Technics SL10

La Technics SL10 est sortie en 1980 pour marquer les 10 ans de la platine à (moteur à) entraînement direct, innovation apportée par Technics (Panasonic, Matsushita) au monde de la platine vinyle. La SL10 facturée pour un équivalent actuel de 1000€, apportait son lot d'innovations, dont le clou du spectacle est un bras tangentiel. Elle arrivait aussi avec une cellule à bobine mobile exceptionnelle et son pré-pré phono intégré pour sortir le signal de la MC au niveau d'une MM. Et voilà 40 ans plus tard la belle mécanique sous le tournevis d'audiofolies.

Par le biais de sa division audio "Technics", l'entreprise japonaise Matsushita a commercialisé à partie de 1970 des platines vinyles qui rendaient d'un seul coup la concurrence obsolète et presque ridicule. Entraînement direct, asservissement par Quartz, et en 1980 avec la SL10 arrive le bras tangentiel dont on a parlé par exemple pour la SL7.

La SL10 représente la première machine sommet de la gamme chargée de paver le chemin pour les suivantes, avec un bras tangentiel pour tout le monde.

Autre innovation : le facteur de forme, en présentant une machine aux côtes réduites, avec des (deux) dimensions égales à celle d'une pochette de disque.

Et enfin, bien entendu, un automatisme complet : il suffit de poser le disque, de fermer le capot et d'appuyer sur le bouton Start pour écouter une face entière ; à la fin de la face le bras rentre tout seul au parking et le moteur s'arrête.

Whaoo !

En 1980 (et encore en 2021) les spécifications de la SL10 avaient de quoi rendre humble les autres marchands de platines destinées au grand public. Et puis l'automatisme intégral, le facteur de forme, le bras tangentiel, la cellule MC innovante, le fait d'avoir un compartiment isolé des vibrations pour lire le disque...

Tout cela pour un tarif élevé mais pas délirant, la SL10 avait de quoi attiser les convoitises. De notre côté, on a eu l'occasion de manipuler des SL5 très sympathiques, faciles à réparer avec des résultats sonores très agréables et sincèrement supérieurs à ce qui était attendu. La SL7 est aussi une superbe platine avec des résultats sonores exceptionnels, mais personnellement je n'en attendais pas moins de Technics sur la SL7. Et la SL10 alors ?

Et bien cet objet de science fiction est bien une platine révolutionnaire, l'état de l'art en 1980 et toujours aussi splendide quarante années plus tard. Au moment de sa sortie la SL10 s'est vendue comme des petits pains et la production n'était pas suffisantes pour la demande, c'est pour cela que Technics a mis au point la SL7, plus simple et plus facile à fabriquer, pour satisfaire les clients impatients.

Pour revenir à la SL10, celle que que nous avons dans les mains a voyagé dans l'espace-temps et on va pouvoir se mettre à son service.

Du classique

Après avoir mis le nez dans plusieurs SL7, SL5 et SL3 il est facile de reconnaître sur le prospectus de Technics les différents éléments habituels rencontrés dans ces platines.

Tout en haut à gauche nous avons le moteur qui a deux fonctions : d'une part il fait tourne une courroie reliée à une roue dentée qui déplace le bras, d'autre part il fait tourner un obturateur optique devant un récepteur, ce qui permet de compter le nombre de pas, pour asservir le moteur. De temps en temps sur certaines platines ce moteur est totalement grippé. Avec une bonne dose de DeOxit on le nettoie et on le fait repartir. Et dans tous les cas il faut changer la courroie.

Le brase se déplace sur un rail métallique qu'il convient de nettoyer et personnellement je m'autorise à le lubrifier aussi.

Comme dans la SL7 nous avons un palet presseur qui vient appuyer sa bille sur une surface spécifique : on nettoie les deux côtés et on remet de quoi lubrifier.

Pour le moteur DD j'ai l'habitude de poser deux gouttes de l'huile spéciale Technics sur le palier, de toutes façons cela ne sera pas nuisible au bon fonctionnement.

Pour ce qui est du réglage de la vitesse, sur ces machines asservies par quartz, il n'y a rien à faire, c'est impeccable point barre.

Un mot sur la cellule livrée

Avant d'aller plus loin, juste un petit mot sur la cellule à bobines mobiles (Moving Coils) livrée d'origine, la légendaire 310MC. Le cantilever était en Boron, avec un procédé laser pour réaliser le trou permettant d'installer le diamant, nude diamond, elliptique.

Hélas cette cellule n'a pas de diamant interchangeable et donc il faut "retipper" : une entreprise spécialisée va vous changer le cantilever et la pointe, moyennant 200$, mais en remplaçant le cantilever en Boron par un cantilever en aluminum. Difficile de dire si cela vaut le coup.

Plus d'informations sur la cellule ici !

Et notre exemplaire ?

Notre exemplaire a été trouvé "à pris d'ami" parce qu'en état esthétique discutable. La platine est essentiellement en aluminium et le capot - essentiellement en aluminium - est piqué à plusieurs endroits. Il faudrait le démonter complètement, le passer au DDM2050 et refaire une peinture...

Pour le reste, vu de l'extérieur on a connu pire. la platine n'est pas sale à vomir, il faudra la nettoyer un peu, cela fait partie du plaisir !

Pour la partie du capot qui est en Perspex on va utiliser la bonne vieille méthode du "frotter pendant des heures".

Le produit n'est pas miraculeux, mais vu d'un mètre ou plus de distance ça paraîtra propre.

On traitera l'intérieur et l'extérieur avec beaucoup de patience.

La cellule MC10 est livrée avec la platine (photo piquée sur la baie) , mais elle a certainement un grand nombre d'heures de vol au compteur. Je ne pense pas la faire rettiper, vu le tarif je pencherai plus pour une Jica SAS.

Mise à feu et test

Les deux ou trois premières minutes permettent de confirmer que la platine fonctionne "dans l'ensemble". Au bout de deux minutes de lecture le bras n'avance plus et reste coincé sur le même sillon. En le levant on peut le déplacer de gauche à droite. Le diagnostic est assez simple : on va changer la courroie et lubrifier tout ça.

Petits points de détail :

  • on est gratifié d'un LED blanche qui éclaire aussi le disque à l'arrêt : j'avais de moi même tweaké une SL5 de la même manière : je trouve cela bien drôle

  • le déplacement du bras propose deux vitesse en fonction de la force d'appui sur les boutons

  • un bouton permet de faire tourner le plateau, capot ouvert. Je suppose qu'il s'agit de l'aide au nettoyage

D'autre part, j'ai un petit test d'isolation aux vibrations, totalement empirique : je tape du doigt sur la table qui supporte la platine. Dans les cas de la SL10 aucune vibration est à signaler sur les enceintes. Ce n'est pas toutes les platines qui proposent cette isolation, croyez-moi : les forums sont plein de messages de personnes qui se plaignent d'une mauvaise lecture ne serait-ce qu'en marchant sur leurs parquets en bois. Quoiqu'il en soit...

Expérience difficile (je vide mon sac)

Il faut que je place quelque part le texte qui va suivre. Je pense que c'est l'essentiel de mon ressenti et de mon message à propos de la platine : elle est vraiment compliquée. Voilà, c'est dit. "Compliquée", qu'est ce que ça veut dire pour une platine ? Alors, mon idée c'est que la platine est vraiment construite sans aucun soucis d'économie, tout est splendide et dans quarante ans elle sera encore là. Le problème, c'est que tout est "rentré" en force dans l'encombrement proposé.

Le résultat du design c'est que pour démonter (er remonter) on a droit à un très gros sachets de vis. D'autre part, contrairement à la SL7 par exemple, le boutons des commandes sont sur le capot. A part le bouton marche arrêt qui est un renvoi en plastique vers un contacteur situé sur la plinthe, les autres boutons sont des contacteurs sur le capot et cela signifie qu'il faut amener les fils de contact depuis l'avant du capot jusque dans la plinthe. Cela est effectué par tout un bordel de fils qu'il faut faire passer dans la charnière... Et puis pour remettre le capot en place dans ses charnières, c'est très simple : il faut QUATRE mains, je ne vois pas comment c'est possible tout seul.

Entendons nous bien : la SL10 n'a pas du tout été construite à l'économie. Je suppose même que le temps passé à l'assembler était hors de l'équation, il s'agissait de proposer un produit à la date prévue et de quoi défoncer la concurrence. En conséquence on ne peut rien dire de négatif sur la qualité de ce que l'on a dans les mains. Mais c'est comme si la SL10 avait été un brouillon de la SL7, plus simple mais pas moins efficace. Alors si vous hésitez entre une SL7 et une SL10 (possiblement plus onéreuse), sachez que pour des performances audibles identiques vous aurez moins de tracas à remettre en oeuvre une SL7 !

Hé-hé, dit autrement : "Une SL10, ça se mérite !".

On ouvre

De chaque côté du capot on trouve deux vis de quatorze kilomètres de long (il faut bien ça).

Au milieu en haut, une autre vis (dès fois que le capot aie envie de s'envoler).

Encore trois vis sur la plaque de protection de l'asservissement du bras.

Et la palme de la vis la plus longue revient à celle qui est près de la bosse du moteur, tout en bas à gauche. A droite se trouve aussi une vis bien cachée... Haaaaa, pffff...

En bas à gauche du capot. La vis la plus longue (c'est celle qui rentre nulle part au remontage)

Ensuite une petite languette blanche qui doit absolument sortir au remontage du capot car elle détecte la fermeture.

Une vis indiquée, mais celle-ci est bien visible.

Je vous montre que le levier sur le côté qui maintient le capot est en fait décrochable. Il faut le tirer vers l'avant de la platine pendant que l'on ouvre le capot. Inutile de forcer, c'est une encoche dans le levier, ça vient "quand ça doit venir".

Et le truc le plus pourri pour déposer le cache sous le capot, c'est que ce cache se visse MAIS est aussi clipsé sur la rondelle entourée de rouge.

C'est pénible, il faut forcer et chercher pour enlever et remettre le cache.

Et enlever le cache est requis pour changer la courroie. Rien que ça, c'est une source de stress, la peur de casser quelque chose.

Groupmpfff !

Désolé pour la qualité de la photo, mais la courroie est là ! Ce n'est pas très facile à changer en comparaison de la SL7 ou de la SL5 qui ont plus de place pour mettre les doigts.

Enfin tout ça pour dire que l'on sort le rail de guidage et je me demande s'il n'avait pas besoin d'un petit nettoyage quand même.

Remise en place et lubrification.

Devinette : quelle est la courroie que l'on enlève et quelle est la courroie que l'on pose ?

Ci-dessous nettoyage de la bile du palet presseur et de sa contrepartie située sur le capot, avant re-lubrification.

On va enlever le plateau...

Ce n'est pas ultra clean à l'intérieur, on va nettoyer ça aussi.

La ruse pour sortir le plateau sans sacrifice humain de ses doigts.

Arf, nettoyage au Miror du plateau qui est aussi un peu piqué. L'alumine qui est le résultat de l'oxydation de l'aluminium produit un résidu noir sur les chiffons et donne l'impression que l'on pourrait frotter pendant des heures sans rien changer.

Et ci-dessous on découvre les entrailles, il n'est pas splendide ce stator ? Sur la gauche sous le blindage magnétique se cache le transformateur.

Sur la droite sous le cache métallique se cache la partie pré-préampli pour la cellule à bobines mobiles (débrayable).

On aperçoit un microcontrôleur 4 bits, du délire pour l'époque. Une platine, c'est a priori un objet mécanique. Et même la plus grande part des platines automatiques ont un fonctionnement qui repose sur la mécanique. Alors que là non, c'est de la programmation de microcontrôleur : de la science fiction je vous dis !

Et voilà le pré pré, avec des condensateurs 85°...

Dans une platine qui consomme 10W et qui ne chauffe absolument pas, de quoi durer plusieurs générations d'audiophiles.

Ci-dessous on va glisser trois gouttes d'huile sur le palier du moteur. Une fois toutes les quatre décennies, qui va s'en plaindre ?

Et une photo bien pourrie, désolé.

Bon, après toutes ces photos, ces vis et plein de petits détails dont je vous épargne, il faut remonter tout ça dans l'ordre, puis en profiter. Même en mesurant la platine 40 ans plus tard (les mesures sont disponibles ici par exemple) elle est toujours dans le top tiers de ce qui se fait de mieux et n'est pas affligée de certaines plaies des platines à courroie (mais moteur Direct Drive, hahaha...).

Franchement entre réparer une grand mère comme ça ou prendre une platine d'entrée de gamme pourrie fabriquée en Asie qui va ronger vos disques, vous préférez quoi ?

Et puis encore

Je voudrais savoir si vous en connaissez beaucoup des platines qui sont au MOMA ?

Le revival du vinyle génère des choses bizarres. Pour moi il me semble qu'il ne s'agit que de pure spéculation.

Mais on en est là, il faut le savoir.