One Of Us Cannot Be Wrong
I lit a thin green candle to make you jealous of me,
But the room just filled up with mosquitoes,
They heard that my body was free
Then I took the dust of a long sleepless night and I put it in your little shoe
That you wore for the world to look through
I showed my heart to the doctor.
Then he wrote himself a prescription,
And your name was mentioned in it
With the details of our honeymoon
Pourquoi donc Léonard Cohen a t’il intitulé « One of Us Cannot be Wrong » une chanson d’autodérision où « l’amoureux transi » est entièrement subjugué par la beauté aussi parfaite que froide et distante de son amante.
Selon ses propres termes, il s’agit d’une « chanson de l’autre côté du lit de noces. La chambre est vide, la fenêtre est ouverte, l’amante est partie, et un rire s’élève dans le stade ».
On retrouve là une forme de distance que prend Léonard Cohen avec les gestes et les rites de l’amour, qu’il compare aux règles d’un spectacle ou d’une compétition comme il l’avait fait dans « The Traitor » (« And the judges watched us from the other side »).
L’humour devient ainsi une façon de désacraliser la passion, en mettant en scène une beauté telle qu’aucun homme, aussi saint ou savant soit-il, ne saurait y résister. Une beauté dévastatrice, une tentation fatale, une fascination irrésistible… au point que tout cela peut paraître irréel ou rêvé, poursuit Léonard Cohen :
« La fenêtre est ouverte, et les amants ont filé. Peut-être n’ont-ils au fond jamais été là. »
Au delà de l’ironie et du sarcasme, on peut deviner la souffrance d’une situation asymétrique, dans laquelle l’un des amants d’une nuit idéalise l’autre et voudrait vivre l’amour parfait et définitif, tandis que l’autre s’en tient à une relation physique épisodique. Ils ne sont pas « sur la même longueur d’onde », et l’amant délaissé se considère indigne ou incapable de susciter l’amour d’une personne qu’il idéalise au point de la déifier. Il accepte alors son sort (comme dans « Alexandra Leaving »), tout en se moquant gentiment de lui même et de tous ceux qui, comme lui, sont tombés ou tomberont victimes de cette beauté surhumaine.
L’un des deux « ne peut avoir tort ».
L’un des deux doit donc avoir raison !
Raison d’aimer l’inaccessible ?
Raison de ne pas aimer le subalterne ?
Léonard Cohen laisse à chacun le soin de répondre ou de laisser la question en suspens : ses chansons sont un point de départ et non une conclusion.
Mais certains veulent voir ici une prière…
Pourquoi pas ?
L’un de Nous ne Peut Avoir Tort
Pour te rendre jalouse, j’ai allumé une bougie verte
Mais les moustiques ont envahi la chambre à l’annonce de ma peau offerte
J’ai mis la poussière
D’une nuit sans sommeil
Dans tes beaux petits souliers
Et puis, je l’avoue
Afin que l’on voie tout
A travers ta robe, je l’ai frottée
J’ai montré mon cœur au docteur,
Qui m’a dit d’abandonner
Puis il s’est écrit une ordonnance,
Et ton nom y figurait
En bibliothèque
Il s’enferma avec
Le récit de notre lune de miel
L’infirmière dit qu’il va
S’aggravant et c’est la
Débâcle dans sa clientèle
On m’a parlé d’un saint qui t’aimait
Je l’ai étudié jusqu’à l’aurore
Selon lui, le devoir des amants
Est de ternir la règle d’or
Et quand je fus sûr
Que ses prêches étaient purs,
Dans l’eau, il s’est donné la mort
Son corps est parti,
Mais là, sur la prairie,
Son esprit rôde et bave encore
Un eskimo m’a montré un film
Qu’il a récemment pris de toi
Le pauvre ne cessait de frissonner,
Les lèvres et les doigts bleus de froid
Et je crois
Qu’il gela
Quand le vent t’a déshabillée
Et qu’il ne s’est jamais réchauffé
Tu es si ravissante
Dans ta glaciale tourmente
Laisse-moi me jeter dans la tempête
(Traduction – Adaptation : Polyphrène)