The Stranger Song

JEUDI 15 OCTOBRE 2015

It's true that all the men you knew were dealers

who said they were through with dealing

Every time you gave them shelter

I know that kind of man

It's hard to hold the hand of anyone

who is reaching for the sky just to surrender.

And then sweeping up the jokers that he left behind

you find he did not leave you very much

not even laughter

Like any dealer he was watching for the card

that is so high and wild

he'll never need to deal another

He was just some Joseph looking for a manger

He was just some Joseph looking for a manger.

And then leaning on your window sill

he'll say one day you caused his will

to weaken with your love and warmth and shelter

And then taking from his wallet

an old schedule of trains, he'll say

I told you when I came I was a stranger

I told you when I came I was a stranger.

But now another stranger seems to want you to ignore his dreams

as though they were the burden of some other

O you've seen that man before

his golden arm dispatching cards

but now it's rusted from the elbow to the finger

And he wants to trade the game he plays for shelter

Yes he wants to trade the game he knows for shelter.

You hate to watch another tired man

lay down his hand

like he was giving up the holy game of poker

And while he talks his dreams to sleep

you notice there's a highway

that is curling up like smoke above his shoulder

It's curling up like smoke above his shoulder.

You tell him to come in sit down

but something makes you turn around

The door is open you can't close you shelter

You try the handle of the road

It opens do not be afraid

It's you my love, you who are the stranger

It is you my love, you who are the stranger.

Well, I've been waiting, I was sure

we'd meet between the trains we're waiting for

I think it's time to board another

Please understand, I never had a secret chart

to get me to the heart of this

or any other matter

Well he talks like this

you don't know what he's after

When he speaks like this,

you don't know what he's after.

Let's meet tomorrow if you chose

upon the shore, beneath the bridge

that they are building on some endless river

Then he leaves the platform

for the sleeping car that's warm

You realize, he's only advertising one more shelter

And it comes to you, he never was a stranger

And you say ok the bridge or someplace later.

And then sweeping up the jokers

that he left behind

you find he did not leave you very much

not even laughter

Like any dealer he was watching for the card

that is so high and wild

he'll never need to deal another

He was just some Joseph looking for a manger

He was just some Joseph looking for a manger.

And leaning on your window sill

he'll say one day you caused his will

to weaken with your love and warmth and shelter

And then taking from his wallet

an old schedule of trains

he'll say I told you when I came I was a stranger

I told you when I came I was a stranger.

« The Stranger Song » figure sur le premier album de Léonard CohenSongs of Leonard Cohen »), paru en 1967. C’est aussi l’une de ses chansons les plus mystérieuses ou, du moins, les plus profondes, à l’origine de très nombreux commentaires et interprétationsdiverses. Le propre de la poésie est de permettre à chacun d’y voir le reflet de son âme et de ses sentiments, et « The Stranger Song » en est l’illustration. Tous s’accordent pour reconnaître, en thème central de cette chanson, l’addiction, qu’elle concerne le jeu, la drogue, ou l’errance à la recherche d’un ailleurs aussi insaisissable que l’horizon. A cet égard, le terme de « dealer » peut tout aussi bien désigner celui qui, au jeu, distribue les cartes ou le pourvoyeur de drogue. Tous aussi reconnaissent l’étrange penchant qui fait rechercher – ou accepter – de façon itérative, des relations dont l’échec ou la fin sont d’emblée prévisibles. La plupart des lecteurs et auditeurs discernent, chez « l’étranger » de la chanson, l’éternelle quête d’un absolu définitif, et le terme de « ciel » (heaven) peut tout autant s’appliquer au jeu qu’à la drogue… dont on sait trop bien qu’elle mène en réalité à l’enfer. L’irrésistible attrait du voyage, l’incapacité à « prendre racine », l’insatisfaction fondamentale participent aussi à l’essence de cette chanson, rejoignant un thème récurrent chez Léonard Cohen comme chez beaucoup d’autres (« Don’t think twice », pour ne citer que Bob Dylan). Cependant, un aspect majeur de cette chanson est souvent laissé de côté, et la merveilleuse adaptation française* de Graeme Allwright, qui a fait beaucoup pour faire connaître Léonard Cohen dans la francophonie, semble l’éluder. Il s’agit de l’inversion des rôles par laquelle la femme auprès de laquelle l’étranger cherche refuge devient à son tour l’étrangère, et, au moment de lui ouvrir son abri, se retourne, comme appelée par la route. Elle en actionne la poignée, et la porte s’ouvre vers le monde. N’est-elle pas attirée non par ces aventuriers mais par l’aventure elle-même ? A travers eux, n’est-elle pas, elle aussi, à la recherche de l’insaisissable ? Est-ce une recherche ou une fuite ? Ne sommes-nous pas tous étrangers et semblables à la fois dans notre aspiration vers l’absolu… ou l’ultime ?

ALN

La Chanson de l’étranger

Tu n’as connu que des hommes qui jouaient

Et prétendaient abandonner

Dès lors que tu les abritais

Ce type d’homme, je l’ connais

C’est dur de tenir la main d’une personne

Qui n’aspire au ciel que pour capituler

Et puis, en balayant les jokers qu’il a laissés

Tu vois qu’il ne t’a pas laissé grand-chose

Pas même un rire

Comme tout joueur, il attendait la carte si forte

Et folle qu’il n’en aurait

Besoin d’aucune autre à l’avenir

C’était Joseph cherchant une crèche pour y dormir

C’était Joseph cherchant une crèche pour y dormir

Un jour, appuyé à ta fenêtre

Il te dira que tout son être

S’amollit d’être par ton amour protégé

Et prenant dans son portefeuille

Un vieil horaire de trains dira

Je te l’avais bien dit, je suis étranger

Je te l’avais bien dit, je suis étranger

Mais un autre étranger semble vouloir que tu ignores ses rêves

Comme si c’était le fardeau d’autre que lui

Tu as déjà vu cet homme

Et son bras d’or donnant les cartes

Mais maintenant, des doigts au coude, il est enraidi

Il veut troquer le jeu qu’il joue contre un abri

Oui, troquer le jeu qu’il connaît contre un abri

Tu détestes voir un autre homme las

Baisser les bras

Comme s’il abandonnait du poker le jeu sacré

Et tandis qu’il parle de ses rêves

Pour dormir tu vois monter

Derrière sa tête un chemin comme de la fumée

Ça monte derrière sa tête comme de la fumée

Tu lui dis d’entrer pour s’asseoir mais

Quelque chose te fait te retourner

La porte de ton refuge tu n’peux refermer

Tu actionnes la poignée de la route

Et elle s’ouvre ; alors, n’aies pas peur

C’est toi, amour, toi qui es l’étranger

C’est toi, amour, toi qui es l’étranger

Oui, je l’attendais, j’étais sûr

Qu’entre deux trains on se rencontrerait

Il est temps pour nous de repartir

Tu dois comprendre que, vers le cœur de ce problème

Ou quelque autre, jamais je n’eus de

Plan secret pour m’y conduire

Bon, il parle comme ça

Tu n’ sais pas où il veut en v’nir

Quand il parle comme ça

Tu n’ sais pas où il veut en v’nir

Voyons-nous demain si tu veux

Sur le rivage, près du chantier

Du pont sur le fleuve qui ne finit jamais

Puis il quitte le quai

Pour la chaleur du wagon-lit

Tu réalises que c’est encore un autre refuge qu’il veut vanter

Tu comprends que jamais il ne fut étranger

Et tu dis « D’accord, le pont, ou ailleurs, après »

Et puis, en balayant les jokers qu’il a laissés

Tu vois qu’il ne t’a pas laissé grand-chose

Pas même un rire

Comme tout joueur, il attendait la carte si forte

Et folle qu’il n’en aurait

Besoin d’aucune autre à l’avenir

C’était Joseph cherchant une crèche pour y dormir

C’était Joseph cherchant une crèche pour y dormir

Un jour, appuyé à ta fenêtre

Il te dira que tout son être

S’amollit d’être par ton amour protégé

Et prenant dans son portefeuille

Un vieil horaire de trains dira

Je te l’avais bien dit, je suis étranger

Je te l’avais bien dit, je suis étranger

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)

* C’est par respect et admiration envers Graeme Allwright et ses adaptations françaises des chansons de Léonard Cohen que je n’avais pas, jusqu’à présent, traduit les chansons de son répertoire. Cependant, en ayant déjà traduit plus de 110, je ne pouvais plus longtemps les délaisser…