You Want It Darker

Dans la chanson « You Want it Darker », premier titre l’album du même nom, Léonard Cohen interpelle Dieu par cette phrase qui pourrait se terminer par un point d’interrogation mais mérite plutôt un point d’exclamation. C’est presque un défi qu’il lance au créateur, en décrivant l’état de son serviteur et du monde. Comme à son habitude, il associe l’ancien et le nouveau Testament,évoquant la Passion du Christ, Dieu (le « Verbe ») fait homme et crucifié en tant que tel, et l’ancienne promesse d’un Salut qui, de toute évidence, n’est encore jamais venu (ça se saurait, et ça n’en a pas vraiment l’air si l’on suit un tant soit peu l’actualité). Les sacrifices, les prières, les cierges sur les chandeliers à sept branches ou devant l’autel des églises semblent avoir brûlé en vain. L’humanité souffre et se déchire, et la religion (en général ou en particulier) n’a pour réponse que de bonnes paroles (des berceuses) et pour explication ces fameux paradoxes dont la Bible recèle quelques beaux exemples mais dont savent faire usage toutes les religions pour amener le croyant, confronté à des vérités apparemment contradictoires, à élargir son cadre de pensée et admettre que la connaissance et la compréhension humaine sont limitées. Chacun peut alors en faire l’usage qui lui convient, etLéonard Cohen semble faire allusion à l’interprétation de ceux qui tuent, mutilent, et torturent au nom de « leur » Dieu.

Il n’a pas pour autant renié sa foi : il s’exprime sur le ton caractéristique d’un certain judaïsme, dans une forme de dialogue un peu provocateur. Il conclut du reste chaque strophe par « Hineni » (me voici), pour signifier qu’il est prêt à accomplir la mission que lui confie son créateur… mais que celui-ci ferait bien de clarifier et préciser son message pour éviter tout dérapage.

Puisse-t-il être entendu, ici-bas comme là-haut !

NB: Bien évidemment, ces remarques et commentaires n'engagent que moi !

ALN

Tu Le Veux Plus Noir

Si tu donnes les cartes

Je suis hors du jeu

Si tu es guérisseur

Je suis perclus, boiteux

Si ton lot est la gloire

Mon lot est d’être honteux

Tu le veux plus noir

On éteint l’ feu

Magnifié, sanctifié

Soit ton Nom aux cieux

Avili, crucifié

Bien qu’incarnant Dieu

Un million de cierges pour un

Salut qui n’eut jamais lieu

Tu le veux plus noir

Hineni Hinini (me voici, me voici)

Je suis prêt, mon Dieu

Il y a un amant dans l’histoire

Mais elle se répète un peu

Y a une berceuse pour la souffrance

Faut’ au dogme mystérieux

Mais c’est dit dans les Ecritures

Et ce n’est pas un mot creux

Tu le veux plus noir

On éteint l’ feu

Les gardes alignent les prisonniers

Et sont prêts à faire feu

J’ai affronté des démons

Ils n’étaient guère valeureux

Je n’ me savais pas permis

De massacrer un peu

Tu le veux plus noir

Hineni, Hineni

Je suis prêt, mon Dieu

Magnifié, sanctifié

Soit ton Nom aux cieux

Avili, crucifié

Bien qu’incarnant Dieu

Un million de cierges pour un

Salut qui n’eut jamais lieu

Tu le veux plus noir

On éteint l’ feu

Si tu donnes les cartes

Je suis hors du jeu

Si tu est guérisseur

Je suis perclus, boîteux

Si ton lot est la gloire

Mon lot est d’être honteux

Tu le veux plus noir

Hineni, Hineni

Hineni, Hineni

Je suis prêt, mon Dieu

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)