The Traitor

Mais que faire du désir et de la sincérité ? Notre destin est-il de nous conformer ? Ne sommes-nous qu’une multitude de clones partageant la même personnalité ? »

Notre vie n’est-elle qu’une épreuve, où chacun de nos gestes et de nos actes est jugé à l’aune de l’uniformité ?

L’amour n’est-il qu’une compétition dont les figures sont imposées ?

Pourtant, « s’il n’entend le cœur qui bat, le corps non plus ne bronche pas », et si « le haut-commandement » déserte par manque de foi dans sa prétendue mission, il est considéré et traité comme un traitre.

Léonard Cohen sait que nous ne pouvons pas feindre l’amour. La véritable traitrise est d’en jouer le rôle sans y croire : faire, machinalement, son « devoir » avec le cœur ailleurs, et remplacer les sentiments par des gestes.

Le Traître

Sur la rivière anglaise, le Cygne flottait

Ah, la Rose de Grand Idylle s’épanouissait

Une femme hâlée me désirait tout l’été

Et, de l’autre rive, les juges nous observaient

J’ai dit à ma mère : « Mère, je dois vous quitter.

Gardez ma chambre, mais ne pleurez pas

Si la rumeur d’un fiasco vous inquiétait

Ce n’est pas plus ma faute que celle du climat. »

J’ai donné à la Rose la fièvre l’empourprant

Et tenté le Cygne d’un sentiment de honte

Elle dit que j’étais son plus parfait amant

Et, si elle s’étiolait, ce serait ma faute

Les juges dirent « Vous avez échoué d’une fraction.

Debout ; rameutez vos troupes et attaquez. »

Ah, les rêveurs en lice contre les hommes d’action

Oh, voyez les hommes d’action distancés

Mais, je restais sur ses cuisses un instant trop long

J’embrassais ses lèvres comme un assoiffé

Ma fausseté me piqua comme un frelon

Le venin paralysa ma volonté

Je ne pouvais prévenir les plus jeunes soldats

Que leur haut commandement désertait

D’ici à Barcelone, partout où l’on combat

En ennemi de l’amour je suis listé

« Je dois partir », m’avait-elle dit, « Mais, mon corps,

Garde le pour t’y allonger ; tu peux

Le monter et descendre, et, pendant que je dors,

Redresse la Rose et, le Cygne, gonfle-le »

Je fais mon devoir avec assiduité

La touche ça et là ; je sais où me mettre

J’embrasse sa bouche ouverte et loue sa beauté

Et on me traite ouvertement de traître

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)