilisé la Raspberry avec Ubuntu Desktop en 64 bits avec satisfaction.

Pour les besoins de la comparaison, je réinstalle sur une carte Sandisk Extreme une version "fraîche" d'Ubuntu Desktop, la 22.04.1 LTS en 64 bits.

Pendant longtemps je me suis très agacé des commentaires sur les forums qui demandaient à chaque nouvelle carte "est-ce qu'elle lit le H264" ou d'autres format de flux vidéos. Cela m'énervait au cube parce que je considérais que c'est une utilisation marginale, ça ne sert pas à ça. Je vais vous dire un secret, je vais vous dire à quoi servent les cartounettes, un secret magistral en moins de cinq mots.

Le grand secret des cartounettes

La première carte Orange Pi que j'ai achetée en 2015 était une Orange Pi Zero. Elle avait un processeur 4 coeurs, coûtait moins de 10€ et avait un point commun avec les supercalateurs de la NASA ou le Blue Gene/P.

Le point commeun, c'est qu'une cartounette "Ca fait tourner Linux". En conséquence, sur les petites cartes à notre disposition, on peut faire tourner des logiciels qui fonctionnent sous Linux et qui sont aussi utilisés par de très grosses entreprises pour réaliser leurs opérations. Certes, ça va moins vite (si-si, je confirme, ça va parfois un peu moins vite) mais par exemple on peut installer Docker, PostgreSQL, Grafana, Prometheus etc... sur une cartounette, même une Orange Pi Zero 2 avec seulement 1Go de RAM. Et cela fonctionne.

Ca veut dire que c'est un super terrain de jeux, que sur les cartes on dispose des mêmes applications que celles disponibles sur les très gros ordinateurs et que l'on peut tester dans tous les sens avec ce matériel.

Photo de gauche piquée sur Wikipedia : Tianhe-2 utilise Slurm OS qui est basé sur Linux.

Les implications négatives

Les industriels ne s'y sont pas trompés. Certes il reste quelques dinosaures. Vous savez ce sont les grosses bêtes puissantes qui ont un projet à plusieurs millions d'Euros. Ces bestioles là, on ne peut pas leur expliquer qu'une Raspberry fait le taf moyennant deux semaines de code. Les dinosaures ont un petit cerveau, mais en même temps ils sont gros et puissants. Ils vous éjectent un contractor d'un claquement de doigt.

Par contre, l'extinction massive des dinosaures a fait que de nombreuses entreprises ont utilisé la Raspberry pour leurs besoins. Déployer des centaines de robots logiciels développés sur des Raspberry, c'est gagner en terme d'énergie, de climatisation, d'espace dédié, de simplicité de mise en oeuvre et de coût.

Hélas, pour le pékin moyen, cela à de très négatives implications. Malgré les quatre cent mille unités de Raspberry produites chaque mois, quasiment aucune Raspberry Pi ne va vers le particulier, ce ne sont que les entreprises qui en bénéficient. De temps en temps on trouve des Pi 400, au mieux.

Alors quand on ne peut plus acheter un produit mais que l'on a des besoins, c'est un comportement normal d'aller voir ailleurs. Les produits Orange Pi et les autres, Banana Pi, Odroid etc... sont disponibles, eux !

Que nous disent neofetch et bpytop ?

A gauche, la OPi 800, à droite la Pi 400. Le logiciel neofetch est lancé juste avec le bureau affiché, pas davantage.

Le point positif c'est que l'on a presque le même système, on va pouvoir comparer de manière pertinente. On voit que le système avec le bureau lancé est plus gourmand sur la Raspberry (931 vs 630MiB), mais heu, d'un point de vue purement subjectif je préfère la version Ubuntu bien connue de la Raspberry, je la trouve plus jolie.

Passons à une copie d'écran de bpytop, à gauche la OPi800, à droite la Pi400.

Bpytop nous confirme bien la présence de six cœurs dans la 800... Par contre un point qui m'est apparu tout de suite, c'est que la OPi800 chauffe beaucoup plus que la Raspberry. On est à 57° sans rien faire contre 36°. C'est d'ailleurs un point très sympathique de la Pi400 qui s'overclocke sans broncher jusqu'à 2.2GHz avec une ventilation passive opérée par une grosse plaque métallique de (presque) toute la largeur du clavier.

Il faudra voir ce que cela donne en charge pour la 800. Ha, on voit aussi que la gestion des fenêtres est opérée par XFCE (xfwm4) pour la Orange et par Wayland pour la Framboise.

Quelques mesures

Il ne s'agit pas de faire un tour complet. On a dit que la eMMC était a priori plus rapide qu'une carte SD. Quand on veut savoir, on mesure. On va lancer le test proposé par Jef Geerling sur son repo github raspberry-pi-dramble.

Un premier test nous donne une valeur de 86 MB/s pour la 800 contre 31.2 MB/s.

Le test iozone est un peu cruel pour la sd card avec les valeurs suivantes :

  • 800 => 39212 43647 45393 49681 31044 40606

  • 400 => 2513 2436 9355 9344 7033 3553

On confirme que la mémoire eMMC est plus rapide que la SDCard.

speedtest-cli

Un test sur lequel on n'apprend pas grand chose, c'est speedtest-cli. On vérifie juste que tout se passe comme prévu, la 800 n'est pas en panne sur le connecteur RJ45 !

Sur le test du WIFI en 5GHz les résultats sont aussi comparables aux autres équipements. Pour cette partie, RAS.

Sysbench CPU et RAM

Ici la framboise et l'orange font jeu égal sur le processeur et sur la mémoire :

  • ce qui nous intéresse pour le processeur, c'est la partie total time (800 / 400)

  • pour la RAM on regarde Total Operations et MiB transferred.

Conclusion temporaire

Un petit résumé.

Les plus :

  • mémoire eMMC (à condition de trouver comment installer un autre système facilement)

  • sortie HDMI plein format

  • haut parleur embarqué et prise jack

  • sortie VGA à condition que ça correspond à un usage quelconque

Les moins :

  • performances +/- identiques à la Pi 400 mais +20° de température !

  • absence de documentation et pas d'écosystème comparable à la Raspberry

  • clavier QWERTY uniquement

  • eMMC : comment installer un autre OS, pour l'instant un seul est disponible (la Raspberry en compte une bonne dizaine en 32 et 64 bits)

  • une seule sortie HDMI

Sur les performances, le RK3399 est un processeur de 2015 ou 2016. Aujourd'hui certaines SBC sortent avec un RK3588. Contrairement aux processeurs de la 800 ou de la 400 qui sont en gravure 28 nanomètres, un RK3588 est gravé en 8 nm et les performances sont impressionnantes. C'est dommage que Xunlung se soit contenté d'être juste au même niveau que celui de la Pi400.

Je ne suis pas super fan de l'interface graphique proposée par le système livré sur la eMMC et je suis impatient de tester Manjaro qui est disponible depuis quelques jours et que je viens de flasher sur une SDCard !