Morning Glory

No words this time?

No words.

No, there are times when nothing can be done.

Not this time.

Is it censorship?

Is it censorship?

No, it's evaporation.

No, it's evaporation.

Is this leading somewhere?

Yes

We're going down the lane.

Is this going somewhere?

Into the garden.

Into the backyard.

We're walking down the driveway.

Are we moving towards....

We're in the backyard.

...some transcendental moment?

It's almost light.

That's right.

That's it.

Are we moving towards some transcendental moment?

That's right.

That's it.

Do you think you'll be able to pull it off?

Yes. Do you think you can pull it off?

Yes, it might happen.

I'm all ears.

I'm all ears.

Oh the morning glory!

Pas vraiment une chanson (le texte est parlé, non chanté), et pas vraiment un poème (pas de rimes, simplement des répétitions), mais une atmosphère très particulière : ce dialogue de Léonard Cohen avec lui-même, ou avec son écho (questions et réponses se chevauchent, et les phrases s’entremêlent) évoque ce sentiment – ou cette sensation – que l’on peut ressentir après une nuit de travail, une nuit de fête, ou une nuit de voyage, lorsque les lieux familiers que nous regagnons nous paraissent, dans la pâle lueur qui annonce l’aube, étranges sinon étrangers.

Et, tandis que nous cheminons dans la semi-obscurité vers la porte qui nous ramènera vers notre quotidien, nous voudrions « retenir la nuit » pour découvrir un autre monde, une autre vie, une autre dimension. Un mélange de fatigue et d’exaltation nous fait rêver que le jour se lève sur un décor différent, débarrassé des pesanteurs domestiques.

Nous savons bien que, dès la porte franchie et la lumière allumée, la banalité nous emprisonnera à nouveau, et l’impression de légèreté, l’appel d’une transcendance, disparaîtront comme les brumes du matin… et comme l’ivresse d’une nuit qui ne laisse qu’un mal au crâne et une peine au cœur…

Bien évidemment, comme de nombreux textes de Léonard Cohen, « MorningGlory » fait l’objet d’interprétations très diverses, fondées essentiellement sur le titre, car la « Gloire du Matin » est une fleur grimpante du genre Ipomée, dont les graines contiennent des alcaloïdes d’effets psychédéliques (LSD). En argot, « Morning Glory » désigne aussi l’érection matutinale. Je vous laisse donc imaginer les idées et pensées qui ont pu dès lors être attribuées à Léonard Cohen, lequel, il est vrai, nous a habitués à des textes ambivalents ou polyvalents.

Mais, en l’occurrence, « honni soit qui mal y pense », car la première lecture que je propose ici me semble être celle qui nous mène le plus loin, sans qu’il soit besoin d’une quelconque chimie pour stimuler nos rêves.

Gloire du Matin

Sans mots, cette fois ?

Sans mots.

Non, certaines fois, on ne peut rien faire

Pas cette fois.

Est-ce la censure ?

Est-ce la censure ?

Non, c’est l’évaporation

Non, c’est l’évaporation

Cela mène quelque part ?

Oui

Nous descendons l’allée

Cela mène quelque part ?

Ça mène au jardin

Ça mène à la cour

Nous progressons sur l’allée

Nous avançons-nous vers…

Nous sommes dans la cour.

…Un instant transcendantal ?

C’est presque clair

C’est ça

Voilà

Nous avançons-nous vers un instant transcendantal ?

C’est ça

Voilà

Penses-tu que tu pourras y parvenir ?

Oui, est-ce que tu peux y parvenir ?

Oui, ça se pourrait

J’ suis tout ouïe

J’ suis tout ouïe

Oh, la gloire du matin !

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)