NAD3020

Bob est vieux. Du temps de sa jeunesse, du temps ou sa vue lui permettait encore de lire les revues de publicité de Hifi, sous ses yeux émerveillés, il déroulait les pages de la Nouvelle Revue du Son (la revue de la mafia de l'époque) qui proposait dans son numéro spécial "Amplificateurs" un appareil à 2000 Francs (les Euros de l'époque), tadam, the NAD3020 !

Ci-dessus la version classique avec façade en plastique "façon NAD" et son côté cheap assumé.

La face arrière avec de nombreuses fioritures, section amp / preamp séparée, MM/MC, Soft clipping...

Et voilà une version avec la façade en métal. Les boutons sont en plastique peints de la couleur de la façade.

Cette année lààààà...

C'est à a la fin des années soixante dix, en 1978 pour être précis, que NAD (New Audio Dimension) a commencé à commercialiser l'intégré 3020, au prix de 70$ de l'époque. Bonne pioche, puisque l'appareil conçu par l'ingénieur Erik Edvarsen aura permis à Marty Borish, le fondateur de NAD, de vendre environ 1.3 million d'intégré 3020, dont un demi million au Royaume-Uni, excusez du peu !


Réussite commerciale incontestable, mais aussi réception par la presse toujours très positive. Citons les revues de l'époque :

  • "Etudié pour être musical, le 3020B atteint pleinement ce but, à tel point qu'il est difficile de le comparer à la concurrence" HIFI NEWS,

  • "Le 3020B domine le marché des intégrés de prix abordables et cela est justifié " STEREO MAGAZINE,

  • "Il est bien rare de rencontrer une intégré de "bas de gamme" qui puisse tenir la comparaison avec les meilleures réalisations mondiales du moment" L'AUDIOPHILE.


Petite incartade à notre époque contemporaine, pour expliquer que l'ingénieur Bjorn Erik Edvarsen, désormais directeur du développement... Aura donné ses initiales aux NAD 315BEE et autres électroniques aux noms d'abeilles !


La version Audiophile 3120

En juin 1986 paraissait donc le numéro 99 de La Nouvelle Revue du Son, un numéro "Spécial Amplis". Aujourd'hui l'information est au bout de la souris, mais dans les années quatre vingt nous ne disposions que des revues pour connaitre l'actualité, les tendances, les appareils (et la publicité) !

Dans ce numéro 99 était chroniqué le NAD 3120, la version "audiophile" du NAD 3020B. Nous passerons en revue les petits détails spécifiques à la version audiophile, mais sachez que globalement par rapport au 3020B d'origine, sur le 3120 les contrôles de tonalité ont disparus afin de raccourcir le trajet du signal et le potentiomètre de balance a laissé sa place à un potentiomètre de volume double que les puristes nommerons "commande de volume double concentrique".


La recette du succès ?


Tentons de trouver quelques points qui auront participé au succès, au chiffre de ventes de plus de 1.1 millions d'exemplaires !

D'un point de vue économique, NAD a proposé au marché un appareil qui correspondait aux attentes de l'époque et qui pouvait être défendu à la foi par les distributeurs et aussi par les journalistes : enfin un produit tout à fait abordable et correct, moyennant quelques petites concessions sur lesquelles nous reviendrons.

NAD a proposé au marché des appareils dynamiques, en étant très pessimistes sur la question de la puissance. Je me souviens d'une comparaison du 3130 avec un Sony donné pour 2x100W : le japonais paraissait asthmatique au possible, le 3130 procurant une sensation de dynamique bien supérieure. Quoiqu'il en soit, une comparaison avec des électroniques de même puissance "affichée" tournera toujours en faveur du NAD sur ce critère.



NAD 3020B versus 3120

Voici la liste des différences entre les deux appareils :

  • les contrôles de tonalité ont disparus

  • le potentiomètre de balance a été replacé par un double potentiomètre de volume

  • la rangée de diodes au dessus du bouton de volume a été supprimée


Est-ce qu'un NAD 3120 est un appareil audiophile ? Peu importe ! Le 3120 est la version Audiophile du 3020, mais dans tous les cas ce sont des appareils sympathiques et recommandables.


Les détails qui énervent (ou pas)

Avec le parti-pris de produire un appareil économique, il faut se rendre à l'évidence : quelques économies ont été réalisées sur l'appareil. Mais en contre-partie certains détails sont aussi en faveur du NAD. Voici une petite revue des détails qui énervent... Ou pas, selon les goûts de chacun :

  • il faut noter l'aspect de l'appareil, façade plastique et tous les boutons du même métal (une version rare avec façade métal existe)! La légende veut que la pression sur un bouton risque d'éjecter un autre bouton de l'autre côté de la pièce... Bon, quarante ans plus tard les appareils, pour la plupart, sont toujours là et continuent à fonctionner (presque) correctement avec tous leurs boutons

  • le véritable point noir ce sont les prises RCA situées au dos de l'appareil. Elles sont directement soudées sur la carte du NAD et (retombée négative) sont disposées à l'horizontale, ce qui ne facilite pas les connexions avec des câbles un peu rigides. Il y a de grande chances pour que les RCA se tordent et finissent par proposer des faux contacts insupportables

  • par contre les connecteurs d'enceintes sont très confortables puisque l'on peut utiliser soit des bananes, soit insérer le câble dénudé dans les connecteurs... Avec encore une fois une connexion à l'horizontale : attention aux gros connecteurs et au câbles rigides

  • lors de la mise sous tension, un beau un Omppfff arrive dans les enceintes... C'est normal, il n'y a pas de relais de sortie

  • un transformateur vibrant à 100 hz ce que les journaux n'avaient pas mentionné dans leurs articles bienveillants.


Après ce tableau un peu noir, passons aux points plus agréables du 3120 :

  • un commutateur "turbo" permettant de basculer sur 4 ou 8 OHms

  • la section ampli-préampli séparable par l'intermédiaire de cavaliers. Cela permet d'ouvrir certaines perspectives d'utilisation, par exemple utilisation en préampli uniquement (comme le fait la NRDS dans son numéro 89)

  • un commutateur MM / MC permet à la section phono d'utiliser les deux types de cellules

  • un commutateur "soft-clipping" permet de mettre en service ou désactiver le système : lorsque l'appareil approche de l’écrêtage, le système "arrondi" les angles. Certains prétendent qu'il faut toujours le mettre en service, d'autre affirment le contraire... Mais l'on se souvient qu'à la fin des années soixante dix, de nombreux amplificateurs avaient grillé les tweeters de nombreuses enceintes durant les soirées de la jeunesse.

  • deux entrées pour l'amplificateur ! En ces temps de platine vinyle, les concepteurs pensaient qu'il valait mieux filtrer le bas et le haut du spectre, par exemple filtrer l'infragrave produit par la voilure d'un disque : impossible à reproduire par l'enceinte, mais sollicitant néanmoins l'amplification. Du coup la section amplificateur propose une entrée LAB IN dont la bande passante est étendue, par rapport à l'entrée normale. A noter que le 3120 avec les cavaliers vers l'entrée LAB IN plutôt que l'entrée normale de la section amplificateur semble meilleur à l'écoute.





Un tour à l'intérieur

La conception du 3120 et du 3020 est particulière d'un point de vue implantation. Tous les composants sont installés sur une seule carte et la connectique des entrées est située sur des connecteurs qui sont soudés directement sur cette carte !

D'un côté c'est judicieux d'un point de vue schéma, toutes les entrées sont au plus près de la section préampli, le signal ne se promène pas dans des câbles de liaison au milieu de l'appareil, et c'est particulièrement bénéfique pour la section phono...

De l'autre, tous ces vieux NAD souffrent de problèmes de faux contacts et il faut prendre garde avec les connecteurs RCA de ne pas plier les entrées. On ne pourra pas mettre de gros tuyaux d'arrosage avec des prises énormes, il n'y a pas la place (mais ça on s'en fiche, c'est pour les audiophiles qui n'ont pas compris comment dépenser judicieusement leurs sous).

Le transformateur est situé à l'opposé de l'entrée phono, bien vu... Par contre, sur tous les exemplaires rencontrés, le transformateur vibre et cela s'entend.

La paire de transistors est du tout venant : 3055/2955. Les deux condensateurs de filtrage sont situés très près des étages de puissance, enfin bref, des bonnes pratiques de conception mise en oeuvre dans un appareil simple et bon marché... Ca marche.

Des modifications possibles ?

Bien entendu la recette habituelle peut être resservie :

  • changement des condensateurs de filtrage de l'alimentation (avec au passage une augmentation de la capacité). A noter que les premières versions utilisaient deux capacités de 2200µF par voie, alors qu'ensuite ce fut une seule capacité de 4400µF qui fut retenue.

  • changement des condensateurs chimique sur le trajet du signal

  • changement des transistors, la bonne vieille paire 2N3055/MJ2955 d'origine RCA ou Motorola, pour des modèles plus modernes ( 2ST5949 et 2ST2121 de ST Microlectronics)

  • suppression du correcteur de tonalité pour le 3020B et le 3020 par le fait de retirer tous les composants sur le chemin audio, ainsi, le schéma devient identique au 3120.

etc...

Voici même une entreprise qui propose d'effectuer certaines modifications pour vous : http://www.fidele.co.uk/Upgrades/NAD3020.html !

Et sur ebay un kit complet pour le recappage. De quoi occuper un dimanche pluvieux.


Ecoute

Lors de son lancement, une petite erreur de conception générait de la diaphonie entre les deux canaux... Cela permettait aux communs des mortels de le trouver agréable et aux oreilles d'or d'y trouver plus de détails et une meilleure "ambiance" que chez la concurrence. Ce défaut fut corrigé par la suite, dans la version 3020A.

La section phono est une vraie réussite : à base de composants discrets de bonne qualité et surtout permettant la connexion de cellules MM et MC (à bobine mobile et à aimant mobile). Ecouter une platine correcte sur l'entrée phono est un petit délice coupable : ce n'est pas hyper analytique, c'est un peu physiologique et ça rend heureux d'entendre ses disques comme cela.

La sortie casque est un soulagement : les smartphones et les tablettes n'ont pas assez de jus pour profiter des casques de studio à l'impédance élevée. Lorsque l'on utilise un "vrai" casque de studio qui a besoin de courant, la sortie casque du NAD est géniale. On peut même attaquer directement la section amplificateur pour grappiller encore quelques détails. Dans la recherche d'un ampli casque, le NAD est vraiment à envisager !

De manière générale, en utilisant directement l'entrée LAB In sans passer par le préampli, on gagne un peu en séparation, définition, bande passante.

Bon, bon, mais qu'est ce que ça donne en vrai ? Hum... Avant de chanter les louanges de cet appareil, il conviendra de rappeler que la puissance est limitée : 35W, cela suffit largement pour sonoriser un salon français avec des enceintes de rendement normal. Il me semble que c'est la seule limitation de l'appareil.

En dehors de cela, après environ un mois d'utilisation au quotidien, force est de constater que la proposition sonore est très largement convaincante. Avec une "source de haut niveau" le petit NAD antédiluvien propose une scène sonore en trois dimension : cela ne fonctionne qu'avec les électroniques correctement conçue et d'une qualité certaine. La qualité des timbres est convaincante avec une richesse et une diversité qui indiquent une électronique "transparente". Le niveau de petits détails est impressionnant... Et puis, la question de la puissance limitée fait bien rire : il s'agit d'un appareil très dynamique qui ne donne vraiment pas le sentiment que la puissance est un problème.

Après un mois d'utilisation au quotidien, ma conclusion est celle-ci : le 3120 est un ravissement. C'est un appareil super intéressant en terme de qualités sonores et chaudement recommandable. Il doit être possible de le trouver pour une somme modique vu le nombre d'exemplaires diffusés et sa face avant, très "cheap" ne doit pas intéresser outre mesure les collectionneurs d'électroniques vintage.


J'achète ?

Hé ouiiiii, bien sûr ! Le 3020 (ou 3120) est une icone de la HiFi, un témoin, une des premières pièces obligatoire dans toute collection qui se respecte. C'est aussi intégré versatile avec une super entrée phono, les sections ampli et pré séparées, une sortie casque, un mode 4 ou 8 ohms, le choix entre bobine mobile ou aimant mobile... Et puis niveau son, il fait plus que se défendre, vraiment une surprise de taille 40 ans après... Un régal !

Bob LC - juin 2018

Pour certains il fait partie de la liste des 10 amplificateurs les plus significatifs de tous les temps.

Specifications

  • Power output: 20 watts per channel into 8Ω (stereo)

  • Frequency response: 10Hz to 70kHz

  • Total harmonic distortion: 0.02%

  • Damping factor: 55

  • Input sensitivity: 2.5mV (MM), 150mV (line)

  • Signal to noise ratio: 75dB (MM), 110dB (line)

  • Dimensions: 420 x 96 x 240mm

  • Weight: 5.26kg